BILLETS D’HUMEUR > Certains migrent du livre vers le blog ; la Seringue atomique fait l’inverse et publie son premier opus en librairie. Rencontre avec Corinne Régulaire, infirmière libérale en Guyane qui, habituellement, se cache derrière son avatar textuel.
L’infirmier Homo paramedicalis est un petit être qui court et s’agite beaucoup. C’est un animal organisé qui travaille le plus souvent en solitaire de l’aube à la tombée de la nuit. […] C’est un être social qui sourit même à ceux qui font la gueule. » Le décor est planté ! On se plaint souvent que les infirmières n’écrivent pas, alors pour une fois que l’une d’entre elles s’attèle à son clavier, on ne va pas bouder son plaisir ! Connue pour son blog
Tout le monde, collègues, médecins, patients, en prend tendrement pour son grade. La blogueuse se fait plus acide lorsqu’il s’agit de brocarder les tutelles, l’Urssaf, la Carpimko, la Cour des comptes ou encore la nomenclature, pour pointer les incohérences d’administrations tatillonnes et à mille lieues des réalités du terrain. Et sa liberté de ton plaît, puisque son jeune blog enregistre pas moins de 50 000 visiteurs.
À l’origine pourtant, Corinne Régulaire n’avait pas pour projet de devenir une blogueuse émérite. « Je voulais juste me familiariser avec l’outil qui permet de réaliser un blog, savoir créer des encadrés, ajouter des couleurs, des titres… bref, habiller une page comme on pourrait le faire avec une poupée ! Puis est venu le jour où je me suis dit qu’il fallait quand même songer à mettre quelque chose dedans. Cela s’est fait aussi simplement que ça », dit-elle. Toutefois, les réseaux sociaux ne lui étaient pas totalement inconnus puisqu’en 2011, via Facebook, elle renseignait déjà les collègues désespérées à qui la CPAM réclamait des indus… « Plus personne ne comprenait quoi que ce soit à la cotation des actes et on entendait tout et son contraire », se souvient-elle. Comme elle aime fouiner, fouiller et fureter sur le Net, elle se met à la tâche et constitue un corpus réglementaire, juridique et jurisprudentiel qui tirera d’un mauvais pas plus d’une infirmière. À l’époque, la Seringue atomique n’est pas née, et c’est sous le nom de guerre de la militante anarchiste Louise Michel qu’elle donne du fil à retordre à l’administration… et de bons tuyaux aux collègues esseulées. « Les réseaux, c’est quand même formidable pour des gens qui travaillent seuls. C’est un espace où tout le monde peut se retrouver, parler de son quotidien, déverser », déclare-t-elle. En 2012, Corinne Régulaire abandonne pourtant écran, clavier et souris. Elle a un autre combat à mener, celui contre le cancer. Inutile de chercher dans ses lignes des traces d’elle. Corinne Régulaire n’est pas du genre à s’épancher. « Ce n’est pas très intéressant d’ailleurs », souffle-t-elle. « Ma motivation, c’est d’apprendre des choses sur l’exercice libéral et de les partager », déclare-t-elle.
Jamais avare d’humour, de dérision et d’autodérision (un style renforcé par le trait de Félé, qui dessinait il y a quelques temps dans nos pages…), “Corinne atomique” picore dans les travers et dans les joies de la profession et de l’exercice libéral qu’elle aime passionnément et qu’elle pratique depuis dix ans à Cayenne dans des conditions pas toujours faciles et qui la font jongler quotidiennement avec cinq langues différentes. « Enfin, c’est surtout les conditions socio-économiques de nombre de patients qui sont difficiles, rectifie-t-elle. J’apporte des traitements à des gens dont le frigo est vide quand d’autres n’ont même pas l’eau courante… Dans ces conditions, il faut savoir prendre du recul. » Et l’écriture offre assurément cette prise de distance. À quand la suite des aventures et des coups de gueule de la Seringue atomique ?
* laseringueatomik.canalblog.com, Lire notre chronique de ce livre p. 66.