L’homéopathie en pratique - L'Infirmière Libérale Magazine n° 322 du 01/02/2016 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 322 du 01/02/2016

 

Pharmacologie

Cahier de formation

LE POINT SUR

Anne-Gaëlle Harlaut  

L’utilisation des médicaments homéopathiques fait encore l’objet d’idées reçues bien ancrées. Comme tout professionnel de santé, les infirmières libérales doivent rétablir les bons conseils de prise et connaître les protocoles couramment prescrits aux patients.

Qui utilise des médicaments homéopathiques ?

→ Un nombre important de Français… Finis les préjugés qui cantonnaient l’homéopathie et ses qualités d’innocuité aux femmes enceintes et aux enfants ! L’homéopathie n’est pas l’apanage d’une tranche d’âge ou d’un groupe de personnes. La preuve, plus d’un Français sur deux déclare avoir recours à l’homéopathie pour se soigner(1).

→ … et même de plus en plus. Le recours à l’homéopathie connaît une progression constante dans la population française : 56 % de la population a recours à l’homéopathie en 2012 contre 53 % en 2010 et 39 % en 2004(2)

Comment les prendre ?

→ Granules et globules. Conditionnés en tubes à prise multiple ou unique, ils s’administrent classiquement par voie perlinguale : on les laisse fondre dans la bouche ou on garde en bouche quelques instants la solution obtenue en les diluant dans un peu d’eau. La posologie usuelle est la même pour un enfant, un adulte ou un animal, à savoir 5 granules à la fois, à répéter dans la journée, ou une dose de globules en une prise unique. Astuce : pour donner des granules à un bébé, on peut les dissoudre dans un peu d’eau administrée par biberon ou pipette. Le nombre total de granules/globules quotidiens peut être dilué en une fois puis administré tout au long de la journée.

→ Gouttes buvables. Également fréquente, cette présentation de médicaments homéopathiques est administrée pure ou diluée dans un peu d’eau. Attention : elles contiennent souvent de l’alcool et ne conviennent pas dans certaines situations, notamment chez l’enfant.

→ Autres présentations (pommades, comprimés à sucer, sirops…). Elles s’utilisent de la même manière que les médicaments allopathiques.

Pour quelles indications ?

L’homéopathie peut être utilisée dans la grande majorité des affections, chroniques ou aiguës, soit seule, soit en traitement complémentaire de l’allopathie, soit en soins de supports (notamment en oncologie pour tenter de limiter les effets indésirables des traitements).

→ Les médicaments unitaires (granules, globules…). Ils permettent d’individualiser la prescription, et sont plus particulièrement prescrits par des médecins spécialisés. Certains protocoles courants, prescrits en cas de plaies ou traumatismes, sont intéressants à reconnaître pour les infirmières (lire l’encadré page ci-contre). Les unitaires sont également utilisés dans des protocoles simples de traitements aigus, parfois conseillés par le pharmacien. À titre d’exemple, afin de limiter la poussée d’herpès labial : une dose de Vaccinotoxinum 15 CH dès les premiers picotements puis 5 granules 4 à 6 fois par jour de Rhus toxicodendron 9 CH et d’Apis mellifica 15 CH. Ou encore, en cas de rhume avec un écoulement nasal clair, Allium cepa 7 CH à raison de 5 granules 4 à 6 fois par jour, et, si la gorge est irritée, Belladonna 5 CH à la même posologie.

→ Les spécialités homéopathiques. Particulièrement adaptées à une utilisation familiale de première intention, elles associent généralement plusieurs médicaments et sont dotés d’une posologie. Par exemple : Camilia pour les poussées dentaires du nourrisson, Cocculine contre le mal des transports, Coryzalia ou Sinuspax en cas de rhinites, L72 solution buvable ou Sédatif PC contre les troubles mineurs du sommeil, Lehning complexe N° 89 Calendula dans la cicatrisation des plaies et des brûlures, etc.

On dit souvent que…

→ Pour une même maladie, deux patients peuvent avoir des traitements différents.

C’est vrai. Pour une même affection, le prescripteur peut individualiser sa prescription selon le profil du patient, sa façon d’appréhender la maladie, les caractéristiques de ses symptômes…

→ Les médicaments homéopathiques peuvent interférer avec mon traitement habituel.

Non. Il n’y a pas d’interactions pharmacologiques avec le traitement allopathique habituel, homéopathie et allopathie peuvent être pris de façon complémentaire. Il est toutefois important de rappeler que le traitement habituel ne doit pas être stoppé, et d’informer le médecin de la prise concomitante d’un traitement homéopathique.

→ Toucher les granules diminue leur efficacité.

C’est faux. Mais, pour des raisons d’hygiène, il vaut mieux ne pas toucher les granules et utiliser le compte-granule inclus dans les tubes.

→ Il ne faut pas les croquer.

Peu importe. On peut sucer ou croquer les granules, l’essentiel étant de ne pas les avaler mais de les garder en bouche pour favoriser la voie perlinguale (passage de la substance dans l’organisme via les vaisseaux de la bouche).

→ Il faut les prendre à distance des repas.

Plutôt, oui. Même si ce n’est pas démontré, les aliments peuvent gêner l’absorption perlinguale des médicaments homéopathiques.

→ Il ne faut pas manger de menthe ni boire de café.

Non. Ni la menthe ni le café n’interfèrent sur l’action des médicaments homéopathiques. Néanmoins, ils peuvent avoir un effet vasoconstricteur qui diminue l’absorption perlinguale. Mieux vaut donc se laver les dents avec un dentifrice mentholé ou boire son café à distance de la prise des médicaments.

→ Les granules/globules apportent du sucre.

Oui. Ils contiennent du saccharose mais en quantité négligeable (environ 0,20 g pour 5 granules contre 5 g pour un morceau de sucre). Il est recommandé de se laver les dents après la prise de granules pour limiter le risque de caries et aux diabétiques de demander l’avis de leur médecin.

(1) “Les Français et l’ homéopathie”, enquête d’Ipsos pour le compte de l’entreprise Boiron, janvier 2012 (bit.ly/1UO1ury).

(2) Précédentes données Ipsos.

Cet article fait suite à la présentationde l’homéopathie en principe, parue dans notre précédent numéro.

L’auteur déclare ne pas avoir de lien d’intérêts.

Trois protocoles courants

Voici trois exemples courants de protocoles homéopathiques prescrits par le médecin.

→ Une plaie qui a du mal à cicatriser

La teinture mère de Calendula, désinfectante et cicatrisante de surcroît, peut-être prescrite localement.

Silicea 7 CH : 5 granules par jour si la plaie, même minime, suppure facilement.

Staphysagria 9 CH : 5 granules par jour jusqu’à fermeture pour les petites plaies franches liées à un instrument tranchant.

→ Un ulcère variqueux

Le traitement homéopathique pour aider à “fermer” l’ulcère diffère pour chaque patient, mais on retrouve souvent :

Lachesis 9 CH, 5 granules par jour.

Fluoricum acidum 9 CH, 5 granules à un autre moment de la journée.

→ Des coups et bosses

Arnica 15 CH dans tous les cas car c’est le médicament central des traumatismes : une dose en une seule fois.

Arnica 5 CH : 5 granules 3 fois par jour jusqu’à disparition d’un hématome ou d’une ecchymose.

- Ou Bellis perennis 9 CH, 5 granules par jour pendant 5 jours, en cas de traumatisme des seins ou une chute sur les fesses.

- Ou Natrum sulfuricum 30 CH, 1 dose d’Arnica le lendemain en cas de choc à la tête.

Une “appli” pour ne pas oublier ses granules

Difficile parfois de suivre son traitement à la lettre avec la répétition des prises quotidiennes et les noms latins parfois compliqués ! L’entreprise Boiron, leader mondial de l’homéopathie, a développé une application mobile pour iPhone qui aide à mieux suivre son traitement. Le principe :

1 création d’un planning personnalisé en saisissant les noms de médicaments (saisie semi-automatique) et posologies prescrites ou conseillées (on peut aussi ajouter des médicaments allopathiques) ;

2 paramétrage des alertes automatiques au cours de la journée.

Oméomémo peut être téléchargé gratuitement sur l’AppStore.