L'infirmière Libérale Magazine n° 323 du 01/03/2016

 

PROFESSION

Actualité

Françoise Vlaemÿnck  

HAD > Sans attendre la fin des discussions nationales sur la révision de l’accord-cadre de 2008 entre syndicats infirmiers et Fédération de l’hospitalisation à domicile, l’HAD Mutualiste de Franche-Comté pose ses propres conditions de collaboration aux Idels de la région.

À compter du 1er février, les rémunérations des infirmiers libéraux intervenant pour l’HAD Mutualiste en Franche-Comté seront établies selon la Nomenclature générale des actes infirmiers, incluant la dégressivité des actes. (…) Comme aujourd’hui, les actes liés à la coordination des soins ne seront pas facturables. » Sans attendre la fin des négociations entre la Fnehad (Fédération nationale des établissements d’hospitalisation à domicile) et les syndicats de la profession qui ont débuté en 2014, l’HAD Mutualiste de Franche-Comté, qui a renouvelé il y a peu son adhésion à la Fnehad, a décidé de fixer ses conditions de collaboration aux Idels de la région dans une lettre adressée le 4 janvier à l’URPS (Union régionale des professionnels de santé)-infirmiers de Franche-Comté.

« Manque à gagner sans doute très élevé »

« Ce qui émerge en Franche-Comté peut devenir un problème national et on ne peut pas accepter, surtout dans le cadre de l’HAD, que les règles soient différentes d’une région à l’autre à coups de petits accords locaux », estime Philippe Tisserand, président de la Fédération nationale des infirmiers (FNI). Et de préciser : « En 2008, la Fnehad et les syndicats ont signé un accord-cadre dont les conditions étaient très acceptables pour les Idels qui collaboraient au sein de ces structures. Il faut souligner qu’à l’époque, la Fnehad avait besoin de s’appuyer largement sur la disponibilité, la flexibilité et la productivité des Idels pour développer cette activité. Aujourd’hui, alors qu’elle est en position de force dans le secteur de l’HAD, la Fédération fait marche arrière et dénonce unilatéralement cet accord, arguant que les Idels coûtent trop cher ! » « Nous avons alerté toutes les Idels de Franche-Comté et de Bourgogne, puisqu’à terme nous ferons partie de la même région. Il est difficile d’évaluer aujourd’hui l’impact d’une telle mesure mais, pour les cabinets qui font beaucoup d’HAD, le manque à gagner pourra sans doute être très élevé, notamment lorsque les patients réclament plusieurs passages par jour. Dans ce cas, ça peut même devenir un gouffre de les prendre en charge », explique Nicolas Schinkel, de l’URPS-infirmiers Franche-Comté.

« Refuser les prises en charge »

Rappelons que la dégressivité des actes prévoit une prise en charge à 100 % pour le premier passage, 50 % pour le second et aucune au-delà, alors que l’accord-cadre de 2008 permettait de déroger à ce mode de calcul.

Pour Philippe Tisserand, « à défaut d’avoir une règle du jeu fixant les modalités de collaboration et de rémunération avec les HAD au niveau national, chaque Idel devra négocier ses conditions d’intervention dans le cadre d’un contrat sous seing privé avec les structures. Ainsi, dès lors que les conditions ne conviennent pas, nous les encourageons à refuser les prises en charge ».

« Le beurre et l’argent du beurre »

De son côté, la Fnehad se défend de toute pression. « Je m’en tiens aux faits, déclare Élisabeth Hubert, présidente de la Fédération. Il y a dix-huit mois, nous avons pris l’initiative de convier les syndicats signataires de la convention de 2008 afin d’entamer sa révision car l’environnement qui avait présidé à sa signature n’était plus du tout le même en 2014. D’une part, la nomenclature infirmière avait beaucoup évolué, notamment avec la forfaitisation des perfusions ; et, d’autre part, la non-application de la dégressivité des actes, qui existe dans la nomenclature, n’avait plus lieu d’être puisque l’allégement des cotisations sociales, environ 10 %, peut désormais s’appliquer dans le cadre d’une collaboration avec une HAD ou un service de soins infirmiers à domicile, ce qui était impossible auparavant. Aucun syndicat n’a d’ailleurs jamais contesté cette réalité. » Bref, pour la Fnehad, il n’est pas envisageable de faire coexister les deux dispositifs. « On ne peut pas avoir le beurre et l’argent du beurre », résume Élisabeth Hubert.

Très peu de conflits selon le nouvel observatoire

Pour Annick Touba, présidente du Syndicat national des infirmières et infirmiers libéraux, si les discussions autour d’un nouvel accord-cadre sont au point mort, la faute incombe à la Fédération nationale infirmière et à Convergence infirmière qui ont quitté la table des négociations il y a plusieurs mois(1). « Nous avons fait le choix, tout comme l’Organisation nationale des syndicats d’infirmiers libéraux [Onsil], d’y demeurer et de participer notamment à un observatoire pour faire remonter du terrain les difficultés et les conflits qui pourraient se faire jour entre des Idels et des HAD. Pour l’heure, il y a en très peu, et les problèmes portent exclusivement sur des désaccords de cotation d’actes et les majorations de coordination infirmière. Les HAD estiment qu’elles s’en chargent ; nous, nous pensons que la coordination est, au moins, partagée. »

Dans une mise au point publiée sur son site(2), l’Onsil précise que participer à cet observatoire paritaire ne signifie par faire allégeance à la Fnehad. Pour autant que la situation paraisse crispée entre les partenaires, tout dialogue n’est pas rompu. La présidente de la Fnehad espère ainsi qu’un nouveau round de discussions s’ouvre après les élections aux URPS le 11 avril.

(1) Sur le sujet, lire aussi “Un contrat controversé”, p. 10, dans notre numéro 317 de septembre 2015.

(2) Sur son site créé pour les élections URPS (lien raccourci vers l’article : bit.ly/20WvuUh).