L'infirmière Libérale Magazine n° 319 du 01/11/2015

 

INTERPROFESSION

Actualité

Olivier Blanchard  

INTERACTIONS > Parler de l’infirmière et du médicament, thème du 5e colloque de l’URPS-infirmiers Aquitaine, implique d’évoquer le rôle des autres acteurs de santé…

Rarement l’introduction d’un colloque n’a réussi à définir aussi bien les paradoxes d’une profession. Première à s’exprimer le 8 octobre à Antonne-et-Trigonant (Dordogne), Solange Ménival, vice-présidente en charge de la Santé au conseil régional d’Aquitaine, l’affirme de façon très claire : avec l’allongement de la durée de vie, le développement des maladies chroniques et les impératifs “d’efficience” économique, le rôle de l’infirmière va évoluer. En particulier, il va lui falloir « lâcher les toilettes », donc, si l’on suit sa logique, les AIS 3, au cœur de conflits avec la Caisse primaire d’Assurance maladie. Mais, ensuite, Monique Janicot, directrice de la délégation territoriale de Dordogne de l’Agence régionale de santé (ARS), insiste, elle, sur le rôle essentiel des infirmières à domicile qui, par leur intervention quotidienne, luttent contre la surconsommation de médicaments qui serait « la cause de deux tiers des hospitalisations ». Or, dans la NGAP, en dehors de la psychiatrie ou des quinze jours « lors de la mise en œuvre d’un traitement ou lors de la modification de celui-ci », aucune cotation, à ce jour, ne permet de s’occuper quotidiennement des médicaments des patients, sauf à englober cette surveillance dans une “séance de soins infirmiers”… soit un AIS 3.

Conciliation médicamenteuse

La nomenclature n’a pas été, loin de là, le seul sujet d’attention de cette journée, placée résolument sous le signe de l’échange. Une étude de cas a ainsi montré que l’interprétation des prescriptions peut porter à confusion et que les regards des médecins, pharmaciens et infirmiers sont complémentaires. Le concept de “conciliation médicamenteuse” (soit l’échange de tous les professionnels autour du médicament) est alors introduit par Jean-Baptiste Chemille, de l’URPS-pharmaciens. Il rappelle aussi que « trois quarts des erreurs faites dans une prescription le sont à cause d’un manque de connaissances exhaustives du traitement du patient », souvent à cause de prescripteurs multiples (généralistes, hôpitaux ou spécialistes) qui s’ignorent réciproquement.

Pour résoudre ce problème, il présente le dossier pharmaceutique (DP) qui propose gratuitement aux patients qui le souhaitent de recenser tous les traitements délivrés, avec ou sans ordonnance, ce dossier étant ensuite consultable partout en France. D’autres projets de dossiers partagés ou de coordination sont évoqués tels que Paaco, testé dans les Landes, mais aussi le dossier médical personnel présenté par Télésanté Aquitaine. Ce dossier a été lancé avec succès il y a quelques années, mais il s’est ensuite essoufflé. Télésanté annonce que, passé aujourd’hui sous la tutelle de la Caisse nationale d’Assurance maladie (Cnamts), ce projet va être relancé et étendu à tous les professionnels.

Mais le médecin généraliste Philippe Mader fait remarquer que, comme d’autres collègues, il refusera d’alimenter un outil pouvant servir à remplir les statistiques de la Cnamts et donc à surveiller son activité.

EN SAVOIR +

→ Lors de cette journée, un rappel de certaines règles législatives – les médicaments appartiennent au patient et ne peuvent pas être gardés par l’infirmière, leur conservation (à l’abri de l’humidité, de la chaleur et de la lumière) n’est possible qu’en pharmacie ou au domicile du patient – déclenche quelques remous chez des infirmières, habituées à conserver les traitements de leurs patients dans leurs véhicules. Entre la théorie et la pratique, il y a parfois un certain fossé…