Cahier de formation
Savoir faire
Vous intervenez pour un suivi d’hospitalisation chez madame M., 80 ans, atteinte d’un cancer du poumon asymptomatique sur le plan respiratoire, pour lequel les médecins ont opté pour l’abstention thérapeutique au vu de son état général (asthénie, anorexie). Elle est rentrée depuis trois jours à la maison après une hospitalisation justifiée par une pneumopathie résistante à l’antibiothérapie réalisée à domicile et se plaint d’avoir été très gênée sur le plan respiratoire durant la nuit malgré les séances d’aérosol que vous supervisez.
Vous appelez le pneumologue afin de lui suggérer d’associer à l’aérosolthérapie une prescription de soins kinésithérapiques et d’aspiration nasotrachéale pour aider au désencombrement des bronches, faciliter l’expectoration des sécrétions et maintenir la capacité respiratoire de la patiente.
Parce que le contexte (le cancer du poumon survient souvent sur un terrain de bronchite chronique), les traitements curatifs (résection chirurgicale d’une partie des poumons) et l’évolution du cancer (compression des bronches par des adénopathies par exemple) peuvent affecter plus ou moins lourdement la fonction respiratoire du patient tout au long de la maladie, les soignants doivent mettre en place une surveillance et des soins visant à préserver ou restaurer la capacité respiratoire du patient (aérosolthérapie, aspirations nasotrachéales, oxygénothérapie, kinésithérapie respiratoire) qui nécessitent, au-delà de l’aspect matériel, un véritable travail collaboratif entre les kinésithérapeutes, les Idels et les patients (lire le sous-papier page ci-contre).
« L’aérosolthérapie peut être utilisée dans le contexte du cancer du poumon pour éviter l’obstruction d’une prothèse endo-bronchique par inhalation de sérum physiologique ou pour pulvériser des agents bronchodilatateurs ou fluidifiants en cas d’état spastique des bronches ou lorsque le mucus est particulièrement dense et épais, situations qui compromettent le drainage des sécrétions et le désencombrement du patient », explique le Pr Élisabeth Quoix, professeur des universités – praticien hospitalier (PU-PH), Hôpitaux universitaires de Strasbourg (Bas-Rhin). En pratique, les Idels préparent la solution conformément à la prescription médicale, installent le patient en position demi-assise ou assise, lui expliquent comment positionner le masque et comment respirer durant le soin (inspirer profondément par le nez et expirer longuement par la bouche). « Pour paraître simple, ce soin peut être anxiogène pour certains patients, explique Françoise Foures, Idel à Montlaur (Haute-Garonne). D’autres n’arrivent pas à respirer par le nez et c’est la raison pour laquelle nous surveillons toujours la réalisation des aérosols, nous l’aidons à se détendre en répétant avec lui à vide les mouvements respiratoires et si nécessaire nous lui proposons d’utiliser un masque englobant le nez et la bouche pour qu’il puisse inspirer et expirer par la bouche. » Parfois, le fait de poser une main sur sa cage thoracique permet de l’apaiser et de l’aider à se concentrer plus facilement sur sa respiration durant les trois à quinze minutes que dure le soin en fonction du produit diffusé. Lorsque des séances de kinésithérapie respiratoire sont prescrites, il est important de toujours programmer l’aérosolthérapie préalablement, car, combinée à la ventilation abdomino-diaphragmatique (lire page de droite), elle rend la toux efficace et facilite l’expectoration des mucosités.
Chez les patients incapables d’évacuer les sécrétions par la toux (réflexe diminué ou absent, maladie en phase terminale…) ou présentant une hypersécrétion très gênante, l’Idel peut être amenée, de préférence à distance des repas, à réaliser des aspirations nasotrachéales à l’aide d’une sonde nasale et d’un aspirateur à mucosités afin de libérer les voies aériennes supérieures et d’améliorer la ventilation. « L’aspiration est un geste invasif, poursuit Françoise Foures, dont nous devons optimiser l’usage en lien avec les kinésithérapeutes en programmant nos heures de passage et nos interventions de telle sorte que le travail de kinésithérapie respiratoire et les aspirations soient complémentaires pour assurer le meilleur confort ventilatoire possible au patient. » À domicile, le dossier de soin favorise cette collaboration interprofessionnelle particulièrement importante dans cette pathologie pour pouvoir en permanence adapter la prise en charge dans un esprit de complémentarité des soins et d’efficacité, mais aussi pour éviter de répéter inutilement des gestes pénibles pour le patient.
Souvent associée aux soins palliatifs dans un contexte d’hypoxémie ou de dyspnée
* Bien que l’intérêt de l’oxygénothérapie n’ait pas été démontré en dehors des situations d’hypoxémie, la HAS recommande la prise en charge de l’oxygénothérapie pour soulager la dyspnée chez les patients en soins palliatifs ou en fin de vie dans le but de limiter les hospitalisations. Source : “Oxygénothérapie à domicile”, HAS, avril 2012, à lire via le lien raccourci bit.ly/1WBIPlE
Les conseils d’Emmanuelle Gueutal et Marie-Claire Montagnon, kinésithérapeutes dans les services de pneumologie et de soins palliatifs de l’hôpital Nord Franche-Comté, à Belfort.
Dans l’intervalle des séances de kinésithérapie prescrites dans le contexte du cancer du poumon, après y avoir été formé, le patient peut effectuer lui-même certains exercices de kinésithérapie respiratoire pour renforcer l’efficacité du travail réalisé avec les soignants et améliorer son confort respiratoire. À domicile comme à l’hôpital, il est intéressant de montrer ces exercices aux infirmiers pour qu’ils puissent s’assurer qu’ils sont bien réalisés, mais surtout pour qu’ils incitent et supervisent leur réalisation lorsque les patients les négligent. Ces exercices comprennent la ventilation abdomino- diaphragmatique, le bocal de Plent, la spirométrie incitative et la rééducation locomotrice.
→ La ventilation abdomino-diaphragmatique (VAD) : lorsque les patients sont encombrés, essoufflés, dyspnéiques, ils respirent de manière superficielle peu efficace pour bien oxygéner l’organisme. Base de la kinésithérapie respiratoire, mais aussi du travail respiratoire effectué en relaxation, yoga ou sophrologie, la VAD dirigée vocalement et manuellement par le kinésithérapeute permet d’aider le patient à se détendre et à améliorer l’efficacité de l’expectoration des sécrétions par la toux. Elle peut être réalisée à volonté par le patient et consiste, en position semi-assise, à inspirer de manière lente et profonde par le nez en gonflant le ventre et à expirer doucement par la bouche en rentrant le ventre.
→ Le bocal de Plent : il permet de travailler l’expiration et consiste à souffler lentement avec une paille dans un bocal rempli d’eau. Les bulles formées par son souffle lui permettent d’objectiver l’efficacité de son travail. Répété plusieurs fois dans la journée, cet exercice aide le patient à faire remonter progressivement les sécrétions.
→ La spirométrie incitative : destinée à favoriser l’augmentation du volume pulmonaire, cette technique encourage le patient à inspirer profondément à l’aide d’un appareil composé d’un embout buccal raccordé à une colonne d’air graduée de smileys ou contenant une balle. Plus le patient inspire fort, plus le smiley sourit, ou la balle monte dans la colonne, lui donnant la possibilité de constater visuellement le débit et/ou le volume mobilisé.
→ La rééducation locomotrice : afin de préserver l’autonomie ventilatoire du patient pour faciliter tous les gestes et transferts quotidiens, la rééducation locomotrice associée aux exercices de kinésithérapie respiratoire peut être mise en place et relayée par l’Idel et l’entourage du patient. Faire marcher le patient régulièrement, l’emmener aux toilettes à pied, l’inciter à effectuer tous ses transferts avec son déambulateur plutôt qu’en fauteuil, aident à consolider l’entretien de la capacité respiratoire mais aussi à éviterles positions de replis nuisibles à la ventilation.