L'infirmière Libérale Magazine n° 321 du 01/01/2016

 

Cahier de formation

Savoir faire

M. P. souffre de troubles moteurs particulièrement violents : son corps se balance de gauche à droite, avec des mouvements brusques et de grande amplitude. Il s’est cassé dernièrement le bras lors d’une chute en traversant le long couloir de sa maison. En dépit de la dangerosité de ses troubles moteurs qui ont beaucoup évolué ces derniers mois, il souhaite demeurer le plus longtemps possible à son domicile. De même, son épouse n’envisage pas une mise en institution de son mari.

Vous vous rapprochez de sa kinésithérapeute qui continue à le suivre pour améliorer la coordination de ses mouvements et de son équilibre. Ensemble, en concertation avec votre patient et son épouse, vous recherchez des solutions pour préserver son autonomie et le protéger de nouveaux accidents. Vous lui proposez d’utiliser des genouillères et des coudières. Depuis, il se sent plus rassuré et retrouve un peu de confiance.

STIMULER LE PATIENT POUR PRÉSERVER SON AUTONOMIE

Les difficultés motrices qu’éprouve le patient parkinsonien peuvent perturber l’accompagnant qui, souvent, ne sait pas comment l’aider. Par exemple, l’impossibilité pour un proche d’aider un patient à entrer dans la cabine de douche en raison de la lourdeur de sa jambe peut avoir des conséquences en termes d’hygiène. Il est aussi nécessaire de choisir le moment où le patient se sent le mieux possible sur le plan moteur pour effectuer certaines activités qui en seront facilitées et donc plus agréables pour tous, à l’image de la toilette, de la kinésithérapie ou d’une promenade.

Initiation du mouvement

Certaines astuces peuvent débloquer les phases off. Ainsi, l’Idel peut conseiller au patient de lever haut le genou au seuil d’une porte ou sur la voie publique, quand il s’apprête à traverser un passage piétons. « Pour aider les patients à entrer dans les cabines de douche, je leur demande d’aller ouvrir le robinet d’eau chaude. L’initiative du mouvement est ainsi augmentée. L’objectif n’est plus centré sur la jambe à soulever », explique Joëlle Garnier, infirmière libérale à Toulouse (Haute-Garonne).

Rééducation

Une rééducation fonctionnelle par la kinésithérapie est, à un stade plus avancé, capitale : elle permet d’assouplir les articulations et de traiter les troubles ostéo-articulaires, de solliciter la motricité volontaire (la motricité automatique étant altérée), de combattre les troubles trophiques liés à l’akinésie et à la rigidité, de développer les mouvements fins des doigts comme le boutonnage, de travailler la marche, les transferts et la gestion de l’inconfort physique (exemple : changements de position et lever/coucher dans le lit), l’équilibre, la posture et les risques de chutes, et au final d’optimiser les possibilités résiduelles d’autonomie. Si nécessaire, le kinésithérapeute travaille sur l’amélioration des capacités respiratoires. Des aides techniques (canne et déambulateur) relevant d’une évaluation du kinésithérapeute et du médecin peuvent être proposées. Elles sont prises en charge sur prescription médicale.

Activité physique

Au stade initial, seule puis éventuellement en complément de la kinésithérapie, la pratique d’une activité physique ou d’exercices adaptés (danse, yoga, qi gong, assouplissements, étirements, respiration, équilibre…) permet d’entretenir sa forme physique et d’améliorer sa motricité. « L’activité physique d’endurance très régulière est très utile car elle est le seul moyen de libérer naturellement de la dopamine », rapporte Céline Arcari, IDE en ETP auprès de patients souffrant de Parkinson. Chez des malades pratiquant régulièrement une activité sportive, une plus grande maîtrise de l’équilibre, une marche facilitée et une diminution du nombre de chutes ont été constatées.

CHOISIR DES VÊTEMENTS ADAPTÉS

→ Préférer des vêtements amples, faciles à enfiler, si le patient se trouve à un stade très avancé de la MP.

→ Ne plus recourir aux chemises et/ou pantalons avec boutonnière.

→ Privilégier les gilets aux pull-overs.

→ Choisir des chaussures à scratchs.

PRÉVENIR ET DÉDRAMATISER LES CHUTES

Aborder le sujet des chutes avec le patient âgé permet de rendre moins honteuse cette question qui peut s’avérer taboue et particulièrement angoissante. C’est ainsi le sens des ateliers mis en place pour les patients par les Idels de l’association Ailba, et récompensés par le Trophée Idel 2015(1). L’Idel peut aussi informer et s’informer auprès du kinésithérapeute et des ergothérapeutes, dans une prise en charge pluridisciplinaire.

Faire appel au kinésithérapeute

Son intervention a pour but de limiter, retarder ou éviter le risque de chute. Si le malade ne voit pas ce professionnel, l’Idel en fait part au médecin. Le kinésithérapeute peut enseigner au patient comment se relever, afin de limiter le traumatisme d’une mise au sol prolongée, mais aussi de réduire les éventuelles récidives. C’est très important pour dédramatiser. Son rôle est aussi d’enseigner au patient des réactions “parachutes” qui lui permettront de se rattraper ou de se faire moins mal en tombant.

Aménager le domicile

Pour réaménager l’intérieur du domicile et sécuriser son environnement, un ergothérapeute peut intervenir. « Cette prestation est parfois proposée gratuitement à l’hôpital, rapporte Céline Arcari. Le patient peut également faire appel à un spécialiste en ville, mais il faut compter entre 150 et 200 euros. » Globalement, certaines règles doivent être respectées pour éviter les risques de chute. L’agencement du mobilier doit favoriser l’espace, des fauteuils à assise haute et avec accoudoirs doivent être privilégiés pour faciliter le relèvement des malades. Au sol, des revêtements type moquette sont préférables pour éviter les glissades. Dans les chambres (de préférence au rez-de-chaussée), les descentes de lit sont à proscrire, de même que les fils électriques qui traînent. Dans la salle de bain, il convient de privilégier la douche plutôt que la baignoire, prévoir des tapis antiglisse et des barres d’appui. De plus, choisir des chaussures ne compliquant pas la marche.

NE PAS SOUS-ESTIMER LES TROUBLES DE LA DÉGLUTITION

En comprendre les causes

Dans la MP, les mouvements automatiques de la mastication sont ralentis. Les aliments sont mal mastiqués et peuvent être avalés “tout rond”. Si les morceaux sont trop durs, trop gros ou trop secs, ils risquent de se coincer dans la gorge et bloquer la respiration.

Faire appel à l’orthophoniste

Un orthophoniste (ou logopède) peut être sollicité pour améliorer l’action de déglutir, et aussi, par ailleurs, dans les formes évoluées, pour favoriser le contrôle volontaire du langage (le contrôle involontaire étant défaillant) et améliorer la respiration (des techniques spécifiques respiratoires et laryngées sont proposées, comme la méthode de LSVT, pour Lee Silverman Voice Treatment, du nom de la première patiente Lee Silverman, focalisée sur la seule phonation).

Améliorer la déglutition(2)

En favorisant les conditions de repas

→ Fractionner les repas si fatigue.

→ Favoriser la concentration (ne pas regarder la télévision pendant le repas).

→ Adopter une posture assise avec la tête légèrement fléchie en avant.

→ Utiliser des couverts plus ergonomiques, qui facilitent la prise et le maintien dans la main (une fourchette tordue peut s’avérer utile…).

En modifiant la texture des aliments

Quand les difficultés de mastication deviennent importantes, la texture alimentaire doit être adaptée : détailler les aliments, les hacher, les amalgamer dans une sauce onctueuse. Éviter les textures émiettées, non liées avec une sauce. En cas de fausse route en ingérant des liquides, avec toux systématique, l’eau gazeuse froide est très pratique. Si les fausses routes persistent, l’eau épaissie faiblement sera nécessaire. On trouve des poudres épaississantes en pharmacie. Pour s’hydrater, le patient peut aussi boire des jus de fruits épais, type smoothie, du yaourt liquide, mais aussi des potages. L’eau gélifiée est utile quand l’eau veloutée n’arrête pas les fausses routes. Elle peut être préparée avec des épaississants de cuisine, comme le manioc, la maïzena, des feuilles de gélatine, bien moins chers. « Les médicaments peuvent être donnés avec de la compote fraîche. Mais il ne faut jamais donner ceux contenant de la L-Dopa avec des yaourts, les laitages diminuant l’effet de la dopamine », avertit Céline Arcari.

En utilisant des aides techniques

La paille limite le volume du liquide pris dans la bouche. Le verre échancré ou à large bord permet au nez de rentrer dans le verre et évite ainsi de lever la tête.

En effectuant des exercices de rééducation

Les exercices de mobilisation de la langue, à partir de mouvements linguaux, d’articulation de mots, en variant rapidité et vélocité d’exécution, entretiennent la motricité et améliorent les performances de certains patients. L’utilisation de la méthode LSVT peut aussi voir une influence. Cette méthode de rééducation phonatoire demande une production vocale à forte intensité. Par la puissance de la voix sollicitée, le patient souffrant de Parkinson apprend à mieux contrôler ses muscles phonatoires. Une à trois séances par semaine amélioreraient les mouvements spontanés de la langue et le temps de passage dans le pharynx.

(1) Pour en savoir plus sur ces ateliers de prévention des chutes, lire notre numéro 317 de septembre, p.15, ou consulter la vidéo sur le site saloninfirmier.fr (lien raccourci : bit.ly/1IzzZAV).

(2) Sur les troubles de la déglutition du sujet âgé, (re) lire aussi notre article paru dans le numéro 313 d’avril 2015, p.46.

Point de vue

« Contre le stress, donner de son temps »

Céline Arcari, IDE en ETP (ETPark), Centre expert Parkinson, CHU de Toulouse (Haute-Garonne)

« Pour aider un patient gêné dans ses mouvements, les aidants commel’Idel doivent faire preuve de disponibilité, d’écoute, de douceur. Aux stades évolués de la maladie en particulier, lorsqu’il se voit bloqué dans ses gestes, le patient ressent une immense angoisse. S’il sent l’infirmière impatiente, il peut se bloquer encore plus, paralysé par la peur de l’échec. L’anxiété est un symptôme non moteur très fréquent de la MP et il faut faire attention aux effets on-off, des variations brutales de l’état moteur, très fréquentes aux stades avancés de la maladie (lire aussi Savoir, p.37). »

Question de patient

Mon mari a pour habitude de faire sa toilette dès son réveil. Dans la pratique, c’est devenu très difficile : il est encore tout endormi, il n’arrive pas à bouger, d’autant qu’il n’a pas encore pris ses médicaments. Ne faudrait-il pas faire la toilette après la prise des médicaments ?

Effectivement, il faut essayer de caler l’heure de la toilette au moment de la journée où votre mari se sent le mieux. C’est vrai pour la toilette mais aussi pour les repas et les rendez-vous chez le kinésithérapeute ou les autres professionnels. On conseille d’organiser les rendez-vous et les horaires de repas au moment où il se sent le mieux, souvent environ une heure trente à deux heures après la prise des médicaments.

Point de vue

« Trouver des solutions très concrètes »

Joëlle Garnier, infirmière libérale, Toulouse (Haute-Garonne)

« Il y a trente ans que je suis des patients parkinsoniens à domicile. Lorsque la famille ou le patient me contacte, j’interviens souvent au départ juste pour des soins d’hygiène, en général, deux à trois fois par semaine. À ce stade, le malade est encore relativement autonome. La maladie peut ainsi se stabiliser quatre à cinq ans, mais il arrive un moment où elle franchit un palier et finit par évoluer. Les troubles moteurs sont devenus importants et le patient est moins autonome. La maladie devient alors trop lourde à gérer pour l’entourage. À ce stade, j’interviens tous les jours, matin et soir, pour des soins corporels et d’accompagnement. À cette occasion, je dois alors faire preuve d’imagination pour trouver des solutions très concrètes afin d’améliorer la vie au quotidien du patient. C’est au cas par cas que cela se passe. Il n’y a jamais deux situations identiques. Pour accompagner les malades, un seul secret : il faut les aimer, faire preuve de psychologie, d’humanité. Soutenir l’entourage aussi. Les malades et leur famille n’ont pas besoin d’une technicienne mais d’une personne qui les aide. »

Centres experts et Maia : l’Idel au cœur des réseaux

L’exigeante prise en charge thérapeutique de la MP a conduit à la désignation, en 2012, de Centres experts régionaux, dont le Plan maladies neurodégénératives 2014-2019 vise à renforcer la dynamique (lien : bit.ly/1qSqfnm). Implantés en CHU, ces pôles regroupent neurologues, IDE, orthophonistes, psychologues… « Au-delà des consultations, nous organisons des programmes de formation pour les libéraux, rapporte Céline Arcari, IDE en ETPau Centre expert à Toulouse (Haute-Garonne). Nous comptons aussi nous rapprocher des infirmières libérales, alliées de choix pour repérer de nouveaux symptômes et surveiller l’apparition d’effets secondaires. »

Encore mal connues, les quelque 200 Maia se doivent, elles, d’intégrer les services d’aide et de soins et d’optimiser les actions des professionnels et des aidants, dans le champ de l’autonomie (cf. www.cnsa.fr/ parcours-de-vie/maia). Leurs “gestionnaires de cas”, suivent les situations “complexes” en trouvant des solutions pour un maintien à domicile aussi durable et “confortable” quepossible. Et ce, en lien avec l’ensemble des professionnels déjà en place, dont les Idels, qui repèrent toute situation dont le maintien à domicile est compromis en raison d’un isolement, d’un épuisement de l’aidant ou de l’insuffisance des aides ou des soins.