Cahier de formation
Savoir faire
Vous êtes sollicitée par Mme?F., actuellement en chimiothérapie. Elle souffre de stomatites et d’aphtes très douloureux. Femme volontaire et courageuse, elle ne se permet pas de craquer. Elle considère que son mari et ses deux enfants ne doivent pas subir sa maladie. C’est dans sa chambre, à huis clos, qu’elle vous confie son désarroi psychologique. Elle se sent terriblement seule et fatiguée.
Vous lui conseillez de ne pas se replier sur elle-même. Vous l’invitez à se confier et à dialoguer avec sa famille ou un professionnel de son choix. L’idée est qu’elle puisse compter sur les autres et leur faire confiance pour s’occuper pleinement d’elle-même. Vous lui suggérez de contacter la cellule de soins de support de l’hôpital en vue d’une éventuelle prise en charge psychologique.
Après la chirurgie, la prise en charge inclut souvent la chimiothérapie seule ou associée à une radiothérapie et/ou à une thérapie ciblée. « Nous sommes sollicitées pour réaliser des prises de sang idéalement 24 heures avant chaque cure, de manière à avoir des résultats d’hémogrammes les plus proches possibles de la chimiothérapie, rapporte l’infirmière libérale Françoise Fournier. Entre les cures, nous pouvons intervenir pour réaliser des injections sous-cutanées de facteurs de croissance hématopoïétiques, si nécessaire » pour prévenir les complications des neutropénies et des anémies sévères induites par les chimiothérapies.
→ Un mauvais fonctionnement du cathéter.
→ Une douleur ou une rougeur au niveau du cathéter central qui doivent faire craindre une infection.
→ Une douleur et un gonflement du bras qui peuvent faire suspecter un lymphœdème.
→ Il est préférable d’éliminer toute source d’infection.
→ La source la plus fréquente est dentaire. Si le traitement est prévu dans deux à trois semaines, recommander à la patiente de se faire examiner et traiter les dents.
Si un médicament est administré pendant plusieurs heures, voire plusieurs jours, si la durée de la chimiothérapie est assez longue, la pose d’un cathéter central pour la durée de la chimiothérapie peut être proposée à la patiente. Ce type de cathéter n’empêche pas de vivre normalement. Seuls les sports violents sont à éviter. En voiture, le port de la ceinture de sécurité reste conseillé.
→ Ne pas appliquer de produits au niveau de la zone irradiée avant une séance.
→ Se laver quotidiennement en évitant les bains chauds et en privilégiant les douches tièdes et courtes. Ne pas utiliser de savon.
→ Bannir le port de vêtements synthétiques serrés et leur préférer des vêtements amples en coton avec des sous-vêtements sans armature, afin d’éviter l’irritation causée par la transpiration et la macération.
→ Observer des bonnes règles de photoprotection.
→ Prendre soin de la peau irradiée en évitant les traumatismes et les frottements ; le moment de l’hydratation quotidienne de la peau doit être l’occasion de traquer une rougeur débutante et de la signaler au médecin.
→ Ne jamais appliquer de topiques locaux ou de médicaments sans l’aval du médecin.
→ Privilégier des aliments tièdes et froids sauf en cas de chimiothérapie à base de doxaliplatine pour laquelle les boissons ou aliments trop froids sont contre-indiqués.
→ Éviter les aliments trop épicés ou acides (moutarde, vinaigre), secs, croquants durs.
→ Sucer des glaçons, des glaces.
→ Boire au moins 2 litres d’eau par jour.
→ Hydrater les lèvres en utilisant un lubrifiant gras (lanoline…). Contre la douleur, discuter de la possibilité de gels pour une application locale ou de médicament. Si l’absorption de comprimés est trop douloureuse, considérer avec l’équipe soignante des alternatives en sirop ou suppositoires.
« La chimiothérapie est une période très délicate à traverser, souligne l’infirmière libérale Françoise Fournier. Un combat pour les patientes. » De fait, le corps et l’esprit sont mis à rude épreuve par les effets secondaires des traitements : perte de poids, nausées, vomissement, stomatites, perte de cheveux, perturbation du cycle menstruel, éruption cutanée, douleurs musculaires…
À l’hôpital, avant la chimiothérapie, on explique aux femmes comment se préparer à la perte de cheveux (coupe très courte recommandée au préalable) et se choisir une perruque ou un foulard. Contre les nausées et vomissements, on leur prescrit des antiémétiques. Mais, lors du retour à domicile, les patientes ressentent souvent un grand besoin d’être réconfortées. Angoissée par la gravité de la maladie, éprouvée physiquement et psychiquement, chaque femme réagit différemment selon ses propres ressources et son environnement.
« Certaines éprouvent le besoin d’être aidées, d’autres masquent leur désarroi et refusent de consulter en se disant qu’elles vont prendre sur elles. Pourtant, c’est important d’accepter de se faire aider. Si elles s’y refusent, elles finissent toujours par craquer », considère Françoise Fournier. À tout moment, différents types de soutiens peuvent être mis en place : soutien psychologique, psychothérapeutique ou médicamenteux, soutien aux proches aussi. « Quand la femme est en couple, j’ai souvent observé qu’elle vit mieux la maladie que le mari, car lui ne fait que subir. » L’altération de la qualité de la vie sexuelle doit être également prise en compte. Des difficultés rarement abordées lors des consultations médicales (relire à ce sujet notre cahier de formation sur “La prise en charge globale du patient atteint de cancer”, n° 320 de décembre 2015).
Hypnose, sophrologie, relaxation, massages peuvent redonner du bien-être, soulager et prévenir différents effets secondaires des traitements comme les bouffées de chaleur, les nausées, la fatigue ou l’insomnie. « La sophrologie permet de diminuer le niveau d’anxiété des patientes, précise Lydie Sounigo, infirmière libérale à Paris. Le fait de la pratiquer en groupe et de partager avec d’autres personnes confrontées à la même maladie est bénéfique. » L’hypnose a également fait ses preuves : elle est proposée lors de la réalisation d’actes techniques invasifs comme la pose d’une chambre implantable (cathéter) avant les chimiothérapies mais aussi pour lutter contre la douleur ou les bouffées de chaleur. L’acupuncture a elle aussi montré qu’elle peut être bénéfique en complément des traitements médicaux.
« J’ai pris dix kilos avec l’hormonothérapie. Et, malgré une cure thermale et des séances de kinésithérapie, je souffre toujours du bras et je ne peux pas le lever totalement. Cela me gêne dans mon travail et je ne peux plus faire de vélo, ni de natation. Chaque professionnel fait très bien sa partie, mais chacun de son côté, et après, plus rien. » Comme beaucoup de femmes, Corinne, Agenaise de 50 ans, opérée du cancer du sein, ne savait pas où trouver la solution à ses problèmes.
Depuis le 9 février, elle fait partie du premier groupe de cinq femmes, très motivées, participant au programme d’éducation thérapeutique (ETP) “Coup double : escrime et nutrition en action face au cancer du sein”, autorisé par l’Agence régionalede santé d’Aquitaine, et conçu et animé par l’équipe pluridisciplinaire (neuf professionnels de santé libéraux dont quatre infirmières libérales) de Plurilib47
« Une fois le certificat de non-contre-indication à la pratique de l’escrime adaptée fourni par l’oncologue, deux médecins de l’association reçoivent chacune des femmes pour un diagnostic éducatif et une évaluation approfondie de l’épaule et du bras. À mi-parcours et en fin de programme, une évaluation sera à nouveau réalisée », retrace Anne Roche Dubernet, infirmière libérale de Plurilib47. La pratique ludique, conviviale et sans coup porté, favorise un travail spontané et mesuré du bras, le redressement de la posture, redonne de la tonicité et de la confiance en soi. « Je trouve qu’on est belle en tenue d’escrime, c’est un sport élégant et le côté guerrier nous donne une sorte de revanche », confirme Corinne.
Anne Roche-Dubernet, éducatrice d’ETP, a fonctionné en binôme avec le maître d’armes
(1) www.plurilib47.fr/programme-escrime-nutrition-face-au-cancer-du-sein
(2) Morgan Guénard est partenaire du programme. Il a été formé par l’association toulousaine Solution Riposte (reconstruction, image de soi, posture, oncologie, thérapie, escrime).
Véronique Christophe (en photo), psychologue de la santé
« Réinsertion professionnelle, éducation des enfants, relation conjugale… Les femmes atteintes d’un cancer du sein à un âge relativement jeune sont confrontées à des problématiques spécifiques. En outre, les conjoint (e) s sont souvent fortement sollicité (e) s, en tant que premiers aidants familiaux. Jusqu’à présent, il n’existait pas de questionnaire spécifique pour évaluer la qualité de vie des femmes jeunes et de leurs partenaires. Nos recherches nous ont permis récemment d’élaborer et de valider un questionnaire en 36?items. Actuellement, nous expérimentons un dispositif numérique pour orienter les femmes en temps réel vers des soins de support en cas de difficultés. L’idée est de leur faire compléter le questionnaire une fois rentrées chez elles. Selon leurs réponses, des seuils critiques pourront être générés. Ils déclencheront une alerte qui sera envoyée vers une plateforme informatique coordonnée par une psychologue clinicienne, qui, après concertation avec l’oncologue, proposera des soins de supports adaptés à ses besoins. »
* Spécialisée dans les stratégies de régulation des émotions au sein des couples, dans le domaine du cancer et responsable de l’axe “Sciences humaines et sociales” (SHS) du site de recherche intégrée sur le cancer OncoLille, labellisé par l’Inca (www.oncolille.fr).