L’injection de médicaments, geste courant et presque banal pour les Idels, n’est pas sans risque car aucun patient n’est à l’abri d’une réaction allergique pouvant évoluer en choc anaphylactique. Une urgence que l’infirmière doit anticiper.
De nombreux produits parmi ceux que les Idels injectent sur prescription médicale chaque jour sont potentiellement pourvoyeurs de réactions d’hypersensibilité généralisée ou systémique d’origine allergique (IgE-médiée, allergie médiée par les immunoglobulines E) ou non allergique (non IgE-médiée) dont le caractère aigu et l’évolution imprévisible vers un choc anaphylactique potentiellement fatal nécessite une intervention thérapeutique d’urgence. « Parmi ces produits, les antibiotiques (pénicilline en particulier), les anti-inflammatoires, les gamma-globulines humaines et les vaccins sont à risque de choc anaphylactique quel que soit le mode d’injection, indique Nicolas Schinkel, Idel à Mandeuvre (Doubs) et attaché au corps des sapeurs-pompiers depuis une vingtaine d’années. Même si ce risque est relativement rare
Selon la classification de Ring et Messmer retenue par la HAS
→ Grade 1 : signes cutanés, érythème généralisé, urticaire, angiœdème. À noter : bien que les réactions cutanées comptent parmi les premiers signes d’une réaction anaphylactique, leur survenue n’est pas à elle seule suffisante pour poser le diagnostic d’anaphylaxie. Elles justifient néanmoins d’interrompre l’injection par précaution et de prendre avis du médecin régulateur du Samu.
→ Grade 2 : symptômes quantifiables mais ne menaçant pas la vie : signes cutanés, hypotension, tachycardie, difficultés ventilatoires, toux, difficultés à gonfler les poumons.
→ Grade 3 : symptômes menaçant la vie : collapsus, tachycardie ou bradycardie, arythmies, bronchospasme.
→ Grade 4 : arrêt cardiaque et/ou respiratoire.
En général, l’anaphylaxie peut être supposée lorsqu’une réaction cutanée et/ou muqueuse coexiste avec une autre dysfonction organique telle que des troubles respiratoires, une chute de la pression artérielle ou des troubles gastro-intestinaux (dysphagie, crampes abominales, vomissements, diarrhées)
En situation d’urgence, le médicament de référence est l’adrénaline (lire l’encadré). Depuis l’arrêté du 23 décembre 2013
L’adrénaline se présente sous deux formes :
→ ampoule de 1 mg/1 ml, boîte de 10 ampoules, durée de conservation : 18 mois ;
→ stylos injecteurs (type stylo à insuline) dosés à 0,15 mg/0,30 ml solution injectable (en dessous de 15 kg) et 0,30 mg/0,30 ml (au-dessus de 15 kg) : Anapen, Epipen, Jext.
À noter : les durées de conservation varient d’une marque à l’autre et en fonction des dosages pour Anapen et Epipen.
L’adrénaline doit être conservée à l’abri de la lumière et à température ambiante ne dépassant pas 30 °C.
L’Idel ne peut faire usage de l’adrénaline qu’après accord et prescription orale téléphonique du médecin régulateur du Samu qu’elle doit joindre dès l’apparition des premiers symptômes. Le fait de disposer de l’antidote lui permet d’appréhender la situation plus sereinement et de mettre en place l’ensemble du protocole et les mesures conservatoires pour préserver les fonctions vitales en attendant l’arrivée du Smur, soit en pratique :
→ installer le patient en position demi-assise (patient conscient avec signes de détresse respiratoire) ou en décubitus dorsal en surélevant les jambes (patient conscient + chute de tension) ;
→ vérifier si les voies aériennes sont libres et contrôler les paramètres vitaux : pouls, pression artérielle, fréquence respiratoire, SpO2 (saturation pulsée en oxygène) ;
→ si possible, recueillir auprès du patient ou de son entourage les informations concernant des antécédents de réactions allergiques, les pathologies et traitements connus ;
→ informer le médecin régulateur : médicament injecté, symptômes, constantes, état de conscience, orientation spatio-temporelle ;
→ demander accord et dosage d’adrénaline à injecter. La dose initiale généralement prescrite est :
– pour un adulte : 0,3 mg (sauf cas particulier à voir avec le médecin régulateur). Diluer 1 mg d’adrénaline dans 9 ml de NacL 0,9 %. 1 ml de la solution représente 0,1 mg. Injecter 3 ml en intramusculaire ;
– pour un enfant : 0,01 mg/kg sans dépasser 0,3 à 0,5 mg
→ l’injection intramusculaire (cuisse, bras, paroi abdominale) doit être privilégiée car l’absorption de l’adrénaline est plus rapide et permet d’obtenir plus vite des concentrations plasmatiques plus élevées qu’en sous-cutané ;
→ tout au long de la procédure, l’Idel doit rester en contact avec le Samu pour pouvoir prendre toute disposition (réinjections éventuelles, mesures de réanimation…) justifiée par l’évolution de l’état du patient dans l’attente de l’équipe du Smur.
À noter : au-delà du choc anaphylactique, l’Idel peut utiliser cette procédure, dans les mêmes conditions d’administration, c’est-à-dire après accord et prescription orale téléphonique du médecin régulateur du Samu, en cas d’arrêt cardiovasculaire ou de détresse cardiorespiratoire avec état de choc, circonstances dans lesquelles l’adrénaline est le traitement d’urgence requis comme l’indiquent les recommandations professionnelles édictées par les sociétés savantes en médecine d’urgence, anesthésie et réanimation
(1) “Conduite à tenir après le traitement d’urgence d’une suspicion d’anaphylaxie”, Service des bonnes pratiques professionnelles, Haute Autorité de santé, octobre 2013, via le lien raccourci bit.ly/1YpxLY9
(2) Arrêté ajoutant l’adrénaline injectable à la liste des médicaments délivrés sur commande à usage professionnel aux Idels (article R5132-6 du Code de santé publique).
(3) Arthur Helbling, “Traitement d’urgence du choc anaphylactique”, Forum Med Suisse 2011 ; 11 (12) : 206-212, via le lien raccourci bit.ly/1VVrQfB
(4) “Protocoles infirmiers de soins d’urgence”, Société française d’anesthésie et de réanimation, Société de réanimation de langue française, Conseil français de réanimation cardiopulmonaire, Club des anesthésistes-réanimateurs et urgentistes militaires, via le lien raccourci bit.ly/1ZLVja7
• Si vous n’arrivez pas à joindre le Samu, sachez que l’article R 4311-14 du Code de santé publique vous autorise à « mettre en œuvre tous les moyens appropriés pour sauvegarder la vie du patient » à partir du moment où vous n’avez pas pu joindre les secours.
L’auteur déclare ne pas avoir de lien d’intérêts.
L’adrénaline ou épinéphrine est une hormone secrétée par les glandes surrénales qui appartient à la famille des catécholamines (noradrénaline, dopamine). Aux doses et modes d’administration recommandés, son injection en situation d’urgence entraîne une cascade de réactions ayant des effets conservateurs des fonctions vitales : accélération du rythme cardiaque, renforcement de la contractilité myocardique, élévation de la pression artérielle, bronchodilatation favorisant l’oxygénation des muscles et du cerveau, élévation du glucose sanguin. À dose thérapeutique, elle peut être à l’origine d’effets indésirables transitoires (pâleur, frissons, anxiété, palpitations, vertiges) que l’Idel doit connaître pour rassurer le patient mais qui en aucun cas ne doivent compromettre le traitement en situation d’urgence vitale. Des effets indésirables graves (œdème pulmonaire, crise hypertensive) ne sont observés qu’en cas de surdosage, en particulier en cas d’utilisation de la voie intraveineuse
* Arthur Helbling, “Traitement d’urgence du choc anaphylactique”, Forum Med Suisse 2011 ; 11 (12) : 206-212, via le lien raccourci bit.ly/1VVrQfB