L'infirmière Libérale Magazine n° 321 du 01/01/2016

 

Cahier de formation

Savoir

Affection neurodégénérative aussi fréquente que sévère, la maladie de Parkinson associe typiquement tremblement de repos, bradykinésie et rigidité musculaire. Elle répond favorablement, mais temporairement, à un traitement personnalisé correctement suivi.

DÉFINITION

Historique

Le chirurgien anglais James Parkinson (1755-1828) s’intéressa à la maladie de Parkinson (MP) en 1817. Le neurologue français Jean-Martin Charcot (1825-1893) décrivit les symptômes de cette « paralysie trépidante ».

Épidémiologie(1)

→ Prévalence : en France, 150 000 à 200 000 patients. C’est l’affection neurologique dégénérative la plus fréquente après la maladie d’Alzheimer.

→ Incidence : environ 15 pour 100 000 personnes et par an.

→ Âge moyen de début : entre 55 et 65 ans. 15 % des patients débutent la maladie avant 40 ans.

→ La MP affecte 3 % des sujets âgés de plus de 75 ans.

→ Sex-ratio : 1.

Physiopathologie

La MP est une affection neurodégénérative chronique, lentement évolutive, entraînant un dysfonctionnement des circuits neuronaux qui, dans le cerveau, permettent le contrôle des mouvements, plus particulièrement des mouvements automatiques.

Une dégénérescence neuronale globale

Les signes cliniques de la MP sont avant tout liés à une altération des neurones dopaminergiques même si cette population de neurones n’est pas la seule affectée.

→ Neurones dopaminergiques. La dégénérescence des neurones dopaminergiques est localisée dans des noyaux du système nerveux formant ce que l’on appelle la substance noire (ou locus niger), dont les neurones projettent leurs axones vers une autre structure nerveuse sous-corticale (le striatum), par une voie directe, favorisant le mouvement, et une voie indirecte, inhibant le mouvement. Environ 60 à 80 % des neurones dopaminergiques de ces voies ont déjà disparu au moment où apparaissent les premiers signes cliniques moteurs.

→ Atteinte des neurones non dopaminergiques. La MP affecte aussi des neurones qui échangent entre eux des informations grâce à des neuromédiateurs, la noradrénaline, la sérotonine et l’acétylcholine : ces dégradations expliquent la sévérité de l’expression de la maladie évoluée et la disparité de ses symptômes moteurs et non moteurs.

Une étiologie discutée

Certains spécialistes ont jadis considéré la MP comme un vieillissement physiologique accéléré. Pour autant, les troubles moteurs du sujet âgé ne sont pas améliorés par l’administration de lévodopa (un traitement de référence) et la topographie des pertes neuronales n’est pas superposable dans les deux cas, ce qui limite évidemment la pertinence de cette approche.

En regard, deux approches, qui ne se contredisent pas forcément, méritent, parmi d’autres, d’être évoquées.

→ Étiologie toxique. Il est connu depuis plus de trente ans que l’intoxication par un dérivé de la tétrahydropyridine apparenté à certains pesticides détermine un syndrome analogue à la MP. L’épidémiologie montre que la prévalence de la MP est plus élevée chez les sujets exposés aux métaux lourds et chez les agriculteurs manipulant régulièrement des pesticides. S’il est probable qu’une origine toxique explique la survenue de certains cas de MP (un décret du 4 mai 2012 valide sa reconnaissance comme maladie professionnelle provoquée par les produits phytosanitaires), il est probable qu’un facteur de susceptibilité génétique soit requis pour la voir s’exprimer cliniquement.

→ Étiologie génétique. Une participation génétique à certaines formes familiales de MP est démontrée par études de jumeaux et par l’existence de MP à transmission autosomale dominante (l’autosome est un chromosome non sexuel).

→ En fait, il s’agit avant tout d’une affection idiopathique (sans cause connue). De plus, quelle que soit l’étiologie de la MP, le mécanisme expliquant l’auto-destruction (apoptose) des neurones reste inconnu.

MANIFESTATIONS CLINIQUES

Demeurant purement clinique, ce diagnostic est souvent délicat, notamment à la phase initiale de la maladie : la symptomatologie reste discrète. L’avis d’un neurologue est recommandé sitôt que des signes suggèrent une éventuelle altération dopaminergique.

Triade clinique significative

Le diagnostic de la MP repose sur sur l’apparition d’un, de deux ou de trois signes, comme le souligne Céline Arcari, infirmière en éducation thérapeutique (programme ETPark) du Centre expert Parkinson, CHU de Toulouse (Haute-Garonne). Ils ont pour origine la carence dopaminergique dans la substance noire :

→ le tremblement de repos,

→ l’akinésie (difficulté à initier un mouvement) et/ou la bradykinésie (ralentissement dans l’exécution d’un mouvement), avec amimie ou perte de la mobilité et de l’expression faciale, micrographie (écriture minuscule et illisible), perte du “ballant du bras”, trouble de la marche,

→ la rigidité (augmentation du tonus musculaire, crampes, dystonies ou contractures musculaires, douleurs…). Ces symptômes sont variables d’une personne à l’autre, et de plus en plus marqués avec l’évolution de l’affection. Exemple : 20 à 30 % des malades ne trembleront jamais. Ces symptômes, souvent asymétriques, cèdent plus ou moins à l’administration de lévodopa – un test diagnostique.

D’autres signes orientent parfois le diagnostic, moteurs comme des troubles de l’élocution ou une instabilité posturale, ou non moteurs, à l’image d’une dépression (parfois précoce), d’une hypotension orthostatique, d’une douleur, de troubles du sommeil, cognitifs, urinaires, sexuels…

Il se dessine en outre des signes prémoteurs, “avant-coureurs”, comme la constipation, des troubles du sommeil ou l’anosmie (perte d’odorat), qui posent de nombreux problèmes au patient et son entourage.

Éventuels examens complémentaires

Des examens complémentaires lèvent un doute éventuel sur le diagnostic et notamment l’IRM (qui permet d’identifier syndromes tumoraux, maladie de Parkinson du sujet jeune ou d’origine vasculaire, maladie de Wilson, maladies neurodégénératives diverses) ou des examens biologiques (maladie de Wilson). Dans quelques situations diagnostiques difficiles, du ressort du spécialiste, une scintigraphie au DAT-scan(2) démontre une réduction asymétrique de l’activité du striatum. Elle apporte des éléments pour le diagnostic mais ne permet pas la différenciation entre la maladie de Parkinson et les autres syndromes parkinsoniens.

L’évolution clinique de la maladie et du handicap associé est suivie à l’aide d’échelles (lire l’encadré page suivante).

ÉVOLUTION

La MP reste aujourd’hui une affection chronique, lentement évolutive, mais de moins en moins fatale. Son traitement corrige efficacement les symptômes mais n’empêche pas sa progression. Il est désormais classique de distinguer quatre temps essentiels dans l’histoire de la maladie.

Diagnostic

L’apparition des premiers symptômes de l’affection est particulièrement anxiogène : cette maladie chronique, que l’on sait évolutive, implique une importante remise en question existentielle. Le traitement pharmacologique peut être instauré dès l’annonce du diagnostic car il contribue à ralentir l’évolution de la maladie.

Rémission thérapeutique

Cette phase témoigne de l’efficacité des traitements dopaminergiques prescrits par le neurologue : elle est couramment qualifiée de “lune de miel”. S’il est nécessaire d’ajuster régulièrement le traitement, celui-ci n’engendre pas encore de complications motrices iatrogènes et constitue une “substitution” équilibrée au déficit pathologique en dopamine.

Complications motrices

Le traitement par lévodopa (lire Savoir faire, p. 41) est à l’origine de complications motrices iatrogènes qui se conjuguent avec celles induites par l’affection au cours de son évolution progressive. L’incidence de ces complications est limitée par un ajustement rigoureux des doses et des horaires de prises. Cependant, elles ne peuvent être totalement évitées et deviennent de plus en plus présentes.

Phase d’envahissement

À ce stade, chutes, perte d’équilibre, troubles de la déglutition, etc., deviennent très présents. S’y associent des troubles végétatifs également handicapants. Leur conjonction limite de façon croissante l’autonomie du patient : c’est le temps où il importe de mettre en place des stratégies d’adaptation de la vie quotidienne.

TRAITEMENT DE LA MP

Le traitement par médicament (s) ne guérit pas l’affection, mais la soigne, constituant une réponse à son évolution. Ses objectifs essentiels :

→ amélioration des symptômes moteurs (rigidité, tremblements, etc.) et parfois des autres symptômes (dépression, troubles du sommeil, douleurs, troubles cognitifs, etc.) ;

→ amélioration du vécu de la maladie pour le patient et pour ses proches ;

→ optimisation du maintien de la vie sociale et professionnelle ;

→ optimisation, dans les formes évoluées, du maintien à domicile ;

→ prévention des complications liées au traitement pro-dopaminergique ;

→ recherche du meilleur rapport efficacité/effets indésirables.

Traitement symptomatique

Le traitement antiparkinsonien, purement symptomatique, vise à restaurer le tonus dopaminergique par l’administration de lévodopa, un précurseur de la dopamine (dont il s’agit idéalement de lisser l’apport et de le rendre constant comme il le serait sans la maladie), et/ou par celle d’un agoniste dopaminergique. Il s’agit d’une prescription purement palliative, qui ne fait que retarder la progression de la dégénérescence neuronale. Divers inhibiteurs du métabolisme dopaminergique contribuent à renforcer la puissance de ces médicaments. La prescription est strictement adaptée au patient, à son âge, à l’évolution de la maladie, et les effets secondaires doivent être particulièrement surveillés (lire Savoir faire, p.41).

Les stratégies thérapeutiques

La prescription du traitement antiparkinsonien vise à trouver un compromis entre des effets bénéfiques et indésirables, dans un contexte que l’évolution propre et continue de la maladie rend constamment mouvant. Rigoureusement adapté à chaque situation thérapeutique, à l’âge du patient, à son état clinique et à l’importance de la gêne fonctionnelle, le traitement voit se succéder diverses stratégies visant à constamment renforcer un tonus dopaminergique de plus en plus défaillant – jusqu’à la disparition des neurones dopaminergiques sur lesquels les médicaments administrés peuvent agir, qui signe l’épuisement des recours pharmacologiques.

Retentissement clinique mineur

Le recours à la dopathérapie est retardé autant que possible : on privilégie en monothérapie la prescription d’un agoniste dopaminergique, d’un inhibiteur enzymatique actif sur les monoamines oxydases, ou, rarement, celle d’un anticholinergique chez un patient jeune, gêné par les tremblements.

Handicap moteur invalidant

On introduit progressivement un traitement reposant sur la prescription :

→ de lévodopa ou L-Dopa (avec un inhibiteur périphérique toujours associé dans le médicament). Rapidement efficace à une posologie moyenne comprise entre 150 et 450 mg/j, la lévodopa est privilégiée chez les patients les plus âgés en première intention en raison d’une tolérance satisfaisante ;

→ d’un agoniste dopaminergique. Prescrit à dose progressive sur deux à trois mois, ce produit qui imite l’action de la dopamine a une efficacité moindre que celle de la lévodopa, mais il permet de retarder le passage à la dopathérapie et donc l’apparition des fluctuations motrices. En association avec la L-Dopa, il permet une augmentation plus lente des doses de médicaments. Son administration peut s’accompagner de divers effets indésirables dont la confusion mentale, notamment chez le sujet âgé, ce qui fait privilégier ce type de médicament chez un patient plus jeune (moins de 70 ans), sauf intolérance ou insuffisance de la réponse thérapeutique.

Les médicaments utilisés

Anticholinergiques

Les médicaments anticholinergiques (trihexyphénidyle : Artane, Parkinane ; bipéridène : Akinéton) réduisent l’hyperactivité cholinergique elle-même induite par l’hypoactivité dopaminergique. Ils sont efficaces sur les seules formes trémulantes (tremblantes) de la MP. Leur prescription est devenue rare en raison de leurs effets indésirables (constipation, sécheresse buccale et oculaire, rétention urinaire, troubles de l’accommodation visuelle, troubles de la mémoire, confusion mentale) limitant leur emploi pendant une longue durée et chez le patient âgé.

Dopathérapie

L’administration directe de dopamine est impossible car elle ne traverse pas la barrière hémato-encéphalique et n’agit pas sur le cerveau. On administre donc son précurseur biologique, la lévodopa, qui, lui, franchit la barrière hémato-encéphalique.

Limites de la dopathérapie

→ La lévodopa se transforme partiellement en dopamine dans le réseau sanguin périphérique (extérieur à la barrière hémato-encéphalique) sous l’action d’enzymes présentes dans le sang. Cette dopamine induit alors des effets indésirables digestifs (nausées, vomissements) par stimulation des récepteurs dopaminergiques du tube digestif et du centre bulbaire du vomissement (ces effets sont réduits par l’administration d’un antagoniste dopaminergique digestif, la dompéridone, lire l’encadré p. 39) et des effets indésirables cardiovasculaires (à dose faible : hypotension artérielle ; à dose plus forte : hypertension et/ou troubles du rythme).

→ Les variations brutales des taux de dopamine dans le cerveau, rythmées par les prises de médicament, entraînent des fluctuations motrices et des effets indésirables affectant le psychisme, la fonction ventilatoire ou l’hémodynamique sanguine.

→ La dopathérapie ne doit pas être interrompue brutalement : un syndrome de sevrage analogue au syndrome malin des neuroleptiques (fièvre élevée, malaise général, etc.) peut survenir.

Optimisation de la dopathérapie

Des artifices sont mis en œuvre pour remédier, au moins partiellement, aux problèmes de la dopathérapie : son association à des produits qui limitent la transformation périphérique de la lévodopa en dopamine (inhibiteurs du métabolisme enzymatique de la lévodopa), ou des modifications dans la présentation galénique de la lévodopa.

Association aux inhibiteurs enzymatiques périphériques

La lévodopa est métabolisée en dopamine par deux enzymes : la dopa-décarboxylase et la catéchol-O-méthyltransférase (COMT). L’inhibition de ces enzymes par des médicaments a deux avantages :

→ elle augmente l’efficacité de la lévodopa en limitant sa transformation physiologique en dopamine : une plus grande quantité est disponible pour entrer dans le cerveau tout en réduisant la dose totale administrée ;

→ elle réduit les effets indésirables induits par la formation périphérique de dopamine (notamment les effets digestifs et cardiaques évoqués précédemment).

Concrètement, par rapport à ces deux types d’enzymes :

→ un inhibiteur de la dopa-décarboxylase est donc désormais systématiquement associé à la lévodopa (bensérazide dans le Modopar ; carbidopa dans le Sinemet) ;

→ deux inhibiteurs de la COMT (ICOMT) sont commercialisés : d’une part l’entacapone (Comtan, ICOMT seul, et Stalevo, ICOMT et lévodopa ; ses effets indésirables se traduisent notamment par des douleurs abdominales, des troubles du transit et une coloration brune de l’urine) et d’autre part la tolcapone (Tasmar, prescrit en deuxième ligne en association avec d’autres médicaments, uniquement par un neurologue, sous stricte surveillance en raison d’une mauvaise tolérance hépatique).

Modifications galéniques

Les présentations de lévodopa à libération prolongée (LP) (tout comme celle d’autres médicaments, y compris les agonistes dopaminergiques évoqués plus bas) réduisent l’incidence des troubles moteurs, du moins temporairement, en stabilisant les taux sanguins de dopamine et en régularisant donc son action dans le cerveau. Mais l’effet du médicament est plus retardé (entre une heure et une heure et demie), ce qui peut expliquer le choix d’associer (parfois avec un léger différé) une forme d’action retard à une forme d’action immédiate, notamment le matin. De plus, l’action des formes retard est plus réduite, d’où la nécessité d’augmenter la posologie de lévodopa administrée (de 20 % lors de la substitution, de 25 à 50 % ensuite par rapport à une forme à libération immédiate).

Inhibiteurs des monoamines oxydases (IMAO)

La dopamine formée dans le cerveau à partir de la lévodopa y est métabolisée par des enzymes appelées “monoamines oxydases” (MAO) : l’administration d’inhibiteurs de ces enzymes augmente donc sa durée d’action. C’est la logique de la prescription de la sélégiline (Déprényl) et de la rasagiline (Azilect). Prescrits en monothérapie lorsque la gêne fonctionnelle reste minime, ils peuvent être associés ensuite à la dopathérapie pour en réduire la dose ou en optimiser l’effet.

Agonistes dopaminergiques centraux

Les agonistes dopaminergiques sont des médicaments qui passent dans le cerveau et agissent comme le ferait la dopamine, sur ses propres récepteurs : bromocriptine (Parlodel), piribédil (Trivastal), ropinirole (Requip), pramipexole (Sifrol), rotigotine (Neupro) et apomorphine (Apokinon).

Ils bénéficient d’une demi-vie beaucoup plus longue que celle de la lévodopa (excepté l’apomorphine qui a une demi-vie de 34 minutes), d’où une stimulation dopaminergique plus régulière et moins de fluctuations motrices. Ils peuvent être prescrits en monothérapie de première intention, chez un patient jeune, pour différer le recours à la lévodopa. Puis, la maladie évoluant, ils sont associés à la lévodopa lorsque son effet commence à s’épuiser. La lévodopa est alors introduite mais à des doses très lentement progressives pour éviter la survenue des fluctuations motrices, en particulier les dyskinésies (mouvements involontaires) de pic de dose (résultant d’une stimulation dopaminergique excessive). Les effets indésirables principaux sont de la somnolence parfois très importante, voire des accès soudains de sommeil (prudence en cas de conduite automobile), des troubles du comportement ou des hallucinations, des œdèmes des membres inférieurs, de l’hypotension, des troubles digestifs en début de traitement (traiter par la dompéridone, qui ne franchit pas la barrière hémato-encéphalique), une sécheresse buccale et de la constipation.

L’évolution des effets du traitement

Aggravation des troubles et stabilisation

L’expression clinique de la MP finit par s’aggraver en raison des troubles moteurs dopa-induits et de l’évolution de l’affection, avec apparition de signes de dopa-résistance (fluctuations motrices, dyskinésies, instabilité posturale), au terme de la “lune de miel” souvent prolongée plusieurs années sous dopathérapie. À ce moment, les artifices galéniques et les associations de plusieurs médicaments concourent à mieux stabiliser les apports de dopamine et son action dans le cerveau. La prescription d’agonistes dopaminergiques ou de combinaisons d’inhibiteurs enzymatiques permet de réduire les apports en lévodopa en cas de survenue de dyskinésies.

Jusqu’à la perte de contrôle thérapeutique

Vient un temps où les traitements ne peuvent plus agir puisque l’ensemble des neurones cibles des médicaments a été détruit… Le traitement privilégie alors le nursing et vise à suppléer aux difficultés à s’alimenter ou à prévenir les complications du décubitus (lire Savoir faire, p. 46). L’absence de régulation physiologique de la transformation de la lévodopa en dopamine et la disparition progressive des neurones producteurs de dopamine expliquent que la concentration en dopamine dans le cerveau finisse par ne plus dépendre que de ses concentrations plasmatiques et donc des apports médicamenteux. L’apparition des complications motrices iatrogènes traduit une perte de contrôle thérapeutique de la maladie. Le traitement ne devient efficace que de façon discontinue, d’où des variations de l’état physique et psychique du patient, voyant alterner des phases dites on où le patient est équilibré et des phases dites off, d’akinésie, où des symptômes réapparaissent. Cet effet on-off témoigne donc d’une sensibilité exacerbée des récepteurs dopaminergiques, qui répondent alors par une loi du “tout ou rien” aux variations rapides et incontrôlables des taux en dopamine suivant les prises de médicaments. Parmi ces complications, il importe de distinguer les fluctuations (motrices et non motrices) et les dyskinésies.

Fluctuations motrices

Certaines fluctuations, prévisibles, se traduisent par des phases de réapparition transitoire de signes de MP (tremblement, ralentissement du mouvement). Elles s’observent chez plus de 85 % des patients après une période de rémission entre cinq à dix ans (période de “lune de miel” d’autant plus courte que le malade est jeune). L’intensité, très variable, peut aller jusqu’à un blocage complet de tout mouvement.

→ Les fluctuations dites de “fin de dose” reflètent la diminution de l’effet des traitements. Elle se traduit notamment la nuit, à distance de la dernière prise de médicaments, par des difficultés à se mouvoir au lit ou à se lever. Le matin, au réveil, on observe des spasmes musculaires (dystonies) provoquant des postures anormales prédominant aux pieds, qui disparaissent après la première prise de traitement en même temps que les symptômes parkinsoniens.

→ Les fluctuations on-off se traduisent par une résurgence des symptômes à des moments variables, indépendants de la prise des antiparkinsoniens : elles sont donc imprévisibles et, de ce fait, très handicapantes. Elles apparaissent très rapidement, parfois en quelques secondes, pour disparaître aussi vite et sont plus rares que les fluctuations de fin de dose.

Fluctuations non motrices

Les fluctuations neurovégétatives peuvent s’ajouter aux fluctuations motrices : variations tensionnelles, hypersudation et hypersialorrhée (hypersalivation), pollakiurie et mictions impérieuses, troubles du transit intestinal, douleurs musculaires, paresthésies. On observe, de même, des fluctuations psychiques avec variations brutales dans l’humeur, la vigilance, l’anxiété, les performances cognitives, voire des hallucinations. Ces variations du comportement sont difficiles à vivre pour le malade et son entourage.

Dyskinésies

Ces mouvements anormaux involontaires traduisent une stimulation dopaminergique un peu trop importante. On distingue des dyskinésies :

→ de milieu de dose, les plus fréquentes, survenant lors de l’effet maximal du traitement. Elles s’observent au repos et s’intensifient lors d’un mouvement volontaire ;

→ de début et de fin de dose, souvent associées aux symptômes parkinsoniens, lors du début ou de la fin de l’effet d’une prise de médicament antiparkinsonien.

Traitement des troubles “satellites”

La prescription du traitement antiparkinsonien ne répond pas à toutes les conséquences de la dégénérescence neuronale. Avec l’évolution de la maladie, il est nécessaire de lui associer plus ou moins rapidement d’autres types de traitement visant à corriger – ou, du moins, à réduire en sévérité – divers troubles induits par la MP elle-même ou par le traitement pro-dopaminergique.

Les troubles dysautonomiques

Dominés par les complications urinaires, ils justifient l’administration de médicaments anticholinergiques atropiniques efficaces contre l’hyperactivité vésicale. La desmopressine (Minirinmelt) est utile dans le traitement de la pollakiurie nocturne. Les alpha-2 bloquants (indiqués normalement dans le traitement de l’hypertrophie bénigne de la prostate) sont éventuellement prescrits, en veillant au risque d’hypotension orthostatique.

Les troubles tensionnels

L’hypotension orthostatique est un symptôme non moteur de la maladie et peut être aggravée par les traitements. Des mesures simples en limitent les manifestations : port de bas de compression, augmentation des apports sodés, etc. Si besoin, il est possible d’administrer des médicaments spécifiques dont notamment la midodrine (Gutron), dont l’efficacité est avérée, ou des sympathomimétiques divers (heptaminol, etc.) dont l’activité reste insuffisamment documentée.

Le syndrome algique

Des douleurs neuropathiques accompagnent tous les stades de la maladie : leur traitement médicamenteux demeure délicat (antidépresseurs tricycliques, anticonvulsivants antalgiques, voire toxine botulique).

Les troubles digestifs

Les troubles digestifs (nausées, vomissements) observés notamment en début de traitement antiparkinsonien (et liés à un relatif excès de dopamine périphérique, venant stimuler le centre du vomissement de l’area postrema) sont prévenus ou traités par la prescription d’un antihistaminique ou de dompéridone (Motilium). D’autres troubles digestifs, tels que la constipation, le reflux gastroœsophagien, le ralentissement de la vidange gastrique, sont dus à la maladie. Ils peuvent réduire l’absorption des médicaments.

Les troubles du sommeil

Liés à la maladie par modification de la structure du sommeil, compliqués par la gêne induite par les symptômes moteurs, ils relèvent d’interventions sur l’hygiène de vie (restauration d’un rythme circadien convenable) et d’une adaptation du schéma d’administration de la dopathérapie – et non de la prescription d’hypnotiques. Un antidépresseur sédatif (amitriptyline, miansérine, mirtazapine) peut être utile. On constate assez souvent des troubles du sommeil paradoxal, se manifestant par des rêves agités, à signaler.

Les signes d’allure psychotique

Également appelés “psychose dopaminergique”. La survenue d’hallucinations (auditives, visuelles, tactiles) et celle de troubles du comportement à type paranoïaque d’origine iatrogène (hyperdopaminergie) n’est pas exceptionnelle : elle relève d’une adaptation posologique et non de la prescription d’antipsychotiques (ceux-ci sont en effet tous des antidopaminergiques qui aggravent donc la MP : seule la clozapine, Léponex, fait exception, mais son usage est limité en raison de sa toxicité hématologique avec risque d’agranulocytose, et elle ne peut être prescrite que par un spécialiste : psychiatre, neurologue ou gériatre, sous surveillance particulière).

Les troubles de l’humeur

Observé chez au moins 50 % des patients, un trouble de l’humeur à type de dépression sera traité de façon conventionnelle. Les troubles anxieux et l’hyperémotivité sont aussi fréquemment retrouvés et peuvent nécessiter une prise en charge spécifique (psychologue ou séances de thérapies comportementales et cognitives).

La démence

Les patients parkinsoniens et déments (notamment dans l’association Parkinson et Alzheimer) posent des problèmes thérapeutiques délicats : les agonistes dopaminergiques comme les anticholinergiques aggravent les signes de confusion mentale.

Traitements non pharmacologiques(3)

La neurostimulation intracérébrale

Également appelée “stimulation cérébrale profonde”, la neurostimulation agit sans léser la zone cérébrale concernée. Elle est désormais couramment pratiquée dans des centres spécialisés, où elle bénéficie d’un recul d’une trentaine d’années. Cette technique ne guérit pas la maladie mais permet de réduire la dose des médicaments. Toutefois, elle ne concerne qu’un nombre limité de patients du fait de ses contraintes : elle est proposée aux cas difficiles à traiter par médicaments, sensibles à la dopathérapie mais avec des fluctuations motrices sévères et sans signes axiaux (instabilité posturale, troubles de l’élocution, etc.) trop prégnants, chez les sujets âgés de moins de 70 ans, sans troubles cognitifs ou psychiatriques ni affection évolutive sévère associée. La stimulation améliore les troubles moteurs et supprime les fluctuations. En revanche, elle reste peu efficace sur les signes axiaux et n’empêche pas la maladie d’évoluer.

L’opération, qui dure environ six heures, consiste à implanter symétriquement par deux orifices percés au sommet du crâne deux électrodes dans la zone malade, de chaque côté du cerveau. Les électrodes sont reliées à un stimulateur inséré sous la peau. Les effets indésirables faisant suite à l’intervention (hémorragies, infections) restent rares. Des réglages ultérieurs sont nécessaires pour s’adapter à la progression de la maladie ; de plus, une intervention est nécessaire pour changer la pile (tous les cinq à sept ans environ). La recherche vise désormais à stimuler d’autres régions du cerveau.

Les thérapies en voie d’expérimentation

Sont testées des thérapeutiques reposant sur de nouveaux concepts, comme des greffes intracérébrales de cellules fœtales ou l’administration de facteurs neurotrophiques. La thérapie génique, qui reproduit les effets inhibiteurs d’une stimulation intracérébrale et utilise comme vecteur un adénovirus, a été testée avec succès.

(1) Parmi nos sources, l’Institut des neurosciences cliniques de Rennes, 2015.

(2) DAT-scan : imagerie cérébrale fonctionnelle proche de la tomoscintigraphie, utilisée pour différencier un tremblement essentiel d’un tremblement rentrant dans le cadre d’un syndrome parkinsonien (maladie de Parkinson, atrophie multisystématisée et atrophie multisystématisée progressive).

(3) Sur la prise en charge non médicamenteuse, et notamment l’accompagnement du patient dans sa vie quotidienne, lire aussi le deuxième item du Savoir faire, p. 46.

Question de proche

La maladie de Parkinson aurait-elle une “odeur” ?

C’est ce que laisse entendre le témoignage, relayé fin octobre dans la presse, d’une proche qui aurait noté auprès de son mari malade une odeur corporelle spécifique. L’information est à prendre avec des pincettes, sous peine de stigmatiser les patients. L’Université de Manchester va tenter de la confirmer ou non, en extrayant les composés à l’originede cette odeur (si elle existe) et ainsi trouver une méthode de diagnostic olfactif précoce. La seule chose sûre, pour le moment, c’est que la MPpeut susciter une hypersudation et une perte d’odorat du patient…

Sources : fondation Parkinson UK (lien : bit.ly/1Ht5jvt) et en France, notamment, Le Figaro du 23 octobre (bit.ly/1XoCFVl).

L’échelle UPDRS

L’UPDRS (pour Unified Parkinson’s Disease Rating Scale) constitue une échelle simple d’emploi explorant toutes les conséquences de la MP dans des sections utilisables séparément.

→ Section I : état mental, comportemental et thymique (4 items).

→ Section II : activités de la vie quotidienne (13 items : parole, salivation, déglutition, écriture, alimentation, habillage, hygiène, se retourner dans son lit, chutes, piétinement, marche, tremblement, douleurs).

→ Section III : examen moteur (14 items).

→ Section IV : complications du traitement dans la semaine précédant l’examen (11 items).

→ Section V : stades de Hoehn et Yahr permettant de classer les patients en 8 niveaux selon la sévérité de la maladie (stade 0 = absence de signe parkinsonien à stade 6 = perte totale d’autonomie).

→ Section VI : activités quotidiennes (de 100 % pour le patient totalement indépendant à 0 % pour le patient alité).

Il existe une version modifiée plus précise, validée en 2008, qui remplace progressivement l’ancienne : la MDS-UPDRS (Movement Disorder Society-Unified Parkinson’s Disease Rating Scale).

Question de patient

Un tremblement est-il forcément imputable à une maladiede Parkinson ?

Non. Il peut s’agir d’un tremblement dit “essentiel”. Le seul signealors observé est un tremblement omniprésent, qui ne disparaît pas dans l’exécution volontaire d’un mouvement (tandis que le tremblementde la MP, de repos, diminue en cas de mouvement), progresse lentement mais n’entraîne que rarement un handicap. Cette pathologiedu mouvement, souvent familiale, est bien plus fréquente que la MP et affecte au moins 300 000 personnes en France. Elle est même la cause la plus courante de tremblements. Elle augmente progressivement avec l’âge et atteint jusqu’à 14 % des sujets de plus de 65 ans.

Source : Association des personnes concernées par le tremblement, 2015 (www.aptes.org).

Maladie de Parkinson et syndrome parkinsonien

Il ne faut pas confondre la MP idiopathique, objet de ce dossier, avec l’un ou l’autre des divers syndromes parkinsoniens (rappelons qu’un syndrome fédère divers symptômes réputés avoir une origine unique). La MP idiopathique représente environ 80 % des cas observés. Mais il existe plusieurs syndromes parkinsoniens. En voici quelques autres exemples :

→ atrophie multisystématisée (AMS) : il est difficile de porter un diagnostic différentiel entre une MP débutante et une AMS, une maladie neurodégénérative rare. Cette dernière associe à des signes parkinsoniens typiques des troubles de l’équilibre, de la coordination et de nombreux troubles végétatifs (variations tensionnelles, troubles urinaires et sexuels). L’AMS a une évolution très rapide, de moins de dix ans ;

→ paralysie supranuclé-aire progressive : ce syndrome parkinsonien se traduit notamment par une paralysie oculaire, avec un regard constamment dirigé vers le bas. Le tremblement est extrêmement rare mais les chutes précoces fréquentes. L’évolution est rapide ;

→ démence à corps de Lewy : ce syndrome se caractérise, en plus de symptômes moteurs observés dans la MP, par des hallucinations ainsi que par une dégradation intellectuelle précoce ;

→ syndrome (pseudo) parkinsonien induit par neuroleptiques : les neuroleptiques indiqués essentiellement dans le traitement des psychoses peuvent entraîner un syndrome parkinsonien iatrogène réversible car ils inhibent la transmission dopaminergique. Il est prévenu ou traité par administration d’anticholinergiques (Lepticur essentiellement) : l’usage d’antiparkinsoniens dopaminergiques est impossible puisqu’il y a antagonisme pharmacologique avec les neuroleptiques qui sont, eux, antidopaminergiques.

Question de patient

Comment gérer mon traitement par patch transdermique de Neupro ?

Le patch s’applique une fois par jour, approximativement à la même heure chaque jour. Il reste en place pendant 24 heures puis est remplacé par un dispositif neuf. En cas d’oubli de l’heure, ou si le patch se décolle, appliquez-en un nouveau pour le reste de la journée. Le patch est appliqué sur une peau propre, sèche, intacte et saine, sur l’abdomen, la cuisse, la hanche, le flanc, l’épaule ou le bras. Il faut éviter de répéter l’application au même endroit au cours des quatorze jours qui suivent. Ne pas appliquer sur une peau rouge, irritée ou lésée. Ne pas découper le patch.

Le recours à l’apomorphine

L’apomorphine (Apokinon) est un agoniste dopaminergique. Administrée par voie sous-cutanée (pompe à injection ou stylo injecteur utilisé par le patient), elle permet une correction rapide de la symptomatologie. Elle est administrée dans le traitement des fluctuations motrices sévères (périodes de blocage impromptues de type on-off, dyskinésies invalidantes, akinésie matinale prolongée), après échec des autres traitements. Son administration expose notamment à des troubles digestifs imposant l’association à la dompéridone. La dose utile varie de 0,2 à 5 mg et détermine la durée d’action, comprise entre cinq-dix minutes et une heure. Les administrations peuvent être réitérées dans la journée. L’impact de ce médicament finit toutefois par s’épuiser en raison de l’évolution de la maladie.

Pour en savoir plus : (re) lire l’article sur la manipulation et les effets secondaires de la pompe à apomorphine dans notre numéro 314 de mai 2015, p. 44.

Question de patient

Pourquoi est-il impossible de traiter les nausées par du Primpéran ?

Nausées et vomissements ne sont pas traités par des antagonistes dopaminergiques actifs au niveau du cerveau comme le métoclopramide (Primpéran) car ils exposent à un risque d’interaction pharmacologique : leur action est l’inverse de celle des médicaments antiparkinsoniens. Il est donc préférable de recourir à la dompéridone (Motilium) qui, quant à elle, ne franchit que peu la barrière hémato-encéphalique et n’agit donc pas dans le cerveau : il n’y a donc pas risque d’interaction pharmacologique. Mais après avoir pesé le pour et le contre : attention aux effets indésirables cardiaques graves, la dompéridone faisant l’objet d’une surveillance renforcée des autorités (lien : bit.ly/1ArdwCi).

Je cote à la nomenclature

Prise en charge de Parkinson

Parmi les actes infirmiers qui peuvent intervenir dans la prise en charge de Parkinson, citons la pompe à apomorphine, considérée comme une perfusion :

→ pose de la pompe et surveillance sur la journée (forfait AMI 14),

→ retrait de la pompe (forfait AMI 5),

→ intervention dans la journée de façon exceptionnelle, pour “acte intermédiaire à la demande du patient” (forfait AMI 4,1 ; il est conseillé alors de télétransmettre en pièce jointe de l’acte une note manuscrite le justifiant).