Cahier de formation
Savoir
Alors que la Haute Autorité de santé préconise un retour à domicile sans “soins de suite et réadaptation” pour plusieurs interventions orthopédiques, l’Assurance maladie développe un programme d’accompagnement pour renforcer ce retour.
Les situations d’immobilisation sont fréquentes à domicile, notamment après la phase aiguë d’une maladie neurologique ou cardiaque, en cas de maladie non stabilisée (cancer, maladie cardiaque ou pulmonaire), à cause d’un traitement orthopédique, ou encore lors des accompagnements en fin de vie. Ces situations sont l’origine de positions assises ou allongées (décubitus) plus ou moins prolongées qui présentent des risques de complications qui doivent être prévenus. Le risque de complications s’accroît avec l’avancée en âge.
Causées par une maladie ou un traumatisme, les situations de décubitus prolongé (position allongée) sont susceptibles d’entraîner des complications affectant de multiples appareils de l’organisme. Ces complications ont pour origine la perte de l’orthostatisme, la pathologie à l’origine du décubitus et le stress causé par la maladie elle-même et par les contraintes de la perte de mobilité.
Les complications du décubitus sont principalement dues à l’immobilisation qui est synonyme de perte de la station verticale et d’absence d’exercice. Le maintien du décubitus induit des altérations :
→ des structures musculaires de maintien qui n’ont plus à assurer la stabilité du corps en position debout ou au cours de la déambulation ;
→ de la réception des informations impliquées dans le maintien de l’équilibre par les organes sensoriels ;
→ de l’orthostatisme, désadapté par les modifications du système cardiovasculaire.
La prise en charge des complications implique de distinguer :
→ les modifications physiologiques induites par l’immobilisation ;
→ les circonstances cliniques liées à l’état pathologique à l’origine de l’immobilisation ;
→ les complications propres à l’état de décubitus et d’immobilité.
À la sortie de l’hospitalisation, le patient peut soit retourner à domicile si certaines conditions sont réunies, soit transiter par un service spécialisé pour préparer son retour au domicile.
L’intitulé “soins de suite et de réadaptation” (SSR) a remplacé l’ancienne appellation “moyen séjour”. La prise en charge en SSR s’inscrit entre le court séjour et le retour à domicile. Elle a pour objectif la réinsertion de la personne au domicile après stabilisation de son état, grâce à :
→ la restauration de l’autonomie ;
→ la consolidation et la réorientation de la prise en charge après une situation aiguë.
Les SSR dispensent, avec ou sans hébergement :
→ des soins pendant une courte durée ou concernant des affections graves pendant leur phase aiguë en médecine, chirurgie, obstétrique, odontologie ou psychiatrie ;
→ des soins de suite ou de réadaptation dans le cadre d’un traitement ou d’une surveillance médicale à des malades requérant des soins continus, dans un but de réinsertion ;
→ des soins pendant une longue durée, comportant un hébergement, à des personnes n’ayant pas leur autonomie de vie et dont l’état nécessite une surveillance médicale constante ainsi que des traitements d’entretien.
Les structures de “médecine physique et de réadaptation” (MPR) sont des services de SSR spécialisés (lire l’interview ci-contre).
La MPR est la spécialité médicale qui assure les soins de rééducation et de réadaptation après une maladie ou une intervention chirurgicale. La MPR a pour rôle de coordonner et d’assurer la mise en application de toutes les mesures visant à prévenir ou réduire au minimum inévitable les conséquences fonctionnelles physiques, psychologiques, sociales et économiques des déficiences et des incapacités.
La MPR s’inscrit dans une prise en charge pluridisciplinaire qui associe médecins et personnel paramédical spécialisé tels que kinésithérapeutes, ergothérapeutes, orthophonistes. Elle fait souvent appel à d’autres spécialistes en fonction de la pathologie en cause.
La MPR s’adresse à des malades aigus ou chroniques très divers atteints de déficits physiques ou neurologiques. Un bilan initial apprécie les conséquences fonctionnelles des troubles. Le traitement est adapté pour contribuer à la récupération des déficits ou éviter leur aggravation. Les soins peuvent être donnés au cours d’hospitalisations brèves ou prolongées, ou en ambulatoire avec consultations répétées et évaluation périodique de la situation.
L’orientation vers une prise en charge en ville peut être proposée immédiatement à la suite du traitement orthopédique ou chirurgical initial ou en prolongement d’une rééducation en centre de rééducation.
En 2006, la Haute Autorité de santé (HAS) publiait des recommandations portant sur les actes chirurgicaux et orthopédiques ne nécessitant pas une hospitalisation systématique en SSR, tout en justifiant de soins de masso-kinésithérapie.
Selon ces recommandations, l’orientation vers une prise en charge à domicile peut être envisagée pour :
→ 18 types d’interventions chirurgicales, parmi lesquelles deux actes assez lourds, l’arthroplastie totale coxo-fémorale de première intention (prothèse totale de hanche) et l’arthroplastie partielle du genou (une seule partie de l’articulation est changée) ;
→ 2 actes d’orthopédie : fracture d’un segment de membre ou du bassin traitée orthopédiquement et fracture du rachis stable non opérée.
La prise en charge en ambulatoire n’est possible qu’en l’absence de facteurs incompatibles avec le maintien à domicile :
→ complications locales, régionales ou générales ;
→ pathologies associées ;
→ isolement social.
Le retour à domicile n’exclut pas le recours possible à une hospitalisation différée en centre de rééducation si la prise en charge s’avère irréalisable en ville.
La prise en charge des soins infirmiers faite dans le cadre d’une prescription médicale inclut :
→ la détection de signes d’alerte (douleur, luxation, hématome, thrombophlébite, infection…) et leur signalement au médecin traitant ;
→ la tenue du dossier de soins et/ou de la fiche de liaison ;
→ la prescription des dispositifs médicaux si besoin.
La prise en charge par l’infirmière libérale (Idel) consiste le plus souvent en des soins infirmiers techniques de type renouvellements et surveillance des pansements, injections d’anticoagulants, réalisation de prélèvements biologiques prescrits ou vérification de leur réalisation. Dans le cas où le patient est en situation de dépendance temporaire liée à l’intervention orthopédique, la mise en place d’une démarche de soins infirmiers (DSI) donne lieu à des séances de soins infirmiers englobant l’ensemble des actions de soins liées aux fonctions d’entretien et de continuité de la vie (lire la partie Savoir faire p. 39).
Développés depuis 2010, les trois premiers volets du Programme d’accompagnement au retour à domicile (Prado), à savoir “maternité”, “orthopédie” et “insuffisance cardiaque”, rencontrent une adhésion croissante des établissements de santé et un niveau élevé de satisfaction de la part des patients.
Les établissements de santé sont libres d’adhérer ou non au programme Prado par le biais d’une convention signée avec la Cnamts. Les professionnels de santé libéraux, étant de fait des partenaires conventionnels de la Cnamts, n’ont pas à signer de nouvelle convention spécifique. Ils restent libres d’accepter ou non une prise en charge proposée par le Prado.
L’accompagnement du retour à domicile s’adresse aux assurés du régime général de plus de 18 ans ayant subi une des interventions orthopédiques ne nécessitant pas une prise en charge systématique en SSR selon la HAS (liste des actes :bit.ly/1GhN29q).dans un établissement ayant passé une convention pour le dispositif Prado avec la Cnamts.
Ne sont pas éligibles :
→ les patients qui justifient une orientation en SSR (autonomie, douleur…) ;
→ les patients autonomes après des interventions légères pour lesquels l’équipe médicale estime qu’un accompagnement structuré à domicile par Prado n’est pas nécessaire.
Le patient est libre d’adhérer ou pas au dispositif Prado. En cas d’adhésion, celle-ci est communiquée au médecin traitant. L’adhésion au Prado ne modifie ni les conditions de prise en charge par l’Assurance maladie, ni les modalités de prise en charge des soins infirmiers à domicile.
Le dispositif Prado vise à organiser et à faciliter le retour à domicile du patient hospitalisé en prenant les premiers rendez-vous avec le masseur-kinésithérapeute et l’infirmier choisis par le patient. « Avec Prado, l’Assurance maladie aide à la mise en route de la prise en charge mais n’interfère pas dans le contenu des soins géré par les professionnels libéraux. Le programme permet principalement de raccourcir le délai entre la sortie de l’hôpital et la prise en charge à domicile », précise Thomas Jan, responsable Prado auprès de la Caisse nationale de l’Assurance maladie des travailleurs salariés (Cnamts). Une aide à la vie sous forme d’aide ménagère et/ou de portage de repas peut également être mise en place sous certaines conditions (lire l’interview ci-contre). Un autre objectif du Prado orthopédie vise à permettre l’application des recommandations de la HAS en matière de retour à domicile. En 2014, le taux de recours aux SSR a nettement diminué au profit du retour à domicile dans les établissements bénéficiant du dispositif Prado.
Dr Brigitte Barrois, médecin de médecine physique et de réadaptation, service de MPR, CH de Gonesse (Val-d’Oise)
• Les services de médecine physique et réadaptation (MPR) sont-ils des services de soins de suite ?
Oui, les services de MPR sont des services de SSR spécialisés dans la réadaptation fonctionnelle, même si leur spécialité n’existe pas du point de vue administratif
• Les patients de MPR proviennent-ils tous d’un service hospitalier ?
Non, il est dorénavant possible d’orienter un patient du domicile vers un service MPR à la demande du médecin traitant. Cela concerne des patients pour lesquels un renforcement de la prise en charge est nécessaire, avec plus de professionnels et plus de séances, car il y a une perte d’autonomie, ou des patients pour lesquels la prise en charge à domicile pose des difficultés malgré l’évaluation de départ.
• Comment est organisé le retour à domicile ?
La prescription de sortie est très travaillée en MPR. Un compte rendu d’hospitalisation détaillé est envoyé au médecin traitant, les infirmières libérales sont contactées et les soins leur sont présentés. Pour les patients compliqués, quand il y a un besoin d’adaptation du domicile, le service de MPR organise une visite à domicile, le plus souvent faite par l’assistante sociale et l’ergothérapeute. Cela ne concerne pas les suites simples. Dans ce cas-là, le patient n’a rien à payer, cette visite est prise en charge dans le cadre de la dotation globale versée par la Caisse primaire d’Assurance maladie à l’établissement.
* En dehors des SSR polyvalents, certains services de SSR sont autorisés à faire mention d’une spécialité dans quelques domaines, dont les affections de l’appareil locomoteur et/ou du système nerveux, les affections cardiovasculaires, respiratoires…
L’immobilisation a toujours un retentissement néfaste sur le sujet à risque élevé de complications du décubitus et de troubles psychologiques. La prévention d’un syndrome d’immobilisation passe par la correction des immobilisations injustifiées à l’hôpital et à domicile, et le repérage des signes d’alerte.
À l’hôpital, les causes les plus fréquentes d’immobilisation évitables sont en premier lieu relatives à l’hospitalisation dans des structures inadaptées.
À domicile, les causes les plus fréquentes d’immobilisation évitables sont :
→ l’encadrement de certaines personnes âgées par des familles trop aimantes et anxieuses qui se voient privées de leur liberté de marcher et sont confinées au lit ou au fauteuil de crainte qu’il n’arrive quelque chose ;
→ un maintien systématique au lit injustifié pour des troubles moteurs des maladies neurologiques ou orthopédiques qui rendent la marche spontanée impossible, difficile ou douloureuse, et qui nécessiteraient l’installation au fauteuil avec positionnement adapté des membres inférieurs et une mobilisation passive.
Thomas Jan, responsable du département de la coordination et de l’efficience des soins auprès de la Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés (Cnamts)
• Pourquoi un programme d’accompagnement au retour à domicile ?
Le programme de retour à domicile des patients hospitalisés Prado a été créé par l’Assurance maladie en collaboration avec les sociétés savantes et les experts libéraux à partir du constat que l’hospitalisation représente une situation de rupture pour le patient. Prado consiste à faciliter l’organisation de la prise en charge du patient à domicile après une hospitalisation. Ce programme d’accompagnement a été élaboré après observation des organisations mises en place à l’étranger et en France dans les réseaux de soins.
• Comment se déroule l’intervention du Prado en pratique ?
Lorsque l’équipe médicale autorise le patient à rentrer au domicile et lui propose un accompagnement Prado, un conseiller Assurance maladie (CAM) va rencontrer le patient dans sa chambre d’hôpital pour lui exposer le programme. Si le patient accepte, le CAM va informer le médecin traitant de la sortie et de l’accompagnement Prado. Il prend alors concrètement les premiers rendez-vous avec les Idels et les kinésithérapeutes. Le programme a aussi un versant social appelé “l’aide à la vie”, qui intègre des aides concrètes comme les aides ménagères mais aussi la possibilité de faire le point sur la situation administrative de l’assuré en recherchant la meilleure solution pour le patient. Ce peut être par exemple une aide à l’établissement d’une complémentaire santé en situation de précarité.
• Comment est perçu le programme par les intéressés ?
Prado répond à un besoin de liaison entre l’hôpital et la ville. L’augmentation du nombre d’établissements qui adhèrent sur la base du volontariat en est le meilleur indicateur. Les établissements qui refusent le programme le font le plus souvent parce qu’ils ont déjà un dispositif similaire en interne. Nous avons aussi des retours très positifs de la part des professionnels libéraux régulièrement consultés. Quant aux patients qui sont systématiquement contactés une dizaine de jours après la sortie pour savoir si le dispositif a répondu à leurs besoins, leur taux de satisfaction est supérieur à 95.
• Quelle est la place de l’Idel dans le Prado ?
Elles sont de vraies partenaires de ce programme. Elles ont un rôle majeur dans le suivi et l’éducation du patient. Chaque rencontre au niveau local ou national est l’occasion de faire des points de situation et d’apporter des améliorations. Un exemple concret, l’Assurance maladie entend faire évoluer la prise en charge des indemnités kilométriques à leur demande car le libre choix du patient était en contradiction avec des règles qui réservaient le remboursement des déplacements au professionnel le plus proche du domicile (lire aussi p. 18).