Cahier de formation
Savoir faire
Mme V. est en traitement pour un cancer ORL. Elle est dénutrie et une alimentation entérale “rapide” lui a été prescrite par sonde naso-gastrique en vue d’une intervention chirurgicale à venir. Elle se plaint d’une douleur au niveau du nez et vous demande s’il est possible d’éviter ce type de nutrition.
Vous lui expliquez que l’alimentation par sonde naso- gastrique est recommandée pour les nutritions entérales inférieures à un mois. Ce qui est son cas. Vous la rassurez en lui disant qu’il existe d’autres moyens d’apporter une alimentation entérale sans passer par le nez au cas où cette technique poserait trop de problèmes ; mais que, dans un premier temps, il est préférable d’essayer de régler ces désagréments.
→ Les sondes en silicone sont préférées pour leur souplesse, leur très bonne tolérance (matériau biocompatible) et leur inertie chimique très importante. Le rinçage est important à cause des petites irrégularités à l’intérieur de la sonde. Les sondes en silicone peuvent être maintenues en place jusqu’à quatre semaines.
→ Les sondes en polyuréthane (PUR), matériau biocompatible de référence après le silicone, sont également très bien tolérées et souples (moins que le silicone). Elles ont le meilleur rapport calibre interne/externe et leur surface interne lisse n’occasionne pas d’adhérence. Leur résistance face à l’acidité digestive permet une durée d’utilisation jusqu’à quatre semaines.
→ Les sondes en PVC (polychlorure de vinyle) ne sont pas indiquées pour la nutrition entérale. Elles sont assez rigides et rapidement dégradées par l’acidité digestive.
La longueur, de 120 à 125 cm, peut varier de 80 cm pour une sonde gastrique à 150 cm pour une sonde jéjunale.
La charrière est le diamètre externe de la sonde, une Charrière (CH), ou un French (Fr), abréviation de French Gauge (FG), est égale à 1/3 mm. Les recommandations chez l’adulte sont de 10 à 12 CH, sachant que :
→ plus la charrière est petite, mieux la sonde est tolérée, mais plus grand est le risque de mauvais positionnement et d’obstruction ;
→ une charrière plus importante facilite le passage des médicaments ;
→ pour une même charrière, une sonde en PUR a un plus gros calibre interne que le silicone.
« Depuis l’automne 2015, une nouvelle norme appelée ENFit se met progressivement en place pour les connexions des tubulures et sondes de nutrition entérale. La généralisation des connecteurs ENFit est attendue pour le deuxième trimestre 2016, souligne Tania Palmieri, directrice de la prestation nutrition chez Orkyn’, prestataire de santé à domicile. Ce nouveau système de connexion entéral par vissage est d’un calibre supérieur à celui des connecteurs Luer-Lock. Il permet de prévenir les risques de déconnexion accidentelles et les erreurs de connexion avec des systèmes non entéraux tels que les systèmes intraveineux. » À terme, les connecteurs ENFit équiperont :
→ les connecteurs à l’extrémité patient du système de transfert ;
→ les connecteurs de la sonde de nutrition ;
→ les robinets à trois voies/l’embranchement pour injection ;
→ les seringues entérales.
À titre d’illustration, « durant cette phase de transition, les diététiciennes d’Orkyn’ fournissent aux infirmières libérales des adaptateurs qui permettent de connecter les systèmes ENFit aux autres connecteurs [ENLock, Luer-Lock…] », précise Tania Palmieri.
→ Contre-indications et non-indications de la NE elle-même.
→ Obstacle organique ou fonctionnel des voies aérodigestives.
→ Altération des voies digestivenotamment après ingestion de caustiques (dans certains cas, la NE reste possible en dessous de la partie du tube digestif lésé).
→ Traumatisme crâniofacial.
Troubles de la conscience et/ou de la déglutition.
Le changement d’une SNG peut être effectué par une infirmière, habilitée à poser une sonde gastrique en vue d’une alimentation gastrique sur prescription médicale (article R 4311-7 du Code de la santé publique). C’est un geste simple mais qui nécessite une certaine maîtrise car susceptible d’entraîner des complications chez tout patient et plus particulièrement en présence de troubles de la déglutition et/ou de la vigilance. En pratique, les SNG ayant une durée d’utilisation d’un mois, les changements de sonde ne concernent normalement que les nutritions supérieures à un mois. Lorsque le changement de sonde est nécessaire et que l’infirmière libérale n’est pas à l’aise avec la technique de pose de SNG, le patient est orienté vers le service hospitalier qui a posé la première sonde. La technique de pose ne sera pas développée dans ce dossier (lire Savoir plus p. 53).
Ils visent à assurer une bonne hygiène buccale et donc éviter la sécheresse des muqueuses par :
→ l’inspection quotidienne de la muqueuse buccale, qui doit être rosée et humide ;
→ la réalisation fréquente (plusieurs fois par jour) des soins de bouche et de la langue ;
→ le brossage des dents ;
→ le rinçage de la bouche avec une solution antiseptique ;
→ la lubrification des lèvres (lubrifiant à base d’eau) ;
→ le maintien des apports hydriques par la bouche chaque fois que cela est possible ;
→ l’utilisation éventuelle d’un substitut de salive ;
→ l’encouragement du patient à respirer par le nez.
Instiller du sérum physiologique dans la narine et laver le nez à l’eau et au savon. Le dispositif de fixation doit être changé systématiquement en cas de souillure, décollement, inconfort, arrachement accidentel. En dehors de ces situations, le changement peut être effectué à une fréquence déterminée ou à la demande du patient.
→ Réaliser les soins d’hygiène locaux quotidiennement.
→ Modifier si possible l’emplacement de la fixation de la sonde afin de déplacer les zones de pression entre la narine et la sonde (ou envisager un changement de narine).
→ Dépister la survenue d’une escarre par la surveillance de l’aile du nez, de la narine et de la muqueuse nasale, pour repérer l’apparition d’une rougeur, d’une érosion cutanée ou d’une douleur, imposant de changer la sonde de narine.
→ Fixer efficacement la sonde, sans appui ou traction excessive, afin d’éviter un déplacement secondaire en recherchant à la fois efficacité, confort et esthétique.
→ Vérifier le repère qui a été fait sur la SNG au moment de sa pose avant toute utilisation. En cas de doute, prévenir le médecin prescripteur. Il est possible d’effectuer un contrôle du bon positionnement de la SNG en injectant de l’air dans la sonde tout en auscultant l’abdomen du patient avec un stéthoscope à la recherche d’un gargouillis, sachant qu’il existe un risque de faux positif…
→ Vérifier la bonne fixation de la sonde et son positionnement dans l’alignement de la narine pour éviter une compression du bord extérieur de l’aile du nez.
Installer le patient obligatoirement en position demi-assise (30° au moins) ou en proclive au lit pour éviter le risque de reflux gastro-œsophagien pendant l’administration de l’alimentation et dans les deux heures suivantes.
Le rinçage avant et après toute administration de nutrition ou de médicament permet de vérifier la perméabilité de la sonde et prévient son obstruction. Le rinçage se fait le plus souvent avec 20 à 60 ml d’eau (sauf indication contraire). Il peut être nécessaire de quantifier ces volumes en fonction de l’état clinique du patient.
Rinçage de la sonde par injection-aspiration d’au moins 10 ml d’eau tiède (ou bicarbonates 14 %, papaïne, cola…). Il est important d’utiliser une seringue d’au moins 50 ml, car une seringue plus petite risquerait de provoquer une rupture de la sonde, notamment si celle-ci est bouchée.
→ toux (qui peut-être le signe que la sonde s’est déplacée) ;
→ troubles respiratoires : polypnée, cyanose, respiration “barbotante” ;
→ vomissements, douleurs abdominales, régurgitations ;
→ diarrhée soudaine.
L’écrasement des comprimés ou l’ouverture pour les gélules est parfois inévitable, ce qui entraîne une modification de la forme pharmaceutique pouvant avoir des conséquences cliniques parfois graves pour le patient. Nombreux sont les médicaments qu’il vaut mieux ne pas écraser ou ne pas ouvrir et pour lesquels il faut chercher une autre solution (lire l’article “Situations à risques de iatrogénie” de L’Infirmière libérale magazine n° 303, mai 2014).
→ Ne rien ajouter directement dans la poche de nutrition.
→ Ne pas oublier de vérifier si le médicament en comprimé ne peut pas être remplacé par une autre forme buvable (liquide, sachet, comprimé effervescent, dispersible, suppositoire, voie transdermique) ou par un autre médicament.
→ De même, il est important de vérifier si le comprimé peut être écrasé ou coupé, ou si la gélule peut être ouverte (lire Savoir plus p. 53).
→ Ne pas écraser les comprimés à l’avance (certains principes actifs peuvent être instables à l’air et/ou à la lumière).
→ Ne pas écraser plusieurs comprimés en même temps.
→ Rincer la sonde de NE avant l’administration (20 ml), entre chaque médicament (5 ml) et après l’apport médicamenteux (20 ml).
→ Les connecteurs de norme ENFit se développent rapidement et des adapteurs sont parfois nécessaires pour connecter des systèmes différents. Ci-contre, connexion d’une sonde équipée en ENLock à une tubulure munie d’un connecteur ENFit.
→ Au cours de l’année 2016, tous les dispositifs de nutrition entérale seront peu à peu équipés de connecteurs ENFit.
Tania Palmieri, directrice de la prestation nutrition chez Orkyn’, prestataire de santé à domicile
« Les forfaits hebdomadaires de nutrition entérale prévoient une tubulure par jour. Dans le cas d’une alimentation discontinue, à la fin de chaque poche, l’embout proximal de la tubulure est recouvert de son capuchon transparent. La tubulure reste connectée à la poche vide suspendue au pied à sérum, soigneusement enroulée. Lors de la nutrition suivante, la tubulure est percutée sur la nouvelle poche et purgée de la valeur d’un tiers de verre pour chasser le contenu résiduel provenant de la poche précédente. »
Tania Palmieri, directrice de la prestation nutrition chez Orkyn’, prestataire de santé à domicile
« Lors d’une nutrition par gravité, le débit est régulé selon le principe du comptage de gouttes, sachant que le calcul admis en perfusion, 1 ml = 20 gouttes, ne s’applique pas dans ce cas, et que le débit sera variable en fonction de la viscosité du mélange nutritif. Or le débit est calculé à la mise en route de la NE, la poche étant positionnée 80 à 90 cm au-dessus de la sonde. En cas de changement de position du patient, le débit variera. L’éducation du patient et/ou de son entourage est indispensable pour veiller à ce que la nutrition ne passe pas en débit libre ou ne soit pas stoppée. C’est à domicile une difficulté qui peut justifier le passage à la nutrition par pompe si les problèmes de débit sont trop importants, et notamment si le patient ou l’entourage sont dans l’incapacité de gérer la nutrition. »
Murielle Creste, diététicienne dans l’équipede nutrition entérale à domicile de l’hôpital Forcilles à Férolles-Attilly (Seine-et-Marne)
« En début de nutrition, l’alimentation par des produits sans fibre directement au niveau du jéjunum permet d’éviter d’accélérer le transit. Il est possible par la suite d’utiliser toute la gamme des produits nutritifs comme pour une alimentation gastrique. Des mélanges avec fibres sont possibles car il peut y avoir des personnes constipées, même si elles sont nourries au niveau du jéjunum. La vitesse de passage de la nutrition au niveau jéjunal est en moyenne de 180 ml/h, inférieure à celle d’une alimentation gastrique, de l’ordre de 200-250 ml/h. »