PERFUSION > Avec le développement de la perfusion à domicile (plus 9 % par an), le rôle des prestataires de santé est amené à se renforcer. Mais le dialogue entre ces structures et les Idels n’est pas toujours facile. Illustration dans un colloque à Paris fin janvier.
Nous formons un couple solide, même si, dans tout couple, il y a des chamailleries… » Jean-Philippe Alosi, délégué général de la Fédération des prestataires de santé à domicile (FPSAD), a bien résumé la relation entre infirmières libérales et prestataires lors du 8e Congrès francophone des dispositifs intraveineux de longue durée, fin janvier à Paris. Ces sociétés sont en effet devenues un partenaire majeur des infirmières libérales, alors que la perfusion à domicile croît de 9 % par an. « Notre rôle est d’assurer le lien avec les professionnels de santé de proximité, d’organiser le retour à domicile, mais aussi de réaliser des démonstrations de l’utilisation du matériel si l’infirmière ne le connaît pas bien », détaille Jean-Philippe Alosi. Le délégué général de la FPSAD appelle également à une mise en œuvre rapide des nouvelles modalités de prescription, en attente de validation par le ministère, qui devraient ouvrir la perfusion à domicile à tous les traitements et mieux reconnaître le rôle du prestataire (lire notre Mémento de la prescription infirmière livré avec notre numéro de décembre). Un texte parfois accusé de mettre ces derniers en concurrence avec les infirmières. « Ce n’est pas notre avis. Nous avons signé une convention avec la Fédération nationale des infirmiers afin de clarifier les rôles de chacun, et on s’alerte s’il y a des débordements. »
Malgré ces propos rassurants, les infirmières présentes dans la salle ont vivement réagi, notamment au sujet du rôle des prestataires dans la formation, les hospitalières considérant que cela relève de la responsabilité des établissements. « On ne doit pas faire de formation mais de l’information, s’indigne aussi une soignante qui travaille aujourd’hui pour un prestataire. Les bonnes pratiques restent de la responsabilité des infirmières libérales, on nous en demande trop. » Dans cette atmosphère tendue, Corinne Girbal, infirmière libérale à Paris (XIIe arrondissement), énumère les griefs de la profession envers les prestataires. « Nous connaissons bien nos patients, notamment ceux atteints de maladies chroniques, pointe-t-elle. Nous sommes les seules à constater les conditions d’hygiène de leur logement : quand c’est préférable, je les fais venir au cabinet. Ce n’est pas un prestataire qui va s’en rendre compte ! »
Autre problème soulevé : les prescripteurs ne connaissent pas toujours bien les modalités d’utilisation du matériel par les infirmières libérales et, par conséquent, restent parfois un peu vagues. « On ne trouve pas toujours le matériel adapté quand on arrive chez le patient, assure Corinne Girbal. Et comme la formation concernant ces dispositifs médicaux n’est pas systématique, il arrive qu’on ne sache pas les utiliser. Parfois, les sets de soins sont un peu pauvres, on n’a pas d’aiguille mais une seringue… Que faire si on a besoin d’une deuxième ? » Enfin, l’infirmière reproche aux prestataires leur manque de souplesse : « Il arrive qu’on nous livre quinze jours d’antibiotiques et qu’on découvre une allergie au premier jour… Personne ne vient récupérer les produits restants. »
Pour elle, l’expertise des infirmières libérales en matière de dispositifs médicaux devrait être davantage exploitée : « Le prescripteur devrait nous appeler en amont pour vérifier ce qu’il nous faut comme matériel. » Quid alors de la réforme en cours, qui devrait supprimer cette année les codes LPP (Liste des produits et prestations) du matériel de perfusion au profit de forfaits, et donc mettre fin, de fait, à la prescription infirmière dans ce domaine ? Ce sera à l’infirmière de demander au prestataire le matériel dont elle a besoin. Visiblement, le texte n’est pas encore connu de tous. En tout cas, le renforcement du rôle du prestataire « pose problème car nous seules savons comment nous travaillons avec le patient, par exemple qu’il faut le piquer avec une petite aiguille quand il a besoin d’aller travailler, explique Corinne Girbal. Avec les prestataires, on perd en adaptabilité ». « C’est à vous de faire remonter s’ils ne font pas leur travail, protestent les infirmières travaillant pour des prestataires. On est là pour vous et au profit du patient, utilisez-nous ! »