L'infirmière Libérale Magazine n° 319 du 01/11/2015

 

Sexologie

Cahier de formation

Le point sur

Nathalie Belin  

La dysfonction érectile peut avoir de multiples causes, organiques et/ou psychologiques. Elle doit être considérée comme le signe possible d’une atteinte cardiovasculaire.

Définition

→ La dysfonction érectile est définie comme l’incapacité persistante ou récurrente à obtenir ou à maintenir une érection permettant un rapport sexuel avec pénétration satisfaisant.

→ Sa prévalence augmente avec l’âge : plus de 50 % des hommes au-delà de 70 ans*. 44 à 75 % des dysfonctions érectiles s’observent chez des sujets présentant des facteurs de risque cardiovasculaire.

→ La dysfonction érectile est un “symptôme sentinelle” qui peut traduire une maladie cardiovasculaire asymptomatique, avec un délai d’apparition potentiel des symptômes entre deux et cinq ans. Outre son impact sur la vie sexuelle et la vie de couple, il est fréquent qu’elle retentisse aussi sur la vie professionnelle et sociale.

Principales étiologies

→ Une dysfonction érectile peut survenir à la suite d’un traumatisme brutal (physique ou psychique) mais, le plus souvent, les troubles sont d’origine multifactorielle : aux facteurs organiques et à l’âge s’ajoutent fréquemment des facteurs psychologiques, en particulier une anxiété de performance secondaire. Le tabac, l’alcool, les drogues sont susceptibles d’aggraver une dysfonction érectile.

→ Les principales causes organiques sont d’origine métabolique (diabète, dyslipidémie, hypertension artérielle, obésité, etc.), endocrinienne (hypoandrogénie, dysthyroïdie…), cardiovasculaire (hypertension, insuffisance cardiaque…), neurologique (Parkinson, sclérose en plaques), ventilatoire (apnée du sommeil) ou encore iatrogène (prostatectomie, certains diurétiques, antihypertenseurs d’action centrale, bêta-bloquants non sélectifs, antidépresseurs, fibrates, anti-androgènes et anti-gonadotropes, inhibiteurs de la 5-alpha-réductase, etc). Les dysfonctions érectiles médicamenteuses sont en général réversibles à l’arrêt du traitement.

→ Les causes psychiques sont plus fréquentes chez les patients jeunes (moins de 45 ans) : dépression, trouble anxieux, conflits au sein du couple…

Diagnostic

→ Hormis les dysfonctions érectiles post-chirurgicales ou post-traumatiques, une durée des troubles de trois mois au moins est requise pour poser le diagnostic. Celui-ci repose sur l’interrogatoire du patient et, si possible, de sa/son partenaire ainsi que sur l’examen clinique. Sont aussi recherchés d’autres troubles de la sexualité (baisse de la libido, éjaculation précoce, douleurs pendant les rapports…), des troubles mictionnels (en rapport avec une hypertrophie bénigne de la prostate), un éventuel syndrome dépressif ainsi que les facteurs de risque cardiovasculaire (surcharge pondérale et obésité abdominale, tabagisme, dyslipidémie, hypertension artérielle, diabète). Un dosage de la testostéronémie est effectué.

→ Une dysfonction érectile survenant chez un patient coronarien ou associée à au moins trois facteurs de risque cardiovasculaire doit orienter vers un avis cardiologique.

Prise en charge

Elle se fait en concertation avec le patient/le couple et repose sur une prise en charge globale pouvant comporter : traitement pharmacologique, prise en charge des facteurs de risque (hygiène de vie), adaptation des traitements en cours (antidépresseurs, antihypertenseurs…), aide psychologique et/ou sexologique.

Traitements pharmacologiques

Inhibiteurs de la phosphodiestérase de type 5 (IPDE5)

→ Avanafil (Spedra), sildénafil (Viagra), tadalafil (Cialis), vardénafil (Levitra) : ils constituent le traitement de première intention chez la majorité des patients. Ils se prennent à la demande entre quinze minutes et une heure avant le rapport sexuel et leur action dure plusieurs heures mais elle ne s’exerce que s’il y a stimulation sexuelle. Si un usage fréquent du médicament est prévu (au moins deux fois par semaine), il est possible de recourir à l’administration quotidienne de tadalafil à faible dose (2,5 ou 5 mg).

→ À savoir : les résultats s’améliorant au fil du temps, effectuer au moins quatre à six tentatives avant de conclure à un échec. Il est parfois nécessaire d’essayer différentes molécules. Céphalées, flushs (rougeur du visage), congestion nasale avec rhinite, sensations vertigineuses sont les effets indésirables les plus fréquents.

→ Contre-indication formelle : en association à un dérivé nitré ou apparenté ou avec des poppers (puissants vasodilatateurs inhalés destinés à augmenter le plaisir sexuel), ou en cas de pathologie cardiovasculaire non équilibrée.

Alprostadil

→ Cette prostaglandine vasodilatatrice s’administre par voie intracaverneuse (Caverject, Edex), intra-urétrale (Muse) ou, depuis peu, par voie topique (Vitaros), généralement en cas d’échec, de contre-indication ou de mauvaise tolérance des IPDE5, voire pour préférence personnelle. Les administrations intra-urétrale ou topique peuvent être préférées par le patient en raison du caractère moins invasif du geste mais elles sont moins efficaces que l’injection intracaverneuse, la seule remboursée dans certaines indications (paraplégie, tétraplégie, sclérose en plaques, séquelle de chirurgie, neuropathie diabétique…).

→ À savoir : par voie intracaverneuse ou intra-urétrale, aucune stimulation sexuelle n’est nécessaire à l’action de l’alprostadil. Les principaux effets indésirables sont des douleurs et, pour les voies intra-urétrale et topique, des brûlures y compris chez la partenaire. Si l’érection se prolonge plus de trois heures (rare avec la voie topique), il est indispensable de contacter en urgence le médecin (priapisme).

Yohimbine (Yocoral)

D’efficacité limitée, réservée aux formes légères plutôt d’origine psychologique.

Autres

→ Vacuum (ou pompe à vide) : généralement proposé après échec des traitements précédents car l’acceptabilité du dispositif par le patient/le couple est variable.

→ Prothèse pénienne semi-rigide ou gonflable : option de troisième ligne en cas d’échec, intolérance ou contre-indications des traitements pharmacologiques, ou par choix d’une solution permanente par le patient.

Conseils

→ Une consultation médicale, si besoin auprès d’un spécialiste (urologue, sexologue…), peut aider à résoudre rapidement un problème de dysfonction érectile qui, sinon, peut aller en s’aggravant. Une thérapie chez un psychologue ou un sexologue est utile si les troubles de l’érection sont d’origine psychologique, ou en cas de conjugopathie réactionnelle importante.

→ Hygiène de vie : une activité physique, une faible consommation d’alcool, l’absence de tabagisme, la réduction d’une surcharge pondérale sont associées à une diminution du risque de dysfonction érectile.

→ Attention aux IPDE5 en vente sur Internet : ils font partie des médicaments les plus contrefaits. Il existe un générique de Viagra qui permet de réduire les coûts. Inciter les patients à signaler les traitements pris par ailleurs au médecin ou au pharmacien car de nombreuses interactions existent avec les IPDE5.

L’auteur déclare ne pas avoir de lien d’intérêts.

* Source : “Recommandations aux médecins généralistes pour la prise en charge de première intention de la dysfonction érectile”, actualisées en 2010 sous l’égide de l’Association inter-hospitalo-universitaire de sexologie.

Point de vue

Une efficacité des IPDE5 de l’ordre de 75 à 85 %

Dr Antoine Faix, urologue et sexologue, responsable du Comité d’andrologie et de médecine sexuelle de l’Association française d’urologie et secrétaire général de l’Association interdisciplinaire post-universitaire de sexologie

« L’efficacité moyenne des IPDE5 est de l’ordre de 75 à 80 % avec des variations individuelles importantes. Elle est aussi liée à l’importance des facteurs de risque organiques et psychogènes. Plus le patient présente des troubles psychogènes ou organiques importants, moins le traitement sera efficace. Mais la prise en charge des facteurs de comorbidités associés, bien conduite, peut également améliorer la réponse obtenue. D’autre part, l’alprostadil par voie topique devrait a priori s’intercaler entre les IPDE5 et les injections intracaverneuses en constituant une alternative à ces dernières. Il a une efficacité certaine mais il est encore difficile d’estimer son impact. »