L'infirmière Libérale Magazine n° 320 du 01/12/2015

 

Traitement de l’obésité

Cahier de formation

Le point sur

Marie Fuks  

Traitement de deuxième ligne de l’obésité morbide, la chirurgie bariatrique peut donner rapidement de bons résultats mais reste à risque. Son efficacité est associée à la pertinence de l’indication, au choix de l’équipe chirurgicale et à l’accompagnement des patients.

Une chirurgie en plein essor

Contexte

Introduite en France dans les années 1980, la chirurgie bariatrique a connu, au cours des vingt dernières années, une croissance fulgurante liée à la forte progression de l’obésité mais aussi à la réduction des complications chirurgicales consécutive à l’avènement de la cœlioscopie. Le nombre d’actes de chirurgie bariatrique est passé de 15 000 en 2006 à 42 000 en 2013(1). Cette chirurgie concerne des femmes dans 83 % des cas(2). Elle intervient en seconde intention dans la stratégie de prise en charge de l’obésité, après échec d’un traitement médical, nutritionnel, diététique et psychologique bien conduit pendant au moins six mois.

Indications

La chirurgie bariatrique répond à des indications codifiées(3) :

→ obésité morbide (indice de masse corporelle, IMC, ≥ 40 kg/m2) ;

→ obésité sévère (IMC ≥ 35 kg/m2) associée à au moins une comorbidité susceptible d’être améliorée par la perte de poids consécutive à la chirurgie : hypertension artérielle, syndrome d’apnées du sommeil, désordres métaboliques sévères (diabète de type 2…) ;

→ âge : entre 18 et 60 ans. Toutefois, une centaine d’interventions concernent chaque année des jeunes de moins de 18 ans. De même, des personnes de plus de 60 ans sont opérées pour lesquelles l’indication (maigrir pour bénéficier d’une chirurgie prothétique, par exemple) est discutée par l’équipe médicale. Dans tous les cas, l’intervention fait l’objet d’une demande d’entente préalable auprès de la caisse d’Assurance maladie.

À savoir : pour les adolescents, « l’absence de recul sur les conséquences à long terme doit inciter à la prudence »(4).Les recommandations de la Haute Autorité de santé (HAS) pour cette catégorie d’âge sont en cours de modification. Au-delà de ces critères, les candidats à la chirurgie bariatrique doivent être bien informés, avoir compris et accepté la nécessité d’un suivi à long terme et bénéficier d’une évaluation et d’une prise en charge préopératoires pluridisciplinaires par des équipes expérimentées(5).

Trois techniques validées

Bien qu’il existe une diversité de techniques, trois seulement sont validées au niveau international. L’anneau gastrique ajustable 1 et la gastrectomie longitudinale 2 (aussi appelée sleeve gastrectomy) consistent à réduire le volume de l’estomac tandis que le bypass gastrique 3 associe une réduction de volume à une dérivation induisant une malabsorption (lire l’encadré). L’anneau gastrique, technique de référence en 2006, est aujourd’hui en recul au profit des deux autres techniques qui totalisent désormais 75 % des interventions(1).

« Le choix de la technique tient compte de l’IMC, des conduites alimentaires et de la présence ou non d’un diabète de type 2 », indique le Dr Denis Chosidow, praticien hospitalier dans l’unité de chirurgie générale et digestive de l’hôpital Bichat (AP-HP). Et de détailler « schématiquement » : lorsque l’IMC est compris entre 40 et 50 kg/m2, la gastrectomie longitudinale est privilégiée d’emblée ; lorsqu’il se situe entre 50 et 60, l’équipe chirurgicale recourt davantage au bypass gastrique ; chez les patients super obèses (IMC entre 60 et 70), elle procède en deux temps en pratiquant d’emblée une gastrectomie longitudinale pour permettre ensuite, en cas d’échec de cette intervention, un bypass gastrique plus facile à réaliser lorsque le patient a maigri. Cette technique est également privilégiée chez les patients obèses atteints de diabète de type 2 et chez ceux qui grignotent constamment. Enfin, la gastrectomie longitudinale sera plus indiquée chez des patients hyperphages.

Effets et limites de la chirurgie

→ Globalement, la chirurgie bariatrique donne des résultats rapides et importants sur la perte d’excès de poids. Ce qui en fait, actuellement, le traitement le plus efficace contre l’obésité sévère. Elle réduit l’incidence des comorbidités et peut engendrer des rémissions quand ces pathologies sont déjà présentes. En outre, elle améliore la qualité de vie, peut rendre possible un projet de grossesse et limiter l’invalidité et les arrêts de travail.

→ Toutefois, la chirurgie bariatrique ne fait pas de miracle. Les Idels doivent informer les candidats à ce traitement que son efficacité est directement corrélée à leur motivation et à leurs efforts pour adopter une hygiène de vie favorable au succès de l’intervention et à son maintien à long terme. Ce parcours nécessite des changements de comportement radicaux.

→ « Au-delà des soins post-opératoires (soins de parois, pansements, traitements anticoagulants…), les Idels peuvent encourager et aider les patients à acquérir les bons réflexes hygiéno-diététiques mais aussi les soutenir et les remotiver dans les moments de découragement », conclut le Dr Chosidow.

Nous remercions la Haute Autorité de santé de nous avoir autorisés à reproduire ces schémas. La brochure patient est consultable sur le site www.has-sante.fr, rubrique “Évaluation & recommandation”.

L’auteur déclare ne pas avoir de lien d’intérêts.

(1) Atih (PMSI), dans “Rapport charges et produits pour l’année 2016”, Cnamts.

(2) Assurance maladie, “Chirurgie de l’obésité : analyse des pratiques et de leur pertinence”, point d’information du 21 février 2013.

(3) HAS, “Obésité : prise en charge chirurgicale chez l’adulte”, recommandations de bonne pratique, janvier 2009 (via le lien raccourci bit.ly/1HPg8NO).

(4) Sophie Parienté, “Un acte à ne pas galvauder”, Le Quotidien du médecin, 12 novembre 2015.

(5) Parmi les 426 établissements pratiquant cette chirurgie en France, 33 réalisent 35 % des interventions et 35 sont sous entente préalable depuis 2012, l’Assurance maladie voulant ainsi s’assurer du respect des bonnes pratiques.

Info +

• La HAS a reconnu aux IDE en centres de référencede la chirurgie bariatriqueun possible rôlede consultation post-opératoireavec prescriptionde la perfusion de micronutriments.

• Le groupe de La Pitié-Salpêtrière (AP-HP) applique ce protocole de coopération.

Spécificités, avantages et inconvénients de chaque intervention

1 Anneau gastrique ajustable

– Technique réversible.

– Risques peropératoires réduits.

– Les patients mangent de petites quantités sous peine de vomir.

– Sensation de faim persistante.

– Complications à long terme : dilatation de l’estomac, migrations de l’anneau et réintervention chez un tiers des patients dans les deux à trois ans.

– Échec dans environ 80 % des cas, car les patients grignotent souvent pour supprimer la sensation de faim et éviter les vomissements.

2 Gastrectomie longitudinale

– Technique irréversible.

– L’ablation totale de deux tiersà trois quarts de l’estomac réduit à environ 100 ml la contenance du réservoir gastrique et supprime également la sécrétion de ghréline (hormone de l’appétit) et la sensation de faim, ce qui favorise la restriction alimentaire.

– Pas de malabsorption.

– Risque de complications lié à la transection gastrique (saignements, fistules…).

– 30 % d’échecs à cinq ans.

3 Bypass gastrique

– Technique possiblement réversible.

– La dérivation réalisée exclut du circuit alimentaire les deux tiers de l’estomac, mais aussi le duodénum et entre 40 et 50 cm de grêle (jéjunum) qui assurent l’absorption préférentielle des micronutriments : risque de carence.

– Une supplémentation en micronutriments est obligatoire à vie. La prescription de fer, vitamine D, zinc, calcium per os et vitamine B12 en intramusculaire est prise en charge par l’Assurance maladie.

– 20 % d’échecs à cinq ans.