Le phénomène de Raynaud est un trouble vasomoteur caractérisé par un arrêt brutal mais transitoire de la circulation artérielle au niveau des extrémités. On distingue la maladie de Raynaud, forme bénigne, des phénomènes de Raynaud secondaires, plus sévères.
Le phénomène de Raynaud se caractérise par une ischémie paroxystique des extrémités : on parle d’acrosyndrome vasculaire paroxystique. Sa fréquence, en France, serait de 6 à 20 % chez les femmes, de 3 à 12,5 % chez les hommes.
On distingue le phénomène de Raynaud primaire, appelé “maladie de Raynaud”, du phénomène de Raynaud secondaire, appelé “syndrome de Raynaud”, qui est plus rare et plus sévère.
→ La maladie de Raynaud, forme la plus fréquente (80 % des cas), touche plus souvent les femmes. Les crises, bilatérales et symétriques, débutent classiquement avant 30/40 ans et ne s’accompagnent jamais de troubles trophiques (ulcérations pulpaires, gangrène).
→ Le syndrome de Raynaud, de survenue plus tardive (après 40 ans), est plus fréquent chez les hommes. Il est la manifestation d’une maladie générale ou locorégionale sous-jacente ou peut être d’origine iatrogène. Les crises, souvent pluriquotidiennes, unilatérales, tendent à s’aggraver avec le temps et peuvent s’accompagner de troubles trophiques.
Le phénomène de Raynaud touche essentiellement les doigts (mais pas forcément tous et parfois seulement une phalange). Les pouces sont généralement épargnés en cas de phénomène de Raynaud primaire. Les orteils, le nez, les oreilles ou le menton peuvent aussi être atteints, notamment au cours d’un phénomène de Raynaud secondaire.
Classiquement, la crise, conséquence d’un arrêt circulatoire transitoire au niveau des artérioles, dure de quelques minutes à une heure et se déroule en trois phases :
→ une phase syncopale, caractérisée pas la survenue d’une ischémie. Les doigts sont blancs, froids, insensibles ;
→ une phase asphyxique, caractérisée par une cyanose (les doigts sont bleus) liée à la stagnation veineuse. Elle s’accompagne de dysesthésies (picotements, fourmillements…) ;
→ une phase hyperhémique, due à la reprise de la circulation sanguine dans les territoires ischémiques. Les doigts sont rouges, tuméfiés et souvent douloureux.
En pratique, il est rare que ces trois phases soient systématiquement présentes.
La survenue transitoire d’un changement de coloration des extrémités lors de l’exposition au froid suffit à évoquer le diagnostic.
→ Les crises sont déclenchées par le froid ou une variation brutale de température (passage d’une zone chaude dans une atmosphère avec air conditionné, contact avec un objet froid…) ou parfois les émotions ou le stress.
→ Le tabac (qui provoque une vasoconstriction) est un facteur aggravant les crises.
Des antécédents personnels ou familiaux d’acrosyndrome vasculaire et/ou de migraines sont souvent retrouvés.
Les causes ou pathologies pouvant déclencher un phénomène de Raynaud secondaire sont nombreuses : pathologies artérielles (cardiopathies emboligènes, artériopathies inflammatoires ou liées à l’exposition à des engins vibrants : tronçonneuse, marteau-piqueur…) ; maladies auto-immunes (sclérodermie systémique, lupus érythémateux disséminé, syndrome de Gougerot-Sjögren associant sécheresse oculo-buccale, cutanée et vaginale, polyarthrite rhumatoïde…) ; hypothyroïdie ; syndrome du canal carpien ; médicaments ou toxiques susceptibles d’induire une vasoconstriction distale : bêtabloquants même sous la forme de collyre, dérivés de l’ergot de seigle, clonidine, cyclosporine, interféron-alpha, certaines chimiothérapies (bléomycine, sels de platine, vinblastine) ; cannabis, cocaïne, LSD.
Il est essentiellement clinique et basé sur l’interrogatoire.
→ Examen clinique : observation des doigts ou des extrémités atteintes (signes d’ischémie, cicatrices de nécrose…), recherche de signes de sécheresse (bouche, peau…), palpation des pouls, auscultation vasculaire… Toute ulcération digitale ou nécrose des extrémités nécessite un avis spécialisé afin de rechercher une maladie causale.
→ Interrogatoire : certains éléments orientent vers une pathologie primaire ou secondaire : antécédents familiaux, âge de survenue, atteinte uni- ou bilatérale, présence ou non de signes trophiques. Sont aussi recherchés la fréquence et l’intensité des crises, la prise de médicaments favorisants ou l’exposition à des microtraumatismes répétés, un éventuel tabagisme ou une toxicomanie (cannabis notamment) des signes évocateurs d’une maladie auto-immune (myalgies, arthralgies, altération de l’état général, etc.) ou d’une hypothyroïdie (frilosité, constipation, prise de poids).
→ Examens complémentaires : la recherche d’anticorps antinucléaires et la capillaroscopie péri-unguéale sont recommandés systématiquement pour dépister une sclérodermie débutante car les éléments issus de l’examen clinique et de l’interrogatoire ne permettent pas de différencier formellement un phénomène de Raynaud primaire d’un phénomène secondaire. La capillaroscopie péri-unguéale réalisée par un angiologue peut mettre en évidence une microangiopathie spécifique, signe précoce et prédictif de la survenue d’une sclérodermie.
→ Dans tous les cas, si ces examens sont positifs, des explorations complémentaires sont pratiquées selon le contexte (bilan immunologique, échographie-doppler artériel des membres supérieurs…).
→ En cas de maladie de Raynaud, la mise en route d’un traitement n’est justifiée qu’en cas de symptômes invalidants chez les patients pour qui les mesures de protection au froid ne suffisent pas. Les inhibiteurs calciques, qui induisent une vasodilatation, constituent la classe de médicaments la plus utilisée (le nifédipine, Adalate ou, hors AMM mais mieux toléré, le diltiazem, Tildiem). La prazosine, un alphabloquant, dispose également d’une AMM, mais son efficacité est plus limitée.
→ Dans le phénomène de Raynaud secondaire, le traitement de la cause est indispensable. Lorsqu’un médicament est incriminé, c’est l’évaluation du rapport bénéfice-risque qui détermine l’intérêt de le poursuivre. En cas de nécrose digitale, le traitement justifie des soins locaux, une antibiothérapie en cas d’infection et un traitement par iloprost (une prostaglandine administrée en perfusion intraveineuse à l’hôpital).
Fiche réalisée avec l’aimable participation du Pr Jean-Noël Fiessinger, service de médecine vasculaire et d’hypertension artérielle, Hôpital européen Georges-Pompidou, Paris, AP-HP
→ La maladie de Raynaud est une affection gênante mais bénigne. Les crises vont généralement en s’améliorant avec le temps et peuvent disparaître. Les mesures préventives de protection contre le froid sont habituellement efficaces et suffisantes : gants, chaussettes, superposition des couches de vêtements au niveau du corps, bonnet ou chapeau, car l’organisme perd beaucoup de chaleur par le cuir chevelu. Si une crise survient, réchauffer les mains ou les pieds (eau tiède, chaufferettes à avoir dans ses poches) ; bouger les parties atteintes et les masser.
→ Recommander d’éviter le port de charges à la main (le poids entraîne une ischémie locale), le port de vêtements serrés ou de bijoux serrés aux doigts ou au poignet.
→ Proscrire la prise de médicaments vasoconstricteurs en automédication, comme les médicaments du rhume.
→ Encourager l’arrêt du tabac (il favorise la vasoconstriction des extrémités).