Cahier de formation
Savoir faire
Mme C., 50 ans, vit seuleà Paris avec son fils. Après une mastectomie des deux seins avec curage axillaire, elle a récemment fait le choix d’une reconstruction mammaire et opté pour la pose d’un implant mammaire avec sérum physiologique. Mais elle vous contacte horrifiée : le chirurgien lui a demandé de faire elle-même les pansements…
Vous lui conseillez d’appeler son médecin traitant pour discuter de la mise en place d’un soin infirmier. Les femmes qui s’engagent dans la reconstruction mammaire peuvent être perturbées par leur changement d’image, même si elles l’ont désiré.
Certaines femmes choisissent de porter une prothèse externe, avant d’opter éventuellement, dans un second temps, pour une reconstruction mammaire. Mais celle-ci, le plus souvent différée, peut aussi être immédiate, lors de la mastectomie
Le port d’une prothèse mammaire externe concerne 250 000 femmes environ en France. La décision d’y avoir recours dépend de différents facteurs comme les besoins, les désirs et le mode de vie, etc. En restaurant l’intégrité corporelle après une mastectomie, ces dispositifs médicaux ont un rôle à la fois psychologique et thérapeutique. Connaître les différents modèles, leurs spécificités et les conseils d’utilisation permet d’accompagner cette étape décisive.
Les prothèses mammaires externes sont des coussinets de forme et de texture variables destinés à restituer la masse volumique et/ou la forme du sein. Cees dispositifs médicaux sont principalement indiqués après mastectomie totale ou partielle dans le cadre du cancer du sein : ils peuvent être utilisés de façon définitive ou provisoire, en attendant la reconstruction mammaire
Légères, elles sont en textile (mousse ou coton souple) et se glissent directement dans le soutien-gorge habituel ou dans la poche des soutiens-gorge post-mastectomie.
→ Indications : juste après la mastectomie et/ou pendant les traitements de chimio/radiothérapie.
→ Intérêts : pour compenser la forme du sein, sans occasionner de frottement ni d’irritations.
Plus lourdes, ces prothèses sont composées de silicone enveloppée d’une couche protectrice de polyuréthane élastique.
→ Indications : dans un délai de deux ou trois mois après l’intervention chirurgicale pour respecter un temps de cicatrisation et la disparition de l’œdème.
→ Intérêts : elles compensent la forme et la masse volumique du sein opéré. Les objectifs sont à la fois thérapeutiques (pour retrouver un bon équilibre statique et une symétrie corporelle afin de prévenir les complications posturales comme des douleurs dorsales ou cervicales), esthétique (pour retrouver sa silhouette) et psychologique pour la reconstruction de l’image féminine.
→ Deux grands types : on distingue les prothèses permanentes “non solidaires” qui se glissent dans le soutien-gorge ou “solidaires” qui se fixent à même la peau, soit à l’aide d’une colle spécifique, soit via un support adhésif lui-même collé sur la peau.
Les prothèses, quel qu’en soit le type et la texture, se déclinent en modèles pleins (sein entier) ou partiels (on parle de prothèses “compléments”) de formes et de tailles variables pour combler une partie du sein en cas de mastectomie partielle.
Les prothèses permanentes ne sont indiquées qu’après traitements et cicatrisation complète (au moins huit semaines). Il est d’usage de commencer par une “non-solidaire” pour s’habituer à son port. Par la suite, le choix d’une prothèse solidaire ou non revient à la patiente selon ses attentes.
Les modèles se déclinent en différentes formes (ronds, triangulaires, asymétriques…) avec diverses formes de mamelons et selon plusieurs tailles pour restaurer au mieux la symétrie corporelle. Une palette de couleurs permet l’adaptation à chaque type de peau.
Certaines prothèses proposent des spécificités pour s’adapter aux attentes et situations individuelles :
→ les “lights” : les principales marques (Amoena, Anita, Silima de Thuasne…) déclinent les modèles en version allégée, avec réduction du poids d’en moyenne 35 % grâce à des densités variables de silicone. Elles sont recommandées pour la pratique d’activités physiques et les femmes qui souffrent d’un lymphoedème, de douleurs dorsales… :
→ à régulation de température : certains modèles intègrent des matériaux en fibre respirante ou des canaux de ventilation qui limitent l’éventuelle sensation de chaleur ou de moiteur ;
→ les douces : elles sont recouvertes d’un revêtement en microfibre douce pour limiter le risque d’irritation des peaux fragilisées ;
→ les “aquatiques” : elles sont particulièrement adaptées à la baignade/ natation grâce à un système de cannelures qui évacuent l’eau ou à une texture très légère pour éviter l’affaissement dans le maillot mouillé.
Il est important de choisir sa prothèse en prenant son temps, chez un professionnel formé (une obligation de formation est prévue prochainement : lire l’encadré page ci-contre), de se faire accompagner par un proche qui connaît la silhouette habituelle, de porter un vêtement moulant et d’essayer plusieurs modèles avant de faire son choix.
→ Nettoyer quotidiennement la prothèse avec de l’eau et un savon doux (pas de produits gras ni abrasifs) ou avec un nettoyant spécifique proposé par les fabricants. Laisser sécher à l’air libre et ranger pour la nuit dans l’étui protecteur fourni qui permet de conserver plus longtemps la forme initiale, dans un endroit tempéré, loin d’une source de chaleur.
→ Avant de placer une prothèse adhérente, nettoyer la peau à l’eau et au savon, sécher, n’appliquer aucune crème grasse. Manipuler les prothèses avec des ongles courts et éviter tout contact avec une aiguille, une broche, un objet tranchant qui pourraient altérer la silicone.
→ S’équiper de lingerie adaptée (soutien-gorge et maillot de bain spécifiques) pour plus de confort.
→ Penser au renouvellement de la prothèse environ tous les dix-huit mois dans les conditions normales d’utilisation, voire plus en cas de modifications morphologiques importantes (perte ou prise de poids, variation du sein restant…).
→ Participer à une association, un groupe de paroles pour profiter de l’expérience d’autres femmes et mieux accepter le port de la prothèse.
La reconstruction mammaire s’adresse en particulier aux femmes ayant eu une chirurgie mammaire non conservatrice. Elle est plus rarement nécessaire, mais possible, après une tumorectomie, si la femme n’est pas pleinement satisfaite du résultat esthétique de l’intervention (différence de forme ou de volume trop marquée entre les deux seins, ou déformation importante du sein opéré).
Si, en France, 25 à 30 % des femmes ayant un cancer du sein ont une mastectomie, entre 70 et 80 % d’entre elles n’ont pas recours à la reconstruction chirurgicale. Beaucoup déclarent ne pas avoir été suffisamment informées sur les différentes techniques de reconstruction.
La reconstruction mammaire peut se faire en même temps que la chirurgie du cancer ou plus souvent à la fin des traitements. Lorsqu’une radiothérapie est prévue en complément de la chirurgie du cancer ou si la tumeur est très volumineuse, la reconstruction est forcément différée.
La reconstruction différée donne le temps de mieux accepter la mastectomie et de choisir la meilleure technique de reconstruction, mais elle a pour inconvénient d’imposer une deuxième intervention.
→ Le volume du sein est reconstruit par la pose d’une prothèse interne du sein. Son enveloppe est en silicone. Il contient soit du sérum physiologique, soit du gel de silicone. Cette solution est indiquée chez les femmes qui ont une bonne qualité de peau et qui n’ont pas reçu de radiothérapie.
→ La pose de l’implant est simple et la durée d’hospitalisation de quelques jours. La prothèse est insérée par la cicatrice de la chirurgie mammaire. Il n’y pas donc pas de cicatrice supplémentaire. En revanche, cette reconstruction donne un résultat figé. Au bout de quelques années, la prothèse peut s’altérer et nécessiter un changement.
→ Les femmes doivent être informées qu’il existe un risque extrêmement faible de lymphome anaplasique à grandes cellules du sein.
L’implant est inséré sous le muscle de la paroi thoracique. Si la peau et les tissus de la paroi sont trop tendus et minces, le chirurgien a la possibilité d’utiliser la technique dite “d’expansion tissulaire”. Cette technique de reconstruction consiste à placer d’abord une prothèse provisoire sous la peau et le muscle de la paroi thoracique. Il s’agit d’un petit sac vide muni d’une valve. Chaque semaine, de petites quantités de sérum physiologique sont injectées à travers la peau à l’aide d’une aiguille très fine. Cette prothèse provisoire est ainsi gonflée une à deux fois par semaine. En deux à trois mois, la peau est suffisamment étirée. Lors d’une deuxième intervention, la prothèse d’expansion est alors retirée et remplacée par l’implant permanent.
→ Une réaction fibreuse ; dans certains cas, une coque se forme, ce qui arrondit le sein, le durcit et le rend douloureux.
→ Un suintement au niveau de la prothèse ou sa rupture.
→ Un déplacement de l’implant.
→ Cette technique repose sur l’utilisation des propres tissus de la patiente (peau, muscle, graisse) pour recréer le volume du sein. Elle est contre-indiquée chez les personnes fumeuses (moindre vascularisation de leur tissu). Différents lambeaux de tissus peuvent être utilisés : le lambeau du muscle grand dorsal, le lambeau du muscle grand droit de l’abdomen ou encore un lambeau de peau et de graisse prélevé au niveau de l’abdomen dit “DIEP” (Deep Inferior Epigastric Perfector).
→ La forme et la souplesse du sein sont plus naturelles, moins figées qu’avec un implant mammaire. Cependant, l’intervention est plus complexe que dans le cas d’un implant. Même si elle s’atténue le plus souvent avec le temps, une nouvelle cicatrice est créée dans le dos.
Le chirurgien prélève la quasi-totalité de ce muscle et la quantité de peau dont il a besoin afin de reformer le sein enlevé. Le lambeau reste vivant car il demeure relié à l’aisselle par l’artère, le nerf et la veine du creux axillaire. Le praticien introduit le lambeau par l’aisselle et le fait glisser sous la peau du thorax jusqu’au sein à reconstruire.
Cette technique, souvent appelée “TRAM” (Transverse Rectus Abdominis Myocutaneous flap), consiste à prélever une quantité de peau assez importante (du dessus du pubis au nombril) à laquelle est reliée un morceau du muscle grand droit de l’abdomen (du pubis au thorax). Le chirurgien fait remonter ce lambeau vers le sein à reformer en le faisant glisser sous la peau de l’abdomen. Cette technique est indiquée essentiellement aux femmes qui présentent un excès de graisse au niveau de l’abdomen.
Un lambeau de peau et de graisse au niveau du bas-ventre avec une artère et une veine sont prélevés et glissés sous la peau de l’abdomen jusqu’au sein à reconstruire. Le muscle grand dorsal n’est pas utilisé. La peau et la graisse n’étant plus irriguées par le muscle grand dorsal, le chirurgien doit rebrancher les vaisseaux nourrissant cette graisse à ceux de la paroi thoracique. Le DIEP permet de créer un sein de volume important en épargnant les muscles abdominaux, mais nécessite des compétences d’un chirurgien plasticien expérimenté en microchirurgie.
Infection ; hématome ; lymphorhée là où le tissu a été enlevé ; mort du lambeau par manque d’alimentation en sang (nécrose), ce risque étant accru en cas de surcharge pondérale et de tabagisme, et plus important en cas de reconstruction par DIEP ; une éventration en cas de reconstruction par grand droit de l’abdomen.
(1) Source : e-cancer.fr
(2) D’autres indications, moins fréquentes, sont l’asymétrie congénitale, l’hypoplasie ou l’aplasie mammaire.
(3) Association pour la reconstruction par DIEP : diep-asso.fr
Les prothèses mammaires externes peuvent bénéficier d’une prise en charge par l’Assurance maladie si elles sont prescrites par un médecin.
→ Jusqu’ici, seules les prothèses permanentes sont concernées avec une prise en charge annuelle à hauteur de 69,75 euros (le prix varie environ de 80 à 200 euros selon les modèles, le complément pouvant être pris en charge par certaines mutuelles). La prothèse autoadhérente Amoena Contact bénéficie d’un remboursement intégral de 160 euros. Un avis de projet de modification de la procédure d’inscription et des conditions de prise en charge des prothèses de sein paru le 19 mai 2015 prévoit des modifications à venir, notamment : une prise en charge des prothèses transitoires, une prise en charge intégrale des prothèses en silicone (180 ou 240 euros selon la technicité du produit), un délai de renouvellement porté à 18 mois contre 12 mois actuellement et une formation obligatoire de 20 heures pour les professionnels qui assurent la délivrance. Le texte définitif et son application sont attendus courant avril 2016.
• La socio-esthétique est une approche aujourd’hui reconnue par le milieu médical permettant aux femmes de mieux accepter la mastectomie et de réinvestir leur féminité. Elle peut également faciliter l’acceptation du sein reconstruit. La majorité des centres de lutte contrele cancer proposent ce type d’approche. À relire, l’interview d’une infirmière socio-esthéticienne dans notre cahier de décembre dernier.
La reconstruction mammaire est prise en charge à 100 % dans le cadre de l’affection de longue dure?e sur la base du tarif de l’Assurance maladie. Néanmoins, certains établissements pratiquent des dépassements d’honoraires qui restent à la charge de la patiente. Ainsi, l’information sur les coûts doit être clair et la femme doit avoir tous les renseignements qu’elle souhaite. Dans le cadre du Plan cancer 2014-2019, plusieurs mesures ont été prises pour améliorer l’accès de toutes les femmes à la reconstruction mammaire, en agissant sur les restes à charge pouvant induire des inégalités. Les tarifs de remboursements de six actes de reconstruction après un cancer du sein ont été revalorisés de 23 %. De plus, depuis juillet 2014, l’Assurance maladie prend en charge des actes de symétrisation mammaire.