L'infirmière Libérale Magazine n° 324 du 01/04/2016

 

PROFESSIONS DE SANTÉ

Actualité

Laure Martin  

INTERVIEW > Depuis août 2015, le Dr Ivane Audo, médecin généraliste à Lanester (Morbihan) et membre de la Fédération des médecins de France (FMF), facture des dépassements d’honoraires pour certaines consultations médicales en dehors du créneau horaire 9 heures-17 heures. Un moyen de revendication vis-à-vis de l’Assurance maladie.

Pourquoi avoir choisi d’appliquer des dépassements d’honoraires aux patients venant en consultation après 17 heures ?

Le choix des horaires est un clin d’œil à la caisse d’Assurance maladie. Et comme nous entrons dans l’année des négociations conventionnelles (lire l’encadré), il s’agit d’un moyen pour nous d’essayer d’obtenir une revalorisation de notre lettre clef, aujourd’hui à 23 euros. Car ce tarif n’est pas viable pour un cabinet, compte tenu des charges actuelles et de la longueur de certaines consultations. Une hausse du tarif nous permettrait d’embaucher des secrétaires, de réaménager les cabinets, de prendre plus de temps avec les patients et ainsi éviter la multiplication des actes afin de mieux gagner notre vie. Je suis en contact avec des confrères de plusieurs régions et notre mouvement s’étend.

Que pensent les patients de votre action ?

Dans mon cabinet, nous avons effectué un affichage en règle dans la salle d’attente. Nous parlons de la situation à nos patients depuis un an et demi. Et puis nous n’appliquons pas systématiquement le dépassement après 17 heures, uniquement pour exigence du patient, par exemple s’il vient pour une consultation longue après 17 heures alors qu’il aurait pu venir à 15 heures. Les patients en affection longue durée ne sont pas concernés et ceux qui ont la couverture maladie universelle rarement. Nous respectons le tact et la mesure puisque nos dépassements sont compris entre 3 et 10 euros, ce qui est encore loin du prix moyen européen de la consultation [45 euros selon la Fédération des médecins de France, NDLR]. Nous avons demandé à nos patients de bien regarder leur contrat de mutuelle car la plupart d’entre elles prennent en charge les dépassements. Pour le moment, notre CPAM ne nous dit trop rien. En revanche, elle a contacté certains de nos patients pour connaître la durée de nos consultations et le dépassement pratiqué, ce qui n’a pas plu à certains, ni à nous d’ailleurs.

Qu’en est-il des autres professionnels ? Pensez-vous qu’il faut une convergence des luttes ?

Nous sommes tous en train de nous faire avoir et, avec la nouvelle loi de santé, cela ne va pas aller en s’arrangeant. Nous voulons, avec notre action, faire bouger les consciences des patients et des soignants. Sur notre territoire, nous réfléchissons entre médecins, via le Collectif pour l’organisation et la défense du territoire de santé (CODTS), ainsi qu’avec les infirmières, les masseurs-kinésithérapeutes et les autres professionnels du territoire. Nous allons essayer de mettre en place un groupement libéral pour coordonner les professionnels libéraux. Nous ne voulons plus être gérés par le monde hospitalier et par l’Agence régionale de santé, avec un système dans lequel tout le monde est contraint. La situation pourrait bouger si tous les soignants se mobilisaient. Il faut que nous apprenions à mieux nous connaître, c’est important si nous voulons un mouvement solidaire entre toutes les professions de santé.

Les tarifs médicaux au cœurdes négociations en cours

Les discussions entre les cinq syndicats représentatifs des médecins libéraux (Confédération des syndicats médicaux français, FMF, Syndicat des médecins libéraux, MG?France, Le Bloc) et l’Assurance maladie ont débuté le 24?février. Ils ont jusqu’au 26?août pour trouver un nouvel accord conventionnel, qui se négocie tous les cinq ans. Les cinq syndicats représentatifs se sont mis d’accord sur les sujets les plus importants à négocier, retranscrits au sein d’une feuille de route commune. L’objectif principal porte sur la rémunération des médecins avec la volonté d’augmenter le tarif de base de la consultation, de 23 à 25 euros. La revalorisation des pratiques médicales fait aussi partie des objectifs de l’Assurance maladie dans ces négociations. Selon Le Quotidien du médecin du 24 mars, l’Assurance maladie a proposé de majorer les consultations longues et complexes, et d’autre partde « réaménager complètement les rémunérations forfaitaires actuelles au profit du médecin traitant ».