L'infirmière Libérale Magazine n° 323 du 01/03/2016

 

Urgence neurologique

Cahier de formation

LE POINT SUR

Maïtena Teknetzian  

Bien que spontanément résolutif, un accident ischémique transitoire (AIT) constitue une urgence diagnostique et thérapeutique afin de réduire le risque de récidive ou de constitution d’un accident vasculaire cérébral (AVC) ischémique.

Qu’est-ce que c’est ?

→ L’AIT est un épisode neurologique déficitaire de survenue brutale, provoqué par une ischémie focale et transitoire du cerveau ou de la rétine. Dans le cas d’un AIT, contrairement à un AVC ischémique constitué, l’occlusion vasculaire est de très brève durée et la souffrance ischémique trop courte pour entraîner un infarctus cérébral. Les signes cliniques régressent donc rapidement.

→ L’AIT se manifeste par des troubles moteurs, sensitifs, visuels, ou encore par des troubles du langage, qui perdurent typiquement moins d’une heure et sont spontanément résolutifs.

→ C’est une véritable urgence neurologique du fait des risques élevés de récidive ou de survenue d’AVC ischémique.

→ Les AIT représentent 10 % de l’ensemble des AVC.

→ La prévalence augmente avec l’âge (75 % des AIT surviennent chez les sujets de plus de 65 ans), les hommes étant davantage concernés que les femmes (trois hommes pour deux femmes).

Quelles sont les étiologies ?

→ Les trois principales causes sont l’athérosclérose, les cardiopathies pourvoyeuses d’embolie (comme la fibrillation auriculaire en particulier, mais aussi les pathologies valvulaires) qui représentent 20 % des cas, ainsi que les maladies des petites artères cérébrales, responsables de “lacunes” (petits infarctus profonds).

→ Les facteurs de risque sont donc ceux de l’athérosclérose : principalement l’âge et l’hypertension artérielle, mais aussi l’hypercholestérolémie, le diabète, le tabagisme et l’obésité, ainsi que la contraception œstro-progestative (surtout si associée au tabagisme).

Comment est posé le diagnostic ?

→ Les signes cliniques étant spontanément résolutifs en moins d’une heure, l’examen neurologique est la plupart du temps normal au moment de la consultation. Le diagnostic est donc rétrospectif et essentiellement basé sur l’anamnèse. L’interrogatoire vise à rechercher des signes évocateurs d’ischémie cérébrale : bouche ou sourire asymétriques, impossibilité ou difficulté à bouger un membre, troubles de la parole, perte de la vision, céphalée intense, troubles de l’équilibre sans vertige.

→ L’IRM est l’examen de première intention. L’image, normale en cas d’AIT, permet d’exclure un AVC hémorragique. Une angiographie par résonance magnétique ou un angioscanner peuvent aussi être utiles pour évaluer les artères, déterminer la cause et apprécier le risque de récidive.

→ Le bilan étiologique comprend également un Holter-ECG (électrocardiogramme sur une journée) à la recherche d’arythmie et une échographie cardiaque afin de rechercher une cardiopathie emboligène, ainsi qu’un écho-doppler des artères cervicales pour détecter des plaques d’athérome.

→ La glycémie est dosée, un bilan lipidique pratiqué et l’hémostase explorée, afin d’identifier d’éventuels facteurs de risque.

Quel est le traitement ?

L’AIT est une urgence thérapeutique afin de prévenir la survenue d’un AVC ischémique. L’objectif du traitement est de réduire le risque cardiovasculaire global.

Traitement antithrombotique

→ En cas d’AIT d’origine athéromateuse ou dû à une maladie des petites artères, un traitement antiagrégant plaquettaire est instauré et prescrit à vie. L’aspirine à faible dose (75 à 325 mg/j) constitue le traitement de première intention. En cas de contre-indications aux AINS - anti-inflammatoires non stéroïdiens - (allergie, antécédent d’ulcère gastrique), le clopidogrel (75 mg/j) est une alternative.

→ Si l’AIT est lié à une fibrillation auriculaire, un anticoagulant oral est indiqué : les antivitamines K (AVK) seront utilisés en première intention, et les anticoagulants oraux directs (rivaroxaban, apixaban, dabigatran) en deuxième intention, chez des patients pour lesquels l’INR est difficile à équilibrer ou en cas d’intolérance aux AVK*.

→ En cas de valvulopathies, le traitement antithrombotique fera appel à un antiagrégant plaquettaire ou à un AVK. Chez les patients porteurs de prothèses valvulaires mécaniques, les AVK sont les seuls anticoagulants oraux pouvant être prescrits.

Autres traitements médicamenteux

→ Les facteurs de risque cardiovasculaire doivent être contrôlés et un traitement anti-hypertenseur, hypocholestérolémiant et/ou antidiabétique seront mis en place si besoin.

→ L’objectif tensionnel est d’obtenir une pression strictement inférieure à 140-90 mm Hg. Cet objectif est à moduler en fonction de l’âge du patient et des comorbidités : selon les recommandations de janvier 2013 de la Société française d’hypertension artérielle, des objectifs plus ambitieux peuvent être proposés chez certains patients (après avis spécialisé) et, chez le sujet de plus de 80 ans, l’objectif est une pression systolique strictement inférieure à 150 mm Hg, en l’absence d’hypotension orthostatique. Les traitements recommandés en première intention sont les diurétiques thiazidiques, les inhibiteurs de l’enzyme de conversion (IEC) et les dihydropyridines. Les autres classes d’anti-hypertenseurs peuvent être choisies en fonction des comorbidités associées et de la tolérance aux autres molécules. Les IEC sont spécialement indiqués en cas de microalbuminurie en raison de leur effet néphroprotecteur.

→ Un traitement par statine est recommandé en cas d’AIT non cardioembolique avec un taux de LDL (lipoprotéines de basse densité)-cholestérol supérieur ou égal à 1 g/L, ainsi que chez les patients diabétiques ou ayant un antécédent coronarien, quel que soit le taux de LDL-cholestérol. L’objectif est d’abaisser le taux de LDL-cholestérol strictement en-dessous de 1 g/L (< 2,6 mmol/L).

→ Un contrôle glycémique strict est conseillé avec pour objectif une hémoglobine glyquée inférieure ou égale à 8 % chez les diabétiques de type 2 avec un AIT de moins de six mois, et inférieure ou égale à 7 % si l’AIT est plus ancien. Ces objectifs seront adaptés selon le patient.

Mesures hygiéno-diététiques

→ L’éducation thérapeutique fait partie de la prévention secondaire après un AIT.

→ L’arrêt du tabac est recommandé, ainsi que l’éviction du tabagisme autour du patient.

→ Les apports en sel doivent être limités à 6 g/j. En cas de traitement anti-hypertenseur, encourager l’automesure tensionnelle pour favoriser l’observance du traitement.

→ En cas de surcharge pondérale, préconiser la perte de poids.

→ Manger des fruits et des légumes et éviter la consommation de graisses saturées.

→ Recommander la réduction (voire l’arrêt) de la consommation d’alcool chez les hommes buvant plus de trois verres par jour et chez les femmes buvant plus de deux verres par jour.

→ Encourager la pratique d’une activité physique régulière.

* Selon la dernière mise à jour de la Haute Autorité de santé concernant la “Prévention vasculaire après un infarctus cérébral ou un AIT”, datant de février 2015 (lien raccourci : bit.ly/23UgD0Z).

L’auteur déclare ne pas avoir de lien d’intérêts.

Infos clés

→ La régression spontanée des symptômes ne doit pas rassurer et être assimilée à tort à un caractère bénin : toute suspicion d’AIT nécessite d’appeler le Samu pour une prise en charge hospitalière en urgence, en raison du risque de constitution d’un AVC ischémique.

→ Il est recommandé de ne pas attendre une consultation chez son médecin trai-tant, ni même de se rendre soi-même aux urgences, pour ne pas perdre de temps et ne pas différer la prise en charge.

→ Par la suite, le patient devra signaler son AIT à tout prescripteur potentiel, car certains médicaments sont contre-indiqués en cas d’antécédents ischémiques : œstro-progestatifs, traitement hormonal substitutif de la ménopause, vasoconstricteurs, anti-inflammatoires de type coxib…