L'infirmière Libérale Magazine n° 320 du 01/12/2015

 

Territoires professionnels

Le débat

Laure Martin  

Plus de vingt ans après le premier des trois textes de loi qui visaient à créer le statut d’aide-soignant libéral et qui n’ont pas abouti, un important travail de réingénierie du métier, dans le cadre de la refonte des métiers de la santé, devrait aboutir à la fin du 1er trimestre 2016. Le point avec deux membres du groupe de travail.

Arlette Schuhler, présidente de la Fédération nationale des associations d’aides-soignants

Que pensez-vous des liens effectifs et du cadre réglementaire existant aujourd’hui entre les Idels et les aides-soignants ?

Il n’y a pas ou peu de liens car les aides- soignants ne sont pas habilités à intervenir en libéral. La collaboration entre les deux professions ne peut avoir lieu que dans un cadre salarié. Sans statut libéral pour les aides- soignants, ces liens ne pourront pas évoluer.

Faut-il créer un statut libéral pour les aides-soignants ?

Ils le revendiquent depuis longtemps et je pense qu’après un certain nombre d’années de pratique, ils devraient pouvoir y accéder. Ce statut donnerait à l’aide-soignant plus d’autonomie, le choix de son emploi du temps et des patients à prendre en charge. Il pourrait ouvrir un cabinet. Il faut lui laisser cette possibilité d’intervenir en libéral chez des personnes qui ne requièrent pas de soins techniques. Par exemple, pour des soins de confort chez le patient en fin de vie qui souhaite rester à domicile, je ne suis pas sûre qu’une infirmière libérale se déplace. Nous entendons souvent parler de cabinets infirmiers, notamment en zone rurale, quipar manque de temps refusent de prendreen charge des patients pour des soinsde nursing. Si les aides-soignants pouvaient intervenir en libéral, cela améliorerait la prise en charge des patients.

Où en sont les travaux de réingénierie de la profession d’aide-soignant ?

En aucun cas les aides-soignants ne veulent se substituer aux infirmières. Ils souhaitent pouvoir travailler en collaboration avec elles. Nous demandons un élargissement de nos compétences car, dans les pratiques professionnelles aujourd’hui répandues, certaines sortent du champ règlementaire, notamment la glycémie capillaire, et tout le monde le sait… Les aides-soignants souhaiteraient pouvoir exercer en toute légalité. Si cet élargissement des compétences a lieu et que le statut libéral est reconnu, il pourra alors y avoir plus de liens entre les deux professions pour une meilleure prise en charge des patients, chacun dans son rôle propre. D’où l’intérêt, en cours de formation, d’intégrer un module commun pour les étudiants infirmiers et aides-soignants.

Christophe Roman, vice-président de l’Ordre national des infirmiers

Que pensez-vous des liens effectifs et du cadre réglementaire existant aujourd’hui entre les Idels et les aides-soignants ?

Le seul moment où les deux professions peuvent être amenées à travailler ensemble, c’est dans le cadre d’un service de soins infirmiers à domicile (Ssiad) avec une action commune sur un patient. Le lien se fait par le biais de l’infirmière coordonatrice de la structure. Mais les rencontres physiques sont rares, au hasard des horaires.

Notre lien se fait via un cahier sur lequel nous échangeons. Nous n’avons pas vraiment besoin de travailler ensemble, sauf pour des cas complexes comme les fins de vie à domicile pour lesquelles les soins sont lourds. On peut alors s’aider mutuellement.

Faut-il créer un statut libéral pour les aides-soignants ?

C’est un refus catégorique de la profession infirmière. Nous estimons qu’il n’y a pas de besoin et que le niveau de la formation ainsi que le manque d’autonomie de la profession d’aide-soignant rendent inenvisageable la création d’un tel statut. Il n’y a pas de raison d’avoir deux professions qui interviennent dans un même cadre, d’autant plus que, dans le champ du soin, l’infirmière a toute sa place avec son expertise. En revanche, il faudrait peut-être augmenter le nombre de places en Ssiad pour pallier le manque, pour les patients isolés en besoin de soins.

Où en sont les travaux de réingénierie de la profession d’aide-soignant ?

Nous ne sommes pas opposés à l’élargissement du rôle propre des aides-soignants, qui doit légalement avoir lieu dans le cadre du rôle propre infirmier. 42 items peuvent leur être transférés. Au sein de ce groupe de travail, nous avons évoqué différents actes qui pourraient l’être, comme la prise des constantes vitales si le matériel est automatisé, ou la saturation en oxygène dans le sang avec un oxymètre de pouls. Pour la glycémie capillaire, nous ne sommes pas d’accord, car il y a une effraction de la barrière cutanée. Si demain les appareillages évoluent, pourquoi pas… La réingénierie n’est pas l’occasion de légaliser tous les actes. L’enjeu est d’introduire de nouvelles compétences et de modifier la formation, en fonction de ce qui se fait sur le terrain.