Cahier de formation
Savoir faire
Les complications de la NE sont plutôt rares mais elles entraînent souvent une diminution ou un arrêt des apports nutritifs. Les soins infirmiers visent autant à prévenir les complications médicales que les complications mécaniques liées aux dispositifs de nutrition.
M. G. est rentré de l’hôpital avec une nutrition entérale par gravité qui lui a été prescrite pour combattre une dénutrition en lien avec sa pathologie ORL. Il se plaint d’aller souvent à la selle.
Vous lui demandez la fréquence de ses selles et, si c’est plus de deux selles par jour, vous vérifiez qu’il ne souffre pas de déshydratation. Vous lui expliquez que plusieurs problèmes peuvent être à l’origine de sa diarrhée mais qu’ils peuvent être résolus soit en modifiant le mode d’administration, soit en modifiant le mélange nutritif tout en gardant les apports qui lui sont nécessaires. Vous vérifiez avec lui la vitesse réelle du passage de la nutrition.
Pendant une NE, les selles sont moins fréquentes car les nutriments contenus dans les poches apportent moins de fibres que l’alimentation traditionnelle. En NE, la diarrhée est définie par l’émission de selles trop nombreuses (plus de deux selles par jour) et/ou de consistance liquide ou molle et/ou de poids supérieur à 300 g par jour.
L’origine de la diarrhée est souvent multifactorielle. Sa survenue est d’autant plus fréquente que l’intestin est pathologique, que le passage de la nutrition est rapide et que le produit est hypertonique.
Peuvent être en cause :
→ un passage trop rapide de la nutrition ;
→ les antibiotiques, à cause d’une altération de la flore intestinale (cause la plus fréquente) ;
→ les antihistaminiques, antiacides, antisécrétoires, chimiothérapie ;
→ une hypoalbuminémie (qui jouerait un rôle dans la sécrétion hydroélectrolytique intestinale) ;
→ une ischémie digestive (oblitération des artères digestives) ; ?une contamination lors des manipulations du matériel ;
→ une radiothérapie du tube digestif ;
→ les mélanges hyper-osmolaires (> 310 mosml/l) ;
→ des carences en zinc, vitamines A et B12, ou folates ;
→ le sorbitol, le lactose…
En cas de diarrhée :
→ ralentir la nutrition ;
→ vérifier l’absence de lactose et/ou de gluten dans les apports (les mélanges sont désormais sans lactose ni gluten, mais il faut s’assurer que le patient ne passe pas des apports “maison”) ;
→ s’assurer que le matériel de NE n’est pas réutilisé d’un jour sur l’autre ;
→ apporter de l’eau avant de passer le mélange ;
→ préférer un mélange nutritif hypo-osmolaire (310 mosml/l) ;
→ la prescription de ralentisseurs du transit intestinal (Imodium…) et/ou d’un régime riche en fibres solubles alimentaires peut être nécessaire ;
→ les solutions nutritives étant assez pauvres en sodium, cela peut favoriser la diminution de l’absorption de l’eau et être à l’origine d’une diarrhée. En l’absence de contre-indication, une supplémentation en chlorure de sodium dans l’eau d’hydratation (2 g NaCl dans 500 ml d’eau) peut être utile ;
→ en l’absence d’efficacité des mesures prises, arrêter la NE et rechercher une autre cause de diarrhée (coproculture, pathologie sous-jacente…).
Elle repose sur le respect des règles d’initiation et d’utilisation de la NE :
→ respect des règles d’hygiène (mains, plan de travail) ;
→ les produits nutritifs sont stockés et administrés à température ambiante (18-25 °C) ;
→ un mélange nutritif ne doit pas rester branché plus de vingt-quatre heures et toute poche entamée doit être jetée au plus tard 24 heures après son ouverture ;
→ les tubulures sont changées quotidiennement ;
→ la NE est débutée avec un faible volume (500 ml) et un faible débit (50 ml/h) ;
→ la NE est augmentée progressivement par palier de 10 à 20 ml/h en fonction de la tolérance digestive (nausées, vomissements, régurgitations, douleurs abdominales et diarrhée) ;
→ le débit d’administration est régulier et contrôlé à l’aide d’une pompe régulatrice de débit ;
→ en cas d’arrêt de la NE (pour examen, transport, chirurgie…), l’augmentation du débit pour compenser le retard d’administration représente un risque accru de diarrhée.
En nutrition entérale, on parle généralement de constipation quand une personne émet moins de trois selles par semaine.
Une constipation est possible en cas de :
→ surdosage en ralentisseurs du transit intestinal ;
→ prise de morphiniques ;
→ activité physique insuffisante ;
→ déshydratation ;
→ régime strictement sans fibre (produits sans résidus).
→ Maintenir une hydratation satisfaisante, augmenter l’apport hydrique quotidien (sauf contre-indication).
→ Combattre l’immobilité en proposant au patient d’essayer de se lever et de marcher pour favoriser le transit intestinal lorsque cela est possible.
→ Demander l’avis du prescripteur pour un régime riche en fibres (insolubles).
→ Prodiguer des conseils hygiéno-diététiques : apports d’eau d’Hépar, de jus de pruneaux…
Ces effets peuvent régresser en ajoutant de l’eau, en ralentissant le débit, en changeant de produit. L’utilisation de prokinétiques est efficace si les symptômes sont dus à un ralentissement de l’évacuation gastrique (gastroparésie), plus fréquent en cas de diabète, d’atteintes neurologiques et plus généralement en période de stress sévère.
→ Contrôler la vitesse d’administration.
→ Veiller à ne pas administrer d’air lors des manipulations.
→ S’assurer de la température de l’eau administrée (pas trop froide).
→ Vérifier l’absence de constipation (assez souvent associée).
C’est une pneumopathie causée par le passage accidentel du contenu gastrique dans la trachée et les bronches, appelée “syndrome de Mendelson” ou “syndrome d’inhalation bronchique”. C’est la complication la plus grave de la NE car elle peut entraîner le décès du patient. Le risque est identique avec une sonde naso-gastrique ou une gastrostomie.
L’inhalation du liquide gastrique peut :
→ déclencher une pneumopathie (dite “chimique”) causée par l’action de l’acide chlorhydrique et des enzymes du suc gastrique sur le parenchyme pulmonaire (20 à 30 ml de liquide gastrique acide suffisent) ;
→ provoquer une asphyxie aiguë par obstruction bronchique en présence de débris alimentaires dans le liquide gastrique ;
→ entraîner une surinfection secondaire dans les heures suivant l’inhalation, des pneumopathies de nature chimique ou infectieuse si le liquide gastrique contient des germes pathogènes.
→ Antécédent d’inhalation.
→ Altération de la conscience.
→ Maladie neurologique ou neuro-musculaire avec anomalies structurelles du tractus aéro-digestif.
→ Intubation trachéale.
→ Vomissements.
→ Volumes résiduels gastriques restant supérieurs à 150 ml à 16 heures.
→ Position allongée stricte prolongée.
→ Mobilisation du patient alité dans la continuité de sa nutrition (exemple : toilette au lit).
→ Nutrition par bolus.
→ Chirurgie ou traumatisme abdominal ou thoracique.
→ Gastroparésie (diabète, hyperglycémie, troubles électrolytiques, maladies neurologiques).
→ Mauvais état buccal.
→ Âge avancé.
→ Sonde naso-gastrique de diamètre élevé.
→ Sonde mal positionnée.
→ Transport, toilette, kinésithérapie.
→ Maintenir une position semi assise ou assise (30 à 45°) pendant la nutrition et pendant une heure après la fin du passage du mélange.
→ Vérification fréquente de la sonde et de sa fixation (possibilité de marquer la sonde).
→ Adaptation du débit en fonction de la tolérance de chaque patient.
→ Si des symptômes de type nausées, vomissements, ballonnements surviennent en début de NE, avertir le prestataire ou le service prescripteur car il faudrait vérifier le contenu gastrique (lire l’encadré ci-dessus).
→ Devant toute régurgitation avec inhalation, arrêter la NE qui ne sera reprise qu’après avis médical.
Plus rares que lors d’une nutrition parentérale, des complications métaboliques sont possibles en NE et justifient une surveillance biologique.
→ Dénutrition sévère.
→ Sujet âgé.
→ Nutrition entérale de longue durée.
→ Hypo- ou hyperglycémie, troubles de la tolérance glucidique (lire ci-après).
→ Hyponatrémie au cours d’alimentation prolongée (plus de six mois) par carence d’apports.
→ Carences vitaminiques ou en sels minéraux, surtout en cas d’alimentation de moins de 1 500 ml par jour ou de pathologie hypercatabolique associée.
→ Suivi de l’efficacité de la nutrition : albumine tous les mois. « La préalbumine est plus réactive que l’albumine, mais chez des patients qui ont souvent une CRP élevée, ces deux marqueurs ne sont plus interprétables », précise Reynald Étienne, diététicien à l’hôpital Forcilles à Férolles-Attilly (Seine-et-Marne).
→ Suivi de la tolérance de la nutrition : ionogramme sanguin, créatinine, plus, si NEAD exclusive, bilan martial, vitamine D (dosage 25-OHD3).
Les situations d’hyperglycémies en NE peuvent être dues à un diabète ou à une hyperglycémie de stress en cas de pathologique aiguë compliquée. La prise en charge du patient consiste à maintenir des apports nutritionnels suffisants et à traiter l’hyperglycémie en regard de ces apports. « Classiquement, chez un patient diabétique, la nutrition entérale est réalisée avec des mélanges nutritifs non spécifiques, et la glycémie est équilibrée par le traitement médicamenteux. Ce n’est qu’en cas de difficulté à équilibrer la glycémie que seront introduits des mélanges spécifiques, pauvres en glucides, mais surtout enrichis de certaines fibres qui contribuent à l’obtention d’un équilibre spécifique [Sondalis G (Nestlé), Novasource diabet (Novartis)] », indique Murielle Creste, diététicienne dans l’équipe de nutrition entérale à domicile de l’hôpital Forcilles à Férolles-Attilly (Seine-et-Marne). Les fibres solubles (dans l’eau) présentent l’avantage de ralentir l’absorption des glucides et donc de freiner la montée de la glycémie. Elles contribuent au contrôle de la glycémie.
Les modalités du traitement par insuline sont adaptées au cas par cas sur la base de deux principes :
→ faire coïncider la durée d’action de l’insuline et la durée du passage du mélange nutritif ;
→ fractionner la dose d’insuline en plusieurs injections et faire une injection avant chaque branchement de poche de nutrition.
Avec pour objectifs :
→ d’éviter que l’insuline injectée ne couvre les besoins de plusieurs poches de nutrition car, si retard ou arrêt de la nutrition, il y a un risque d’hypoglycémie qui peut être difficile à gérer si la voie orale n’est pas utilisable ;
→ d’être plus efficace et faciliter l’adaptation des doses d’insuline.
Pourquoi me prescrit-on des fibres contre la diarrhée alors qu’on m’en a prescrits il y a peu pour la constipation ?
Parce que, dans l’eau, les fibres solubles deviennent visqueuses au contact des liquides, facilitent le glissement des résidus, stimulent moins le transit digestif, réduisent les inconforts digestifs et préviennent les diarrhées tout en favorisant l’équilibre de la flore intestinale. Et que les fibres insolubles dans l’eau préviennent la constipation en absorbant beaucoup d’eau, ce qui augmente le volume des selles et stimule les contractions de l’intestin.
La surveillance de la nutrition entérale à domicile est essentielle pour prévenir et prendre en charge les complications, mais également pour adapter l’apport nutritionnel à l’évolution de l’état du patient. Cette surveillance concerne tous les acteurs de la NE à domicile :
→ le patient et son entourage par l’éducation, les consignes et les procédures données par le service prescripteur, le prestataire de service à domicile et l’infirmière libérale ;
→ le prestataire de service qui assure un suivi nutritionnel régulier par un diététicien, et adresse un compte rendu de suivi aux médecin traitant et prescripteur ;
→ le médecin traitant qui assure le suivi médical et qui apprécie la nécessité ou non d’une hospitalisation en cas de complications ;
→ l’infirmière libérale qui administre la nutrition entérale à domicile le cas échéant et qui transmet les éventuels problèmes rencontrés à domicile au prestataire de service ou aux médecin traitant et prescripteur ;
→ le médecin prescripteur qui demeure le responsable de la nutrition entérale à domicile, des adaptations nutritionnelles nécessaires ainsi que de la prise en charge des éventuelles complications à partir des rapports réguliers des partenaires de santé.
Nausées, vomissements, ballonnements en début de NE peuvent être les signes d’une intolérance digestive haute
* L’intolérance digestive basse se manifeste essentiellement par une diarrhée.