Comment devient-on infirmière ? - L'Infirmière Libérale Magazine n° 322 du 01/02/2016 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 322 du 01/02/2016

 

Éditorial

Mathieu Hautemulle  

C’est bien connu, les voyages forment la jeunesse et les Ifsi les IDE. Mais est-ce si simple ? Le programme de formation initiale embrasse-t-il réellement chaque recoin de la pratique infirmière, et surtout de la pratique libérale ? La réponse est négative, bien sûr : entre la théorie et la pratique, existe un contraste parfois intense. Ce décalage taraude tout pédagogue. Mais la profession infirmière est en prise avec l’humain : les enjeux de sa formation n’en sont que plus saillants. Il nous fallait bien un dossier entier (pp. 22-28) pour montrer les limites de l’enseignement, et en comprendre les raisons. La difficulté pour l’étudiante infirmière, c’est que, pendant trois ans, d’amphi en stage, il ne s’agit pas seulement d’intégrer des savoirs encyclopédiques, des savoir-faire matérialisables, des techniques de soin bien concrètes. Il lui faut aussi se familiariser progressivement à un savoir-être. Apprendre une façon de réfléchir et de concevoir le soin. Faire sien un positionnement spécifique par rapport aux autres professionnels. Trouver à l’égard des patients le dosage adéquat d’empathie et de distance. S’il s’agit en partie d’apprendre à faire, il est aussi parfois nécessaire d’apprendre à ne pas faire. Une IDE spécialiste en plaies et cicatrisation nous expliquait récemment que, pour une infirmière, il s’avérait souvent difficile, face à une rougeur, et face également à la demande d’un patient en souffrance, de ne pas étaler systématiquement une crème, même quand l’idéal serait d’abord d’attendre la confirmation du diagnostic par le corps médical. Ces cinquante nuances de vrai ne s’apprennent pas toujours dans un livre, en TD ou sur le banc d’un institut. Comment devient-on infirmière ? Voilà, au fond, la question qui se pose, le diplôme bientôt ou déjà en poche. Et c’est un combat qu’il faut menerpour tirer, de son expérience, le constat, à la fois difficile mais exaltant et même joyeux, de ce qui nous reste à apprendre. Le constat de ce qui nous reste à apprendre pour ajuster nos connaissances au réel. Comme ce combat, la formation continue.