L'infirmière Libérale Magazine n° 326 du 01/06/2016

 

POLITIQUE DE SANTÉ

Actualité

Véronique Hunsinger  

AUDITIONS > Des députés ont entendu fin mai les représentants de la profession infirmière à propos de l’hospitalisation à domicile. Ils rendront un rapport sur ce sujet au début de l’été.

Trois mois après le début de leurs travaux, les députés experts de la Mission d’évaluation des comptes de la Sécurité sociale qui planchent actuellement sur l’hospitalisation à domicile (HAD) ont entendu les représentants de la profession infirmière fin mai.

C’est avec une grande bienveillance que les parlementaires ont auditionné les porte-paroles de syndicats d’Idels et d’IDE ainsi que l’Ordre national des infirmiers (ONI). « Nous souhaitons connaître votre sentiment sur le rôle que doit avoir l’infirmier dans les soins à domicile, a commencé Joëlle Huillier, députée socialiste de l’Isère, rapporteure de la mission. Nous avons eu l’occasion de nous rendre sur le terrain et nous avons remarqué que, même si le médecin traitant est censé être le pivot des soins de ville, très souvent, au domicile, le vrai pivot, ce sont les Idels. »

Les représentants de la profession ont saisi la balle au bond et mis leurs divergences syndicales dans leurs poches. « Le virage ambulatoire a en effet été entamé depuis plus de vingt ans, a répondu Philippe Tisserand, président de la Fédération nationale des infirmiers. Les Idels font des perfusions à domicile depuis trente ans. Les évolutions se font d’abord grâce aux techniques, pas aux structures. Nous pensons que l’HAD peut avoir du sens uniquement quand elle se substitue à l’hospitalisation conventionnelle. » L’HAD, porte de sortie obligatoire après une hospitalisation ? « Nous avons de nombreuses remontées du terrain qui font état d’HAD qui captent les patients après une hospitalisation pour des soins qui ne sont pas forcément complexes », témoigne Ghislaine Sicre, présidente de Convergence infirmière. Ce syndicat a adressé un questionnaire à ses adhérents sur le sujet de l’HAD : sur 1 800 réponses, 252 Idels seulement ont reconnu que l’HAD a été nécessaire pour l’un de leurs patients, en raison de la technicité d’un soin ou du besoin d’un matériel particulier qui n’était pas disponible en ville.

Pansements complexes, 25 % de l’activité en HAD

Pour les aiguiller dans leurs travaux, les députés ont été aidés par la Cour des comptes, qui leur a remis un rapport préparatoire daté de fin 2015. La Cour relève que 25 % de l’activité de l’HAD concernent des pansements complexes. Or « c’est un champ de soins qui relève de la compétence des Idels, rappelle Yann de Kerguenec, directeur juridique de l’ONI. S’il y a besoin de plusieurs personnes pour réaliser un pansement complexe, on peut penser qu’il relève effectivement de l’HAD. Mais ce n’est pas toujours le cas ». Des témoignages qui ont conforté les intuitions des députés. « Nous nous interrogeons sur la façon dont sont pris en charge les patients à domicile, indique Joëlle Huillier. Nous avons eu l’impression que certains sont trop “légers” pour l’HAD et qu’ils seraient mieux dans un Service de soins infirmiers à domicile (Ssiad), tandis que, dans le même temps, il semble que des patients pris en charge en libéral ou en Ssiad sont parfois trop lourds. » L’explication lui est fournie par Jean-Yves Garnier, trésorier de l’ONI : « Il arrive effectivement que des soins puissent être techniquement tout à fait pris en charge en Ssiad mais qu’ils dépassent le prix de journée de 35 euros et font dépasser les budgets. »

La coordination infirmière au cœur du sujet

Pour autant, les Idels ne rejettent pas en bloc l’HAD. « Il y a des moments où on a besoin de l’HAD pour peu que les critères d’inclusion soient bien respectés, souligne Élisabeth Maylié, présidente de l’Organisation nationale des syndicats d’infirmiers libéraux (Onsil). Mais il faut que ce soit le médecin traitant qui décide et qu’on nous sollicite pour savoir si on en a réellement besoin. » La coordination infirmière est en effet au cœur du sujet. « La coordination par l’HAD est en réalité très administrative, relève John Pinte, vice-président du Syndicat national des infirmières et infirmiers libéraux (Sniil). Or seules les Idels ont la capacité de se mobiliser sur le terrain et de réagir dans la journée au besoin car elles sont soumises à la continuité des soins. » Seul représentant hospitalier, Thierry Amouroux, secrétaire général du Syndicat national des professionnels infirmiers (SNPI), défend néanmoins le rôle des infirmières de coordination. « Quand un service lui indique qu’un patient va sortir, charge à elle de trouver la structure la plus appropriée pour la suite de la prise en charge : HAD ou libéral. La difficulté est que l’hôpital a rarement la connaissance de l’identité de l’Idel qui suit habituellement le patient. » Un problème de communication qui montre que les liens entre la ville et l’hôpital sont difficiles à créer. L’HAD en est un des meilleurs exemples.