Retrouver une notion de soi - L'Infirmière Libérale Magazine n° 325 du 01/05/2016 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 325 du 01/05/2016

 

MÉDITATION

Actualité

Laëtitia Di Stefano  

COLLOQUE > La méditation, un nouvel outil pour les soignants ? Aux côtés de sa cousine l’hypnose, déjà bien installée, cette pratique commence à faire son chemin. Le colloque Thérapies d’ici et d’ailleurs sur les pratiques psychocorporelles dans le soin a fait le point début avril, à Paris.

" La méditation se retrouve dans toutes les traditions, pas seulement orientales. Ignace de Loyola avec sa méditation du cœur en est un exemple chez les catholiques », souligne Isabelle Célestin, psychologue psychothérapeute responsable du diplôme universitaire (DU) hypnose et pratiques psycho-corporelles à la faculté de médecine Paris?XI et directrice de l’IFPPC*. Les moines bouddhistes n’en ont donc pas l’apanage… À la fois retour sur soi et ouverture au monde, la pratique méditative est divisée en de nombreux courants. On peut cependant distinguer deux techniques majeures : l’attention focalisée (stabiliser le flot des pensées en fixant son esprit, sur les sensations de la respiration par exemple) et l’attention ouverte (à la fois attentif à sa vie intérieure et ouvert vers l’extérieur, le moment présent). « La méditation permet d’aiguiser son expérience subjective et sa perception sensorielle, entéroceptive, indique Catherine Bernard, anesthésiste réanimateur au CHU Kremlin-Bicêtre (AP-HP). De nos jours, les gens ne se ressentent pas eux-mêmes, c’est tout le problème. La pratique méditative permet de retrouver une notion de soi à travers son corps et de façon plus large du sens de soi. »

Une ressource en libéral

Les premières applications médicales ont été initiées dans les années 1980, avec notamment le biologiste Kabat Zinn et sa Mindfulness-based stress reduction (MBSR). Mindfulness est la pleine conscience, ou “présence attentive”, des techniques méditatives pour développer ses capacités naturelles d’attention. Les applications en psychiatrie, alliées aux thérapies cognitives, sont nombreuses à l’heure actuelle, et de plus en plus connues, par l’intermédiaire notamment de Christophe André (lire notre page Échappées p. 70). Sur cette base également, Jean-Gérard Bloch, rhumatologue, a initié en 2013 un DU médecine, méditation et neuroscience à l’université de Strasbourg (Bas-Rhin). Médecin généraliste, acupunctrice, pratiquante et formatrice en mindfulness, Dominique Georget-Tessier a suivi ce cursus. Elle utilise la méditation dans son exercice libéral. « La méditation est un élément fondamental pour moi dans la relation thérapeutique. Elle amène une bienveillance vis-à-vis de soi et dans le soin. Elle permet d’être totalement présent, pas dans ses projections, pensant au prochain malade ou à sa grand-mère ! Dans un soin infirmier, privilégier la qualité de présence à soi et à l’autre, l’écoute en silence, est aussi primordial. Écouter représente 50 % de notre travail. C’est le plus beau cadeau à faire à une personne en souffrance. » Et concrètement ? À l’IFPPC, Isabelle Célestin reçoit des Idels. « Elles sont soumises à une organisation millimétrée du travail, entre soins et administratif. Elles voient beaucoup de patients, accueillent souvent leurs émotions, leurs douleurs… Recentrer, revenir à sa présence est une façon pour elles de se ressourcer. » De petits exercices rapides pour observer comment se détacher des pensées qui reviennent en boucle permettent également de ramener le patient à l’instant présent.

Un antidouleur

Avec une efficacité reconnue de réduction de l’anxiété, la méditation permettrait aussi un auto-contrôle du patient sur sa douleur. Hélène, atteinte d’une spondylarthrite ankylosante, participe à un groupe de méditation, dans le cadre d’un travail sur la douleur. « J’étais réticente au début, j’assimilais cela au spirituel et religieux. Mais j’ai rapidement eu des résultats : pendant la séance, je ne sens plus aucune douleur. » Aujourd’hui, elle a diminué ses doses d’antalgiques. « Le fait d’être acteur dans ce qui ne va pas change radicalement. D’habitude, on attend un médecin pour aller mieux. Je suis de nouveau dans la vie, consciente que la maladie, ça peut arriver. » Avec d’autres patients, ils se retrouvent pour des soirées de méditation. « C’est l’objectif, insiste Isabelle Célestin. Leur donner des outils dont ils s’emparent pour devenir autonome. »

« Les études montrent que la méditation permet de faire diminuer les symptômes de stress ou de dépression quel que soit le contexte médical », explique Catherine Bernard. Forts de ce succès, le docteur Bernard et son équipe envisagent de développer la méditation pour patients opérés dans le cadre d’un programme de réhabilitation péri-opératoire.