ENQUÊTE > À la demande de l’ARS Nord-Pas-de-Calais, ont été mis en place deux Ssiad de nuit. Un projet inutile selon l’URPS-infirmiers, qui rend publics les résultats d’un questionnaire auquel ont répondu 162 Idels.
L’Agence régionale de santé (ARS) Nord-Pas-de-Calais a mis en place un dispositif expérimental afin d’accompagner, la nuit, à domicile, les personnes âgées de plus de 60 ans ou handicapées de moins de 60 ans. « Car, si l’offre de services infirmiers et de soins à domicile en journée couvre l’ensemble de la région, (…) la prise en charge au domicile la nuit, fait défaut », peut-on lire dans l’appel à projet de 2014 de l’ARS visant les territoires de Béthune-Bruay et du Valenciennois-Quercitain. Depuis le mois de juin, ces services de nuit couvrent une amplitude horaire non couverte par les Ssiad (Services de soins infirmiers à domicile) et proposent quarante places de nuit.
Armand Devignes, président de l’URPS (Union régionale des professionnels de santé)-infirmiers, juge le projet inutile. « En tant que représentant syndical, s’il avait fallu répondre à un besoin nouveau, je l’aurais su. ». Il s’appuie sur une étude réalisée par l’URPS en 2015, et récemment rendue publique, auprès des 706 Idels des deux secteurs concernés, sur les besoins de services infirmiers de nuit. 162 Idels y ont pris part. 91 % des sondées disent assurer la continuité des soins la nuit entre 20 heures et 8 heures. Et 95 % déclarent être joignables la nuit.
Responsable du Ssiad Béthanie (Valenciennois), Valérie Gosselin rétorque n’avoir fait que répondre à une demande de l’ARS. « Si vingt places de nuit ont été créées dans notre secteur, c’est qu’il y avait des besoins. Notre travail vient en soutien et en coordination des libéraux qui nous contactent parfois. Nos salariés peuvent les remplacer lorsqu’ils ne travaillent pas. » Six infirmières ont été engagées afin d’assurer les soins à domicile de 20 heures à 6 heures du matin. « Le nombre de prises en charge par nuit est très fluctuant, mais nous sommes déjà arrivés à dix », indique cette responsable. 95 % des Idels qui ont répondu à l’enquête de l’URPS affirment, de leur côté, que la « couverture infirmière ne fait pas défaut sur le territoire ». Les appels entre 20 heures et 6 heures sont très rares selon elles. 50 % d’entre elles affirment n’être contactées que trois fois par an et un tiers d’entre elles ne l’avoir jamais été. « Créer des places de Ssiad de nuit, c’est de l’argent gaspillé, ce n’est pas viable », en déduit Armand Devignes. « L’expérience s’inspire de la création de Ssiad de nuit à Paris où la réalité est très différente. » Ce que Valérie Gosselin confirme. « Nous ne sommes pas Paris, c’est l’expérience de terrain qui a déterminé nos pratiques et nous nous sommes adaptés aux demandes de l’ARS. » À l’heure de notre bouclage, celle-ci n’avait pas répondu à nos demandes d’interviews.
Alors que les Idels prennent en charge leur patient sur 24 heures, qu’en est-il du traitement des patients relevant du Ssiad de nuit le jour venu ? Selon Armand Devignes, « il n’existe aucune personne n’ayant besoin que de soins de nuit. Nous avons avancé cet argument à l’ARS, mais il était trop tard ».
C’est donc contre le principe “d’inutilité” du projet que s’insurge l’URPS. Pour Valérie Gosselin, l’essentiel est de sécuriser le parcours du patient de retour d’hospitalisation et cette approche se fait sans accrochage, en lien avec les Idels de son territoire. L’ARS prévoit une évaluation annuelle de ce projet expérimental.