L'infirmière Libérale Magazine n° 323 du 01/03/2016

 

CÔTES-D’ARMOR

Initiatives

Laure Martin  

Depuis un peu plus d’une dizaine d’années, Johnny Imenez, infirmier libéral à Plourhan, est également entraîneur de roller de course de vitesse au sein d’un club. Il accompagne les sportifs en compétition dans toute la France et en Europe.

« Plie tes genoux et fais des patinettes à droite, lance Johnny à l’attention de Léa, une apprentie patineuse de 7 ans. Concentre-toi sur tes appuis et sur la position de tes patins ! » L’entraînement a commencé depuis plusieurs minutes sur la piste extérieure de roller de course du club Roller Sud Goëlo, affilié à la Fédération française de roller sport. En ce lundi soir, un vent frais se faufile entre les mollets de la quinzaine de jeunes sportifs présents. Pas le temps de se refroidir, après un footing de dix minutes, ils enfilent leurs patins, leurs casques, des protections aux genoux et aux coudes pour certains, et c’est sur les conseils de Johnny et François, deux des trois entraîneurs de la section course, qu’ils s’élancent sur la piste. Derrière la barrière, quelques parents encouragent leurs enfants… Pour Johnny, c’est directement sur le terrain qu’il conseille deux de ses trois enfants, Julie, 17 ans, et Alexis, 19 ans. C’est d’ailleurs pour eux qu’il s’est mis au roller il y a un peu plus de dix ans. « Ma fille a débuté le patinage à 4 ans et mon fils à 5 ans. J’ai donc commencé à pratiquer en loisir, pour pouvoir en faire avec eux, puis en compétition. » Une chose en amenant une autre, il devient encadrant bénévole au sein du club. « Cela s’est passé assez rapidement. Les parents qui entraînaient avant moi voulaient arrêter cette fonction, alors j’ai pris le relais pour le groupe des enfants, deux fois par semaine, de 19 à 20 h 30. »

Doublement breveté

Comme il ne s’engage pas à moitié, Johnny décide de passer son Brevet d’initiateur fédéral pour pouvoir enseigner les bases du roller, puis son Brevet d’entraîneur fédéral premier niveau spécifique à la course. Entre-temps, il devient responsable de la section course en 2006, qui regroupe une trentaine de licenciés tous âges confondus, sur les 140 que compte le club. Au sein de la structure, les patineurs apprennent les bases de la discipline avec l’école de patinage pour enfants, la pratique artistique du roller ou encore la randonnée loisir ou sportive.

Dans la section course, Johnny, également vice-président du club, se concentre sur l’enseignement, à une quinzaine d’enfants de 6 à 13 ans environ, des bases du roller qu’il faut sans cesse perfectionner pour faire de la vitesse : technique de patinage, travail de renfort au niveau des chevilles, travail des carres (faces internes et externes des roues), mais aussi enseignement plus ludique avec des sauts et des slaloms, « afin d’éviter qu’ils ne s’ennuient ». À partir d’un certain niveau, généralement vers 11-12 ans, les enfants commencent à s’entraîner plus sérieusement avec des exercices spécifiques. « Et vers 14-15 ans, la préparation technique s’intensifie, avec par exemple du foncier l’hiver et du fractionné dès le mois de février, explique Johnny. La charge d’entraînement est beaucoup plus importante, pouvant aller jusqu’à six jours par semaine. » S’ajoute un travail personnel, à la maison, avec du renfort musculaire. Un entraîneur titulaire du Brevet d’État d’éducateur sportif assure la préparation des adolescents. « Mais, depuis cette année, nous organisons en même temps l’entraînement des enfants, des adolescents et des adultes, rapporte Johnny. Sinon, ils n’avaient jamais l’occasion de se côtoyer alors qu’ils font tous partis du groupe course. »

L’objectif des entraîneurs est d’amener un maximum d’enfants à la compétition. La saison se déroule de septembre à juillet avec des courses en salle, sur route et sur piste, et avec des courses d’élimination, à points et de vitesse. Johnny accompagne d’ailleurs ses patineurs dans toute la France et en Europe, pour participer à des compétitions nationales et internationales. « La première année, les petits ne participent qu’à des compétitions régionales avec un déplacement sur la journée, précise-t-il. Mais, à partir de 14 ans, les déplacements ont lieu sur plusieurs jours, à l’échelle nationale et européenne. » L’année dernière, le club a d’ailleurs participé à deux championnats d’Europe en Allemagne. « Mais nous n’imposons rien, rassure Johnny. Si la compétition ne plaît pas aux enfants mais qu’ils veulent tout de même faire du roller, ils s’orientent alors vers des randonnées sportives. » Johnny s’est lui aussi essayé à la compétition et a participé à deux championnats, « mais davantage pour le plaisir ». « Je préfère les randonnées sportives de six heures, les 24 heures rollers du Mans ou le Vannes Roller Marathon, ou encore d’autres marathons en rollers. » Une pratique qui n’est pas sans lui rappeler le cyclisme, qu’il a également pratiqué en compétition dans sa vingtaine.

Des puces pour la performance

En tant que responsable de la section course, Johnny s’occupe de toute la partie administrative pour la trentaine de licenciés, avec la validation des licences, des certificats médicaux, le prêt de matériel comme des cardiofréquencemètres ou des puces permettant aux patineurs de connaître leur performance. Il s’occupe également de la mise à jour du site Internet du club et des demandes de subventions pour les déplacements en compétitions. Et lors des départs en France et à l’étranger, il coordonne l’inscription des jeunes aux courses, les déplacements ou encore les hébergements.

Le club Roller Sud Goëlo est également organisateur d’événements. Depuis 2014, il dispose d’une piste extérieure pour le roller, homologuée pour les compétitions. « Avant, nous nous entraînions sur les routes, les parkings ou dans des salles, se rappelle l’entraîneur. Nous avons beaucoup démarché les collectivités et les sponsors pour la construction de notre piste. » Et pour son inauguration, le club a vu les choses en grand : l’organisation, en juillet 2014, des championnats de France sur piste de roller de vitesse. « Cela nous a demandé environ un an et demi de travail », souligne le vice-président. Recherche des subventions auprès du conseil régional, du conseil général, de la communauté de communes, coordination des 80?bénévoles, de l’hébergement pour les 500 patineurs toutes catégories confondues, organisation d’activités pour les 1 500 spectateurs, organisation des équipes de premiers secours, démarchage de la communication. « La médiatisation et la communication sont importantes pour faire connaître ce sport et essayer d’en faire une discipline olympique », soutient-il. Le club a également préparé un championnat de Bretagne et, cette année, c’est une compétition nationale sur deux jours qu’il organise le premier week-end du mois de juin. Si, pour le championnat, les concurrents doivent être présélectionnés, ce n’est pas le cas pour une compétition nationale, à laquelle tous les licenciés peuvent participer. « Nous ne savons donc pas précisément combien de personnes nous allons recevoir, ce qui peut compliquer l’organisation », fait savoir Johnny.

Construction d’une maison de soins pluridisciplinaires

Cet engagement au sein du club Roller Sud Goëlo lui prend beaucoup de temps. « Il m’arrive de rentrer de l’entraînement ou de ma tournée et de travailler jusqu’à minuit pour le club », indique-t-il. Quant aux entraînements, il y participe en parallèle de sa tournée. « J’ai deux collègues au sein du cabinet. Pour la tournée, nous avons un roulement sur trois semaines, qui se répète, explique l’infirmier. Je sais donc que toutes les trois semaines, je vais travailler le lundi et le vendredi. » Le club s’organise alors en conséquence pour l’entraînement des enfants. Et lors des déplacements pour les compétitions, Johnny fait appel à une remplaçante ou échange un week-end avec l’un de ses collègues. Cela fait quinze ans qu’il est infirmier libéral. Déjà très jeune, il savait qu’il travaillerait dans le milieu paramédical. Pourquoi ? « Peut-être parce qu’enfant, j’ai eu des problèmes de santé et que j’ai beaucoup côtoyé ces professionnels », confie-t-il, incertain. Le côté relationnel aussi l’a attiré. Surprenant de la part d’une personne plutôt sur la réserve. D’ailleurs, Johnny vouvoie tous ses patients. « Cela met une barrière entre eux et moi, à laquelle je tiens. » Avant d’être en libéral, il a travaillé dix ans en établissements hospitaliers en région parisienne, en service de réanimation adulte, puis pédiatrique. Mais « comme nos enfants grandissaient, nous avons souhaité quitter Paris pour avoir plus de calme ». Avec son épouse, également infirmière libérale, ils hésitent entre les Pays de la Loire et la Bretagne, d’où ils sont chacun originaire. Finalement, la Bretagne sort vainqueur. Après avoir travaillé au sein de deux autres cabinets, il rencontre, il y a cinq ans, les deux infirmiers avec qui il partage sa patientèle aujourd’hui. Et ce ne sont pas les projets qui manquent. « Nous créons actuellement une maison de soins pluridisciplinaires à Plourhan », rapporte Johnny. Les trois infirmiers ont rallié à leur cause une pédicure-podologue, une ostéopathe, une masseuse-kinésithérapeute et une orthophoniste. « Nous finançons la construction des locaux sur nos fonds propres », précise l’infirmier. Le permis de construire a été récemment validé, les travaux devraient donc commencer début 2016 pour une livraison en septembre prochain. « Nous avons deux locaux vides, nous voudrions les louer à des médecins ou à un autre professionnel de santé mais nous n’avons trouvé personne pour l’instant », regrette-t-il, en concluant que pourtant, pour eux, « le regroupement, c’est le futur de l’exercice des professions de santé ».