Delphine Loze, responsable commerciale en protection incontinence à Bordeaux
La vie des autres
Après des études de commerce, Delphine Loze a été recrutée au poste de “responsablede secteur en incontinence adulte” d’une entreprise. Elle s’est prise au jeu de la promotion de ce « produit qui accompagne les personnes au quotidien et rend service », malgré une image « pas très glamour ».?Et en vente en pharmacie comme au supermarché.
Son bac scientifique en poche, Delphine Loze hésite pour son orientation : médecine comme ses parents ou commerce comme elle le souhaite ? Ce sera finalement le commerce et elle intègre un IUT Technique de commercialisation puis l’École supérieure de commerce, à Bordeaux (Gironde), pour trois ans de plus. Une fois diplômée, elle préfère commencer sur le terrain, au contact direct des acheteurs : elle enchaîne donc plusieurs contrats courts dans une entreprise de vélotaxi puis chez un marchand de glaces pour qui elle démarche en plein mois de janvier tous les revendeurs de Bordeaux pour placer les nouveaux produits de la marque. Après cet hiver-là, elle décide de faire un break et part explorer l’Amérique du Sud pendant six mois.
À son retour en France,elle postule pour des emplois de commerciale sur le terrain et l’entreprise SCA (cf. l’encadré en bas) la contacte pour un poste de responsable du secteur pharmacie en incontinence adulte. « J’avais le choix entre plusieurs propositions, notamment avec de grosses entreprises américaines, mais SCA est européen et j’ai senti tout de suite que je serais plus à l’aise dans la philosophie du groupe… Et puis c’était une façon de revenir vers le soin et le monde des soignants que je connais bien et que j’apprécie. En acceptant ce poste, j’ai aussi réalisé à quel point l’incontinence est un tabou et qu’il faut faire évoluer les esprits. J’ai découvert par exemple que des proches utilisaient les produits que j’allais vendre… Et je ne le savais même pas ! L’incontinence renvoie à la gêne, à la honte, au retour à l’enfance, à la perte d’autonomie… C’est toujours un sujet difficile. » Elle accepte donc le poste et se retrouve à animer un “portefeuille” de pharmacies réparties dans quatre départements du Sud-Ouest.
Le lundi, elle planifie ses rendez-vous et, le reste de la semaine, elle effectue cinq visites par jour « d’une demi-heure à une heure trente » pour relayer les offres promotionnelles, mettre en place les PLV (publicités sur le lieu de vente) ou réorganiser un rayon. « Je proposais surtout aux pharmacies de faire un point sur leur chiffre d’affaires de ce secteur. Elles ne le connaissent pas forcément car elles ont beaucoup d’articles à vendre. Un retour précis assorti de conseils pour être plus efficace est toujours le bienvenu. » D’autre part, Delphine Loze propose aussi une formation aux produits d’incontinence : « Notre gamme en pharmacie est beaucoup plus étendue qu’en supermarché où elle n’est réservée qu’aux “petites fuites” et ne touche donc pas le même public ; en pharmacie, le public a souvent une incontinence plus lourde et un besoin plus important de conseils. ». Et quand on lui parle du coût que représentent les protections pour incontinents, son discours marketing est tout aussi bien rodé : « Nos produits ne sont pas les moins chers du marché mais ce sont les plus efficaces… On a fait des tests avec des maisons de retraite : le coût du temps humain supplémentaire avec des couches bas de gamme qu’il faut changer plus souvent et les frais de lessive font qu’au final investir dans du matériel de qualité reste rentable. »
En 2014, en raison d’une restructuration de l’entreprise, son poste évolue, et Delphine Loze se retrouve responsable commerciale de trois réseaux de distribution : les pharmacies, les vendeurs de matériel médical et les institutions. Son périmètre d’intervention géographique se réduit et elle rencontre donc des interlocuteurs de plus en plus variés. Elle travaille aussi en binôme avec une “formatrice conseil” – une infirmière salariée par SCA – qui s’occupe de former les équipes des maisons de retraite à l’utilisation du matériel. L’infirmière fait ensuite le suivi de la consommation et des commandes grâce à un logiciel dédié installé directement dans la maison de retraite. Avec ce nouveau poste, Delphine Loze participe aussi à des journées portes ouvertes chez les revendeurs de matériel médical : « Pour une fois, je suis au contact direct de l’utilisateur et de ses problématiques. Cela m’aide vraiment à avancer, à adapter mon discours et à inventer des outils pour les aider, comme un petit guide sur les fuites urinaires après une chirurgie. Je rencontre aussi des aidants : il s’agit d’une population particulière pour laquelle nous essayons de développer des outils spécifiques. »
Commerciale dans l’âme mais en accord avec ses valeurs, Delphine Loze pense donc avoir atteint une sorte d’équilibre dans une “vente à visage humain”. Elle envisage d’évoluer vers de la formation d’équipe ou vers un poste de gestion des grands comptes (sociétés privées qui font des commandes de gros volumes de matériels). Au fond, une seule chose lui pèse vraiment dans son poste : « La journée que je passe à faire de l’administratif ! Parce que c’est le lundi et que ce n’est vraiment pas mon truc : je préfère être sur le terrain et faire mon vrai métier ! »
« Les Idels ont des missions très variées, c’est vraiment un métier aux multiples casquettes, et elles sont très autonomes sur le terrain. En ce qui concerne mon métier, c’est vrai que les infirmières ne sont pas toujours formées aux outils pour accompagner l’incontinence… Mais personne ne l’est ! J’essaie donc d’être toujours disponible pour répondre aux besoins pratiques qu’elles expriment et de leur donner des astuces pour comprendre la taille ou l’absorption nécessaire à un patient. »
« Les protections absorbantes,qui représentent une partie non négligeable du marché de l’incontinence, à domicile comme en établissement, ne font pas l’objet d’une prise en charge de l’Assurance maladie obligatoire », rappelle le Comité économique des produits de santé dans son rapport d’activité 2014-2015. Dans ce marché qui croît en raison du vieillissement de la population, SCA (pour “Svenska Cellulosa Aktiebolaget” ou “Entreprise de cellulose suédoise”), le groupe suédois dans lequel travaille Delphine Loze, est un acteur de premier plan. Il possède plusieurs marques d’hygiène en France, mais son métier d’origine est l’exploitation forestière – il est le plus grand propriétaire privé de forêts d’Europe. Aujourd’hui, les trois grandes activités de l’entreprise sont la forêt (16 % du chiffre d’affaires), l’hygiène personnelle (30 % du CA) et l’essuyage grand public et professionnel (54 % du CA).