L'infirmière Libérale Magazine n° 325 du 01/05/2016

 

ÉLECTIONS URPS 2016

Actualité

Géraldine Langlois  

ANALYSE > La FNI devance le Sniil, Convergence infirmière fait figure d’arbitre et l’Onsil passe sous la barre des 10 %. L’élection des présidents de bureaux fera office de second tour. La forte abstention (presque 77 %) montre que les Idels ne se sont pas emparées de ce scrutin.

Les élections par correspondance des représentants des Idels aux Unions régionales des professionnels de santé (URPS), closes le 11 avril, ont placé la FNI en tête avec 36,95 % des voix (contre 35,2 % en 2010). Elle dépasse donc le Sniil, premier en pourcentage (35,9 %) et deuxième en nombre de sièges en 2010, qui recueille 35,16 % des voix.

Philippe Tisserand, président de la FNI, ne cache pas sa satisfaction. Ce résultat reflète selon lui la campagne « digne » menée par son syndicat, la « cohésion de [sa] ligne syndicale » nationale et le « dynamisme de [ses] représentants dans les régions ». Annick Touba, présidente du Sniil, avoue une « petite déception » mais se félicite que son syndicat arrive en tête dans neuf régions (bien que la présidence ne lui soit assurée que dans quatre). « Nous maintenons nos forces, nous n’avons pas à rougir », estime-t-elle. Elle considère cependant que la FNI a faussé la donne en maintenant sur son site sa propagande électorale pendant la période de réserve. Ce à quoi la FNI répond qu’elle n’était tenue qu’à « figer » sa communication.

Convergence infirmière (CI), à nouveau troisième, améliore son score en passant de 17,9 % en 2010 à 18,48 %. Cette troisième position offre au syndicat présidé par Ghislaine Sicre une place d’arbitre dans les régions où aucun syndicat n’est majoritaire.

Fin de représentativité pour l’Onsil ?

Quant à la présidente de l’Onsil, Élisabeth Maylie, elle ne cache pas sa déception face aux 9,41 % obtenus (contre 11 % en 2010). Ce seuil de 10 %, raté à « une centaine » de voix près, conditionne la représentativité qui donne aux syndicats le droit de discuter la convention*. L’Onsil serait donc ainsi écarté des prochaines négociations. Mais il ne s’avoue pas totalement vaincu puisqu’il dit avoir déposé des recours pour contester les résultats – les tribunaux d’instance de Bordeaux, Marseille et Pointe-à-Pitre doivent rendre leur décision dans les deux mois. Des infirmières inscrites sur les listes n’auraient pas reçu leur matériel de vote, d’autres ?l’auraient reçu en double, le conventionnement de certaines n’aurait pas été enregistré, des problèmes d’a?dresse auraient rayé certains noms des listes d’électeurs…

Peu de mea culpa

Tous les syndicats déplorent le taux d’abstention très fort (76,71 %), en hausse de 0,8 point par rapport à 2010. Ils l’expliquent plus par une méconnaissance – ou un désintérêt – des Idels pour les questions d’organisation du système de santé. À part l’Onsil, les syndicats donnent peu dans le mea culpa… Pour Philippe Tisserand, « la profession n’a pas conscience que le relatif confort dont elle jouit reste bien fragile au regard des menaces sur le système de santé ». Annick Touba explique cette absence de mobilisation par le fait que les URPS ne sont pas encore assez connues et que nombre d’infirmières ne sont pas convaincues qu’elles « ont leur mot à dire sur le système de santé ». « Elles n’ont pas compris les enjeux, note Ghislaine Sicre. Elles croient qu’il s’agit d’une bataille syndicale alors qu’il y a des enjeux locaux. On ne le leur a peut-être pas assez expliqué mais c’est difficile de les toucher. » Elle regrette que le vote n’ait pu se tenir de manière électronique, ce qui aurait évité les couacs liés aux envois postaux du matériel et des votes. Élisabeth Maylie déplore le fait que les autres syndicats aient fait porter leur campagne sur des thématiques nationales plus que locales.

Débat sur l’ONI

Elle et Ghislaine Sicre sont les plus remontées contre l’obligation, non exigée en 2010, d’adhérer à l’Ordre infirmier (ONI) pour pouvoir voter (et être éligible). Elle a, selon elle, joué sur les résultats puisque certains syndicats (tel l’Onsil) compteraient plus de non-inscrits à l’ONI que d’autres. Pour la présidente de l’Onsil, « les Idels non inscrites devraient au moins pouvoir voter ! »

En dehors des syndicats en lice, le syndicat anti-Ordre Résilience conteste le fait que les remplaçantes, qui pourtant cotisent pour les URPS via l’Urssaf, n’ont pas eu le droit de voter. Un appel a d’ailleurs été lancé, sur Internet, pour que les Idels contestent les élections sur ce motif, dans le délai imparti. Résilience a annoncé avoir engagé « une procédure » contre l’Urssaf pour le remboursement desdites cotisations.

Contacts en courset “enchères” à la hausse

Les mandats des élus des anciennes URPS sont valides jusqu’au 31 mai. Courant juin, les nouveaux élus devront tenir leur réunions d’installations des nouvelles et élire leur président. La FNI est assurée d’obtenir la présidence de cinq régions : Bourgogne-Franche-Comté, Bretagne, Centre-Val-de-Loire, Guadeloupe et Réunion. C’est le cas du Sniil pour quatre régions : Corse, Guyane, Normandie et Pays de la Loire. En Martinique, FNI et Sniil sont à égalité et le bénéfice de l’âge devrait jouer pour désigner le président car aucun autre syndicat n’y a d’élu. Dans les sept autres régions, l’élection du président tiendra lieu de “second tour” et induira sans doute des alliances. « Des contacts sont en cours », confie Philippe Tisserand. La FNI souhaite en effet obtenir la présidence d’un maximum d’unions. « Un accord cadre sera nécessaire », estime-t-il, mais peut-être pas national. CI est « courtisé par les trois autres syndicats », constate sa présidente. Elle ne ferme la porte à personne, sa seule condition étant que son syndicat puisse « porter [sa] politique », ce qui semble réduire les possibilités, de fait, à la FNI et à l’Onsil.

Manifestement, les “enchères” augmentent : la FNI aura besoin du soutien de CI pour obtenir la présidence dans les régions où le Sniil, sans être majoritaire, est arrivé en tête. Ghislaine Sicre espère pouvoir obtenir en échange la présidence d’au moins deux unions, dans les régions où elle siégeait déjà à la tête d’URPS (Paca et Auvergne-Rhône-Alpes). L’Onsil, qui ne présidait qu’une union (l’Aquitaine), ne devrait plus en diriger aucune mais sa présidente estime que « tous les élus [19 dans dix régions] ont une mission à mener. Ce n’est pas parce qu’on n’est pas au bureau qu’on ne travaille pas ». Du côté du Sniil, Annick Touba annonce que « dans les régions où nous sommes majoritaires, nous allons cette fois ouvrir le bureau aux autres syndicats, en fonction de leur poids électoral. En cinq ans, on apprend ». Une proposition diversement appréciée. La FNI « n’encouragera pas ses élus » à participer à un bureau présidé par le Sniil, indique son président. À l’Onsil, Élisabeth Maylie « n’y croit pas du tout » et ne comprend pas cet affichage d’ouverture après une campagne du Sniil jugée agressive. De son côté, CI ne s’interdit pas d’accepter car il souhaite de son côté « participer au plus de bureaux possible ». Et augmente ainsi la valeur de son soutien.

* La prochaine enquête de représentativité doit se tenir entre août 2016 et janvier 2017, soit entre douze et six mois avant l’échéance conventionnelle. « C’est seulement à l’issue de cette enquête que l’Onsil ne sera plus représentatif (compte tenu de son score aux élections) », précise-t-on à la direction de la Sécurité sociale.