Cahier de formation
Savoir faire
L’Idel intervient généralement à un stade avancé de la maladie, quand le patient est âgé et/ou dépendant, notamment pour administrer les médicaments et surveiller leurs effets, effectuer des soins d’hygiène, mais aussi trouver des solutions pragmatiques visant à préserver l’autonomie du patient, repérer ses besoins et ceux de ses proches.
Mme D., 76 ans, est traitée par agoniste dopaminergique et L-Dopa. Son époux lui donne ses médicaments. Au cours de votre dernière visite pour des soins d’hygiène, vous avez observé un comportement étrange de la part de Mme D. Elle range et collectionne de façon obsessionnelle des taille-crayons. Son époux vous demande si ce comportement est dû à la maladie.
Si ces troubles sont sans gravité, ils ne doivent pas être pris à la légère. Il pourrait s’agir d’effets indésirables du traitement, en particulier si ces comportements n’existaient pas avant ou s’ils se sont aggravés. Certes, ce comportement ne s’apparente pas à de graves effets secondaires comme des achats incontrôlés ou une addictionaux jeux, connus mais tabous, et aux conséquences potentiellement graves… Mais il suggère néanmoins un problème de traitement, qu’il convient de signaler au médecin et au neurologue lors de la prochaine consultation, pour réévaluer ou modifier si nécessaire les doses ou changer de médicament.
Le malade parkinsonien est atteint, d’une part, par les signes propres à la maladie, évolutive, avec des troubles cognitifs ou de l’humeur (dépression) qui lui sont associés, et, d’autre part, par les complications motrices liées à la dopathérapie. L’Idel, en première ligne, est attentive à ces signes qu’elle pourra observer ou qui lui seront rapportés par le patient ou ses proches.
Le poids peut évoluer au cours de la maladie. Une perte de poids est possible notamment en raison d’une baisse de la consommation alimentaire du patient (difficulté à avaler, fatigabilité à la mastication, modification du goût, de l’odorat, de l’appétit, troubles digestifs…) ou de l’augmentation des dépenses énergétiques liées à la maladie.
Dans le cas d’une perte de poids, deux solutions sont envisageables. La première est de fractionner les prises :
→ en respectant les trois repas avec plats cuisinés et en décalant les desserts dans les deux heures qui suivent ;
→ en instaurant des collations légères (laitages, fruits, compotes) à 10, 16 et 22 heures ;
→ en mangeant dès que la faim ou l’envie se fait sentir.
La deuxième solution est d’enrichir systématiquement les plats :
→ avec des aliments protidiques (œuf battu, gruyère râpé, lait en poudre) ;
→ avec des aliments riches en graisse (beurre, crème fraîche, huile, mascarpone, chantilly) ;
→ avec des féculents (pâtes à potage, purée… mais pas de riz ni de semoule en cas de trouble de déglutition) ;
→ avec des produits sucrés (sucre, miel, crème de marron, confiture, gelée…), sauf si le patient a tendance à être somnolent ou hypotendu.
La constipation touche six à sept personnes atteintes de la maladie de Parkinson sur dix (contre deux à trois sur dix dans la population générale). Des conseils peuvent aider le patient :
→ boire au moins 1 litre ou 1,5 litre de liquide par jour (si possible des eaux riches en magnésium) ;
→ consommer des fibres tous les jours (fruits et légumes cuits et crus, légumes secs, fruits secs, fruits oléagineux, pains et céréales complets ou semi-complets, son d’avoine à raison d’une cuillère à soupe par repas) ;
→ conserver une activité physique régulière ;
→ pratiquer tous les jours un auto-massage abdominal dans le sens du transit intestinal, c’est-à-dire dans le sens d’une aiguille d’une montre. Il est possible de le réaliser lors de séances de kinésithérapie ;
→ conserver un rituel : choisir chaque jour un moment calme de la journée pour aller aux toilettes.
→ La douleur
→ La somnolence est fréquente, elle est due à plusieurs facteurs : à la maladie, qui induit des troubles du sommeil et des symptômes moteurs gênant la mobilité, et à une mauvaise hygiène de vie. Elle est aggravée par les agonistes dopaminergiques. Facteur de risque d’accidents en conduite automobile ou de la vie courante (chutes), elle doit être signalée au médecin traitant.
→ Les complications motrices sont des fluctuations de la motricité liées à la pulsatilité dopaminergique qu’entraîne la prise fractionnée de lévodopa, souvent au moins quatre prises. Ces complications se manifestent d’abord par un retour des symptômes en fin de dose, soit environ quatre à cinq heures après la prise, ainsi que des akinésies (difficultés à effectuer certains mouvements) matinales liées au manque de traitement au réveil. Puis les fluctuations d’effet de la dopathérapie se multiplient avec l’augmentation du nombre de prises de traitement, et se compliquent de dyskinésies (mouvements involontaires imputables à un surdosage), au début peu gênantes mais devenant invalidantes avec l’évolution de la maladie. Enfin, on peut retrouver des effets on-off, fluctuations brutales sans rapport avec la prise de traitement, signe de la dénervation dopaminergique (lire p.37).
À noter : le rôle du patient, de l’entourage et de l’Idel sont très importants à tous les stades, en décrivant précisément les variations d’état du patient et leurs horaires de survenue, pour faciliter l’adaptation du traitement par le neurologue. Pour cela, il est nécessaire de savoir différencier tous les symptômes de la maladie.
→ Les médicaments pro-dopaminergiques (lévodopa, agonistes) exposent à des troubles graves du comportement avec survenue possible de compulsions et de répétitions (dépendance aux jeux, comportements répétitifs, achats compulsifs, hypersexualité) favorisés par des doses élevées et l’association de plusieurs d’entre eux. Ces troubles sont généralement réversibles après la diminution des doses ou l’arrêt du traitement dopaminergique
→ La plupart des patients suivis à domicile sont sous traitement par L-Dopa et agonistes dopaminergiques. L’administration de la L-Dopa se traduit par des fluctuations de l’état moteur du patient dues à sa demi-vie très courte et aux variations de concentration dans le cerveau. D’où l’importance de bien respecter les doses et les horaires d’administration prescrits et les augmentations progressives lors de la mise en place du traitement pour éviter notamment les fluctuations motrices. « L’Idel joue un rôle déterminant dans l’éducation thérapeutique en expliquant au patient et à son entourage pourquoi il est essentiel de bien respecter les horaires des prises, rapporte Corinne Belmudes, déléguée du comité France Parkinson Haute-Garonne, elle-même atteinte de la maladie depuis seize ans. Elle vérifie la bonne observance du traitement et peut éventuellement proposer des systèmes d’alarme - par téléphone, pilulier électronique… - pour aider le patient à ne pas oublier son traitement. »
→ Si le patient présente des nausées ou des vomissements, il est préférable de prendre les antiparkinsoniens (agonistes et L-Dopa) pendant le repas ou de les associer à une collation. Sinon, c’est l’heure de prescription qui prime car elle est en lien avec les symptômes.
→ Les formes LP ne doivent être ni ouvertes ni écrasées. Ce point est à vérifier auprès des patients qui ont des problèmes de déglutition ou qui voudraient couper en deux ou écraser leur médicament pour mieux l’avaler.
→ Les traitements antiparkinsoniens ne doivent jamais être stoppés, encore moins brutalement. Le syndrome de sevrage susceptible de survenir est similaire au syndrome malin des neuroleptiques (fièvre inexpliquée, sueurs, pâleur, rigidité musculaire, détresse respiratoire…). Il peut nécessiter une hospitalisation en urgence.
→ Le patient doit respecter la fréquence des consultations chez le médecin (au minimum tous les trois mois chez le médecin traitant en l’absence de complications, et tous les six mois chez le neurologue). Il doit noter précisément les symptômes gênants et leur heure de survenue pour que le neurologue puisse adapter au mieux le traitement. L’Idel peut l’y aider.
→ Il convient aussi d’éduquer le patient et son entourage à consulter en cas de comportements inhabituels (troubles addictifs donc, mais aussi somnolence diurne, troubles de l’équilibre, hypotension orthostatiques et chutes).
(1) Il existe deux grands types de douleurs en rapport avec la maladie de Parkinson : des douleurs mécaniques périphériques et des douleurs neuropathiques centrales. Les symptômes moteurs de la maladie seraient directement à l’origine des douleurs périphériques, qui résulteraient d’un excès de nociception. Les douleurs neuropathiques centrales seraient liées à des modifications fonctionnelles des mécanismes de transmission de la nociception secondaire aux lésions de la maladie. Les douleurs liées à la maladie sont volontiers intermittentes, à type de crampes, de contractures ou de brûlures, souvent liées aux fluctuations de dopamine en début et surtout en fin de dose.
(2) Point d’information de l’ANSM sur les “Troubles du comportement observés avec des médicaments dopaminergiques indiqués essentiellement dans la maladie de Parkinson ou le syndrome des jambes sans repos”, juillet 2009 (lien : bit.ly/1lnrO0x).
Corinne Belmudes, déléguée du Comité France Parkinson, (Haute-Garonne), malade depuis seize ans
« On en parle peu, mais de nombreux cas de prise de poids sont rapportés chez le patient jeune traité par agoniste dopaminergique, médicament qui peut provoquer des effets secondaires de type addictions alimentaires. Souvent, le grignotage compulsif est accentué par une “faim émotionnelle” ou par une faim “physiologique” associée à une alimentation irrégulière et insuffisante lors des principaux repas. Généralement enclin à mal dormir, le patient peut être amené à grignoter lorsqu’il se lève la nuit : dans ce cas, si le sommeil ne peut pas facilement être équilibré, il peut lui être conseillé de prévoir à l’avance des en-cas sains pour la nuit. Toutes les stratégies diététiques et psychologiques permettant de perdre du poids doivent être envisagées. Il faut insister sur la nécessité absolue de pratiquer une activité physique régulière en complément et attirer l’attention du patient sur l’impact nocif de la prise de poids à terme sur la mobilité. »
Un journaliste qui a connu Cavanna témoigne de la maladie dont souffrait l’écrivain, décédé en 2014 à l’âge de 90 ans
« Son écriture s’en ressent. Elle est tellement minuscule par endroits qu’elle est indéchiffrable. (…) Cavanna multiplie les pépins, à la suite de chutes liées à Parkinson. “Par moments, c’est comme une panne de courant. Ça devient noir et je tombe.” Il aligne les séjours à l’hôpital, puis en maison de repos. 2012 et 2013 seront une longue litanie de rendez-vous ratés et de fractures du col du fémur. Lui, le marcheur, souffre. (…) Cavanna a une nouvelle panne de secteur au moment de donner à manger à son chien. “Je vois tout en noir et je tombe.” Il est tombé, s’est fracassé le nez, le fémur et le crâne. (…) Il l’a écrit dans une de ses dernières chroniques dans Charlie. Son visage est bleui. Il ne veut pas que je le filme dans cet état. »
Extraits de Mohicans, de Denis Robert, Julliard, 2015 (lire aussi la chronique de ce livre p.66).
Céline Arcari, IDE en ETP (ETPark), Centre expert Parkinson, CHU de Toulouse (Haute-Garonne)
« Tout patient est censé respecter les horaires de prise de médicaments prescrits par le médecin. L’éducation thérapeutique du patient et de son entourage sur cet aspect est très importante. Si le patient vit seul, on peut mettre en place un dispositif d’alarme pour lui indiquer l’heure des prises. Il faut aussi tout faire pour que les médicaments soient à sa portée. Qu’il puisse y avoir accès s’il est bloqué, par exemple. Sans parler de la ponctualité des Idels, qui est fondamentale. Cela peut paraître ridicule de le rappeler, mais nous savons que les traitements sont souvent donnés avec retard, parfois même en milieu hospitalier ou dans les Ehpad. »
Le médecin m’a conseillé de tenir un carnet de surveillance. N’est-ce pas contraignant ?
Lorsque la maladie évolue, il faut tenir un carnet de surveillance afin d’informer précisément le neurologue de l’action du traitement mis en place. En effet, les complications causées par les médicaments imposent de respecter l’horaire de prise des traitements : c’est à ce prix que la mobilité demeure optimisée. Ce suivi requiert une certaine “discipline” et des horaires réguliers fixés par le neurologue. Celui-ci vous conseille mieux si vous décrivez très précisément vos journées, vos symptômes et vos souhaits. Le carnet permet de faire un compte rendu précis de la situation au regard des prises de médicaments. Le suivi des traitements peut aussi être facilité par un pilulier sonneur, par une application ou un rappel programmé sur le téléphone mobile.