Sylvie Pailler ne quitte plus son cabinet. Elle a troqué sa tournée contre une permanence de soins et administrative. Exerçant à la maison de santé pluriprofessionnelle de Boussac (Creuse), elle a revu tous ses a priori.
« En 2014, j’ai été victime d’un sérieux problème de santé. J’ai repris le travail mais, physiquement, il n’était plus question d’assurer la tournée. Malgré tout, grâce à la solidarité de mes collègues, j’ai pu reprendre en libéral, notamment parce que nous sommes installées en société civile professionnelle. Depuis le début, les revenus dégagés sont redistribués à égalité entre nous, les infirmières associées. Nous étions cinq et, depuis juin dernier, nous sommes six. De plus, nous avons choisi de participer au projet de la maison de santé pluriprofessionnelle (MSP) de Boussac. Elle a ouvert en octobre l’an dernier avec dix-neuf professionnels, parmi lesquels des médecins, kinésithérapeutes, podologues, dentiste et nutritionniste.
Je travaille au cabinet les matins du lundi au samedi, et deux après-midi par semaine : de 7 h 30 à 11 h 30, je tiens la permanence, je me charge de tout l’aspect administratif et comptable et je m’implique dans les projets liés à la MSP. Je craignais d’être la secrétaire du cabinet, mais je suis en fait restée pleinement infirmière. J’arrive à 6 h 30, en même temps que mes trois autres collègues qui partent en tournée. Grâce au débriefing, je connais encore les patients et, s’ils se présentent au cabinet, je sais leur situation. J’ai une dizaine de patients chaque jour : prise de sang, suivi d’un mal perforant plantaire… Je devrai même bientôt fixer des rendez-vous ! Le premier laboratoire d’analyses médicales se trouve à une quarantaine de kilomètres et nous sommes sur la place d’un village de 1 400 habitants.
Je craignais aussi la subordination aux autres professionnels de la MSP, or les décisions sont partagées grâce aux échanges facilités par la proximité. De plus, nous nous réunissons une fois par mois pour traiter d’un projet de la MSP ou échanger autour d’un patient. En avril, nous avons mis en place une action de prévention, “manger-bouger”, et, en octobre, l’affichage de messages pour inciter au dépistage du cancer du sein. Actuellement, nous préparons un programme d’éducation thérapeutique “diabète” pour le printemps 2016. Prochainement, la télémédecine se mettra en place et, avec une de mes collègues, je commencerai l’année prochaine la formation pour devenir infirmière Asalée [Action de santé libérale en équipe]. Enfin, à l’avenir, il y aura davantage de délégations de tâches. »
Pedro Ferreira, Idel en Saône-et-Loire, membre de la Fédération française des maisons et pôles de santé
« De nombreuses Idels travaillent davantage au cabinet qu’en tournée depuis qu’elles ont rejoint une MSP. Se rendre au domicile n’est pas un impératif : l’infirmière libérale est un professionnel de soins primaires. Spécifiquement, ce témoignage souligne la qualité de vie et de travail. De plus, la solidarité développée par leur beau projet de société civile professionnelle bouscule la logique concurrentielle de l’exercice libéral et rejoint la “culture MSP” de travail en équipe et de coordination. Cela montre aussi le potentiel d’une MSP, un outil qui dépend des personnes qui s’y investissent et qui peut rendre possible d’autres choix d’exercice : le salariat avec le dispositif Asalée, un poste de coordination… C’est un outil pour l’avenir. »