L'infirmière Libérale Magazine n° 325 du 01/05/2016

 

AIDANTS

Actualité

Laëtitia Di Stefano  

INITIATIVE > Dispositif s’adressant aux jeunes aidants, Jade est un atelier “cinéma répit”. Un espace de repos et de créativité pour des enfants et adolescents qui sont un soutien actif pour un parent malade. Le 16 avril avait lieu la projection de leurs films. Séance émotion.

« Je n’ai pas de mot », « ils sont incroyables », « beaucoup d’émotion »… Les familles des jeunes réalisateurs et le public venu découvrir les films de Jade sont unanimes, saluant un travail d’orfèvre et le reflet d’une réalité invisible.

Le dispositif Jade est né du constat de Françoise Ellien, psychologue, créatrice du réseau de Soins palliatifs de support en Essonne Sud (SPES), de l’augmentation des familles monoparentales avec un parent souvent affaibli psychologiquement et des enfants soutenant. « C’est un enjeu de santé publique, caché, voire tabou. Les Idels sont un élément clé dans le repérage des jeunes aidants. Avec les médecins généralistes qui désertent le domicile, ce sont elles qui donnent leur numéro de portable pour le week-end… Les informer sur Jade est essentiel ! » Avec la réalisatrice Isabelle Brocard, elles lancent les ateliers cinéma-répit, gratuits pour les enfants bénéficiaires, en 2014.

Thérapie par l’image

Léo, 12 ans, s’est figuré en pâte à modeler, rentrant de l’école, son papa alité devant la télé. Et puis, un jour, « on nous a dit qu’il était dans le coma ». Après son décès en janvier, Léo a réalisé un film-hommage. « C’est une sorte de thérapie à travers les images », assure Bouchra, sa mère. Alignés devant l’écran blanc après la projection, intimidés par les applaudissements, Léo et ses copains, vingt et un jeunes de 11 à 17 ans, ont remercié, en toute humilité. Des gamins d’une grande maturité. « Ce ne sont pas des enfants comme les autres. Ils prennent en main des choses qui ne sont pas de leur âge », souligne la réalisatrice.

Une parenthèse

Jade, ce sont deux semaines de vacances studieuses dans le cadre boisé du domaine de Chamarande (Essonne), une en octobre pour prendre contact avec le monde du cinéma et réfléchir sur le sujet de son film. La seconde en février pour finaliser le scénario, monter, faire les bruitages… « Faire un film, c’est super, mais je retiens surtout cette rencontre avec des ados qui peuvent vraiment comprendre ce que je ressens. On se sent moins seule. D’autres vivent la même chose, voire pire », explique Vanessa, 12?ans. En 2012, sa mère Marie-Jo a un accident : son compagnon meurt, elle est gravement blessée. Douze fractures. « Des infirmières sont venues quotidiennement chez moi pendant deux ans. Elles faisaient plus que des soins, m’écoutaient, ont été là pour Vanessa aussi. D’ailleurs, elles passent encore nous voir », conte Marie-Jo, émue.

« J’ai vu une évolution très positive chez ceux qui revenaient pour la deuxième année, surtout en termes de confiance en soi », se réjouit Isabelle Brocard, qui réalise également un documentaire sur la question des jeunes aidants.

Les deux femmes continuent leur combat. « L’association Jade naîtra à la rentrée, et les personnes intéressées par cette question sont bienvenues ! L’idée est de faire reconnaître le statut des jeunes aidants, voire de leur faire bénéficier d’aides, comme c’est le cas pour les adultes, afin de leur laisser vivre une enfance et une adolescence “normales”. Beaucoup de jeunes aidants se négligent malheureusement, certains sont décrocheurs… », assure Françoise Ellien.

Jade accueille aussi des fratries, comme Kyllian, 11 ans, et Blandine, 15?ans, dont la mère célibataire, Delphine, se bat contre un cancer depuis 2009 : « Le film de Blandine est magnifique, confie Delphine. Elle qui parle peu, elle y dénonce son père violent. » Des mots qui touchent. Les mots des enfants de Jade.

Site Internet : jeunes-aidants.fr.