BUDGET > Le gouvernement belge demande de nouvelles économies aux infirmiers en ville, alors que les soignants réclament des moyens supplémentaires et une place confortée dans le système de soins.
En Belgique aussi, la ministre de la Santé, Maggie De Block, prône le développement des “soins de première ligne”. Seulement, de l’avis des infirmiers à domicile, les moyens ne suivent pas. Qu’ils soient salariés ou indépendants, ils ont ensemble exprimé leur désaccord avec le budget 2016 des soins de santé, récemment avalisé par le gouvernement Michel, dans une lettre à Maggie De Block datée du 28 octobre.
Ce budget, une nouvelle fois en baisse, s’établit à 23,617 milliards d’euros. Il prévoit 408,3 millions d’euros (M€) d’économies (d’assainissements, pour reprendre le terme en usage en Belgique). Entre autres, les honoraires des professionnels de santé ne seront pas revalorisés en 2016. Le gouvernement escompte économiser 82,4 M€ grâce à cette mesure. L’effort se chiffre à 8,9 M€ pour les infirmiers à domicile. « Nous avons un risque important de ne pas avoir d’indexation des honoraires en 2017 non plus », redoute Edgard Peters, directeur du secteur soins infirmiers à la Fédération de l’aide et des soins à domicile (FASD). 10,4 M€ d’économies supplémentaires sont également demandées aux infirmiers pour rembourser leur dépassement de budget en 2014. « Inacceptable », selon eux.
Le secteur des soins infirmiers ambulatoires réclame au contraire des moyens supplémentaires face au vieillissement de la population, au développement des maladies chroniques et « au glissement des hôpitaux vers les soins à domicile », argumentent les infirmiers dans leur courrier à la ministre de la Santé. « Depuis des années, nous signalons que le secteur est structurellement sous-financé », renchérit Edgard Peters. Les budgets successifs ne tiennent pas compte de « l’augmentation des demandes de soins à domicile », déplore-t-il. Ils ne permettent pas non plus aux soignants d’« entreprendre de nouvelles initiatives » comme des visites préventives et/ou de suivi. Globalement, les infirmiers demandent une révision de « l’ensemble du financement des soins à domicile » jugé obsolète. Dans l’espoir d’obtenir gain de cause, ils font valoir leur bonne volonté dans un récent passé pour améliorer la tenue des dossiers infirmiers ou encore lutter contre les fraudes. Il est d’ailleurs prévu que les soignants se soumettent bientôt à l’obligation de lire la carte électronique de leur patient à chacune de leur visite, une nouvelle contrainte qui fait polémique.
Jeudi 19 novembre, les représentants des soins infirmiers à domicile belges ont partagé de vive voix leurs revendications avec le cabinet de Maggie De Block qui les a reçus. Le ministère, sollicité par L’Infirmière libérale magazine, n’a pas souhaité rendre publiquement compte des échanges. Il explique souhaiter que la concertation se déroule sereinement. Le cabinet a fait part de plusieurs « intentions », rapporte de son côté Edgard Peters, présent à cette réunion. Notamment l’intention de recalculer le dépassement de budget en 2014 estimé à 10,4 M€. Un montant contesté par les représentants infirmiers : les honoraires récupérés par les mutuelles après réévaluation du “scorage” des patients (fonction de leur dépendance) n’ont pas été déduits de ces 10,4 M€, arguent-ils. Le ministère accorderait par ailleurs 8,75 M€ à l’ensemble des professionnels du premier recours pour développer de nouvelles initiatives. Les infirmiers espèrent que cette somme pourra largement financer leurs visites de prévention et/ou de suivi. Le cabinet de la ministre a aussi formulé le souhait d’améliorer les pensions de retraite des infirmiers à domicile et d’installer une « concertation structurée et périodique » avec leurs représentants.
Au-delà des intentions, les infirmiers “en ville” attendent désormais des décisions concrètes en leur faveur pour écarter leur crainte de disparaître à petit feu. Une appréhension entre autres alimentée par les réflexions en cours en Belgique autour de l’hospitalisation à domicile. « L’hospitalisation à domicile est une des formes alternatives qui retient mon attention », répondait récemment Maggie De Block à une question parlementaire. La ministre a engagé une réforme des hôpitaux au printemps 2015.