MESSAGERIE > Depuis juin 2013, les pouvoirs publics mettent à disposition MSSanté, un système gratuit sécurisé de messageries électroniques. Le point sur l’état actuel de son déploiement.
Mi-2013, sur près d’1,2 million de professionnels de santé, seuls 5,5 % utilisaient une boîte à lettres électronique sécurisée. En juin 2013, est née MSSanté, une messagerie électronique professionnelle sécurisée, que peut ouvrir tout détenteur d’une carte de professionnel de santé en s’inscrivant gratuitement sur le site Internet www.mssante.fr - le service est ouvert aux infirmières depuis 2014. « Avec le soutien des Ordres [dont celui des infirmiers], nous encourageons les professionnels de santé à garantir la confidentialité des données échangées, en bénéficiant ainsi d’une meilleure protection juridique », indique Olivier Bécanne, chargé de mission responsable du déploiement de MSSanté auprès de l’Asip Santé (Agence des systèmes d’information partagés de santé).
L’objectif des pouvoirs publics est en effet de faire émerger des offres de messageries sécurisées afin de permettre à chaque professionnel de santé de disposer de l’offre qui lui convient pour échanger les données de santé de ses patients. Le 23 décembre 2014, une instruction de la Direction générale de l’offre de soins a d’ailleurs demandé à tous les établissements de santé d’intégrer cet espace de confiance MSSanté, « au sein duquel l’ensemble des messageries de santé existantes deviennent compatibles et interopérables », explique Olivier Bécanne. Environ 800 établissements de santé sont en phase de test ou ont déjà mis en œuvre une solution sécurisée. Nous préparons un accompagnement des laboratoires de biologie, qui représentent le deuxième grand flux de données ».
« MSSanté est très pratique », témoigne pour sa part Jean-François Bouscarain. En tant que président d’une URPS-infirmiers, il a incité les Idels à s’inscrire. En Languedoc-Roussillon, 14 % l’utilisent déjà. « On a accès à un annuaire à jour, sérieux, complet, regroupant les professionnels en exercice de l’hôpital et de la ville, l’HAD, l’univers médico-social, les assistantes sociales… Ce système me permet par exemple d’accéder aux numéros de portable de nombreux médecins et si, au domicile du patient, j’envoie une photo à un dermatologue pour un conseil, il peut me rappeler rapidement. On passe ainsi parfois “au-dessus” des secrétaires ! Comme les comptes rendus d’hospitalisation sont aussi envoyés dans un délai plus court au médecin traitant, dans l’idéal rien n’empêchera ce dernier de nous les communiquer rapidement, afin qu’on ne se retrouve plus au pied du lit d’un patient sans rien savoir de son passé médical récent ! Cela favorise la coordination des actions, évite la redondance des traitements, des examens. » Mais l’Idel note toutefois « encore un frein principal : tous les logiciels métier de santé (infirmiers ou autres) n’ont pas toujours créé une interface pour permettre d’intégrer automatiquement les données dans le dossier clinique du patient concerné sans rien avoir à télécharger ».
Les éditeurs informatiques de logiciel métier santé qui n’ont pas encore sauté le pas évoquent plusieurs motifs : par le passé, l’Asip Santé leur a par exemple déjà demandé de créer une interface pour le DMP (dossier médical partagé), projet qui s’est enlisé… Par ailleurs, ils pensent ne pas pouvoir répercuter le coût de cette création sur leurs clients ou en ont simplement assez de devoir payer pour toutes sortes d’agréments.
De son côté, l’Apicem (Association pour la promotion de l’informatique et de la communication en médecine), qui regroupe des médecins de ville, avait dès 1996 mis au point Apicrypt, une messagerie sécurisée payante (72 euros par an, www.apicrypt.org). Apicrypt équipe actuellement 93 % des laboratoires de biologie médicale, 1 800 Ehpad et 1 200 établissements de soins, avec plus de 60 000 abonnés, répartis entre 133 spécialités médicales et paramédicales différentes (dont 205 Idels). Pour devenir interopérable avec MSSanté, l’Apicem doit obtenir l’agrément d’hébergeur de données de santé (pour un coût d’instruction de 150 000 euros, hors coûts annexes) et « attend depuis février 2015 la réponse positive à l’obtention de ce statut. L’interopérabilité qui concernera les utilisateurs qui auront migré vers Apicrypt 2, et que nous espérions pour la fin du premier trimestre 2016, est donc reportée ».
Certains opérateurs, enfin, jugent qu’il existe d’autres solutions techniques payantes plus performantes voire sûres que les messageries sécurisées, préconisant par exemple de stocker une photo sur un cloud, serveur accessible à distance.