L'infirmière Libérale Magazine n° 326 du 01/06/2016

 

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Claire Pourprix  

EXPÉRIMENTATION > Deux Idels participent à un projet de carnet de vaccination électronique, un outil pilote lancé fin avril dans la région lyonnaise. Leur mission : valider la faisabilité de la procédure et convaincre leurs patients de son utilité.

Lancé fin avril dans deux arrondissements de Lyon et dans l’Est de l’agglomération jusqu’à Bourgoin-Jallieu (Isère), le carnet de vaccination électronique (CVE) vise à se substituer à terme au carnet papier pour assurer une meilleure couverture vaccinale. Initié par l’Union régionale des professionnels de santé (URPS)-médecins libéraux Auvergne-Rhône-Alpes, ce projet s’inscrit dans le cadre du programme Territoire de soins numérique (TSN) lancé par les pouvoirs publics via le projet Pascaline (Parcours de santé coordonné et accès à l’innovation numérique) porté par l’Agence régionale de santé (ARS) Auvergne-Rhône-Alpes. À l’issue de deux années de travail, un prototype de CVE est expérimenté sur ce territoire de 230 000 personnes, pour aboutir à une version finalisée en février 2017. L’ambition est de le déployer ensuite à l’échelle nationale.

« Le CVE vise à améliorer la connaissance de l’état vaccinal. À rendre le patient acteur de sa vaccination et de sa santé, a expliqué le Dr Jean Stagnara, pédiatre à Lyon, lors du lancement du CVE. Le passage au numérique permettra de regrouper les informations, d’éviter la perte des données, de faire des recommandations vaccinales actualisées et de sensibiliser à l’importance de certains vaccins via le Web. »

Vaccinateurs testeurs

Au démarrage, deux infirmiers libéraux participent à cette expérimentation, aux côtés de cinq pédiatres, cinq généralistes, deux pharmaciens et deux sages-femmes. Ces vaccinateurs seront progressivement rejoints par une centaine de professionnels sur tout le territoire ciblé. Leur mission ? Créer et valider un maximum de CVE, tester la faisabilité technique et obtenir l’adhésion tant des patients que de leurs pairs.

À ce jour, les patients peuvent déjà créer leur carnet électronique sur mesvaccins.net – un site qui a vu le jour en Aquitaine – y saisir leurs vaccins et les faire valider par un médecin. Le CVE est en quelque sorte une extension de cet outil, à usage professionnel. Son objectif est d’être mis en relation avec les logiciels métiers des différents vaccinateurs pour éviter qu’ils n’aient à saisir les informations sur plusieurs supports. « En ville, nous intervenons pour effectuer les vaccins contre la grippe, auprès de personnes âgées et de malades chroniques. Le CVE est une très bonne idée car de moins en moins de personnes veulent se faire vacciner, explique Lucien Baraza, président de l’URPS-infirmiers Rhône-Alpes et partenaire de l’expérimentation. Avec cet outil, nous allons pouvoir les inciter à le faire : nous pourrons leur proposer d’ouvrir un CVE pour les rendre acteurs de ce projet, reporter dessus tous leurs anciens vaccins (validés ensuite par leur médecin) pour s’assurer que tout est à jour. » Outre la dématérialisation et donc l’accès à distance, à tout moment, de ces données qui peuvent être partagées par tous les professionnels de santé, le CVE présente l’avantage de diffuser des informations à jour. Les patients peuvent ainsi être alertés des rappels à faire, des vaccins nécessaires en fonction de leur état de santé, de leurs conditions de vie, de travail ou de leur entourage, et s’informer des dernières recommandations vaccinales, alors que le carnet de vaccination traditionnel colporte des informations parfois incomplètes (étiquette décollée, oubli de date…) et des recommandations obsolètes.

« Quand nos patients nous présentent leur carnet de vaccination – lorsqu’ils ne l’ont pas égaré ! –, bien souvent les indications sont illisibles… Ce problème sera levé avec le CVE. De plus, la traçabilité sera enfin sécurisée, alors qu’elle fait défaut aujourd’hui puisque, dans le cas du vaccin contre la grippe, nous remettons simplement un bordereau au patient stipulant que nous avons réalisé le vaccin, qu’il doit remettre à son médecin. »

Rémunérer cet acte

Si Lucien Baraza se dit persuadé de l’intérêt du CVE pour le patient, reste à convaincre ses collègues. « L’argument réel est de favoriser la prévention, comme le fait la campagne Immuniser.Lyon. La grippe tue, ne l’oublions pas ! Mais, vis-à-vis des infirmiers, l’argument sera financier. L’injection d’un vaccin réalisée dans le local de l’infirmier est rémunérée 6,30?euros. Si, pour ce même tarif, nous devons prendre le temps d’ouvrir un CVE, les infirmiers ne le feront pas. Une enveloppe est prévue dans le cadre de l’expérimentation pour couvrir le temps passé. Ensuite, il faudra que les syndicats se battent pour que cela soit reconnu. »