L'infirmière Libérale Magazine n° 326 du 01/06/2016

 

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FICHE PRATIQUE

Le droit pénal est dominé par le principe de légalité : il ne peut y avoir de poursuites dans ce domaine que sur le fondement d’un texte précis. L’objectif de l’action en responsabilité pénale est avant tout la punition d’un coupable présumé, même si cette action s’accompagne le plus souvent d’une action civile en dommages-intérêts.

À l’instar de tout citoyen, l’infirmière libérale est responsable des infractions qu’elle peut commettre. La responsabilité pénale, en matière médicale, est le plus souvent fondée soit sur un texte général incriminant l’homicide ou les blessures involontaires, soit sur un texte particulier : non-assistance à personne en péril, mise en danger de la vie d’autrui, etc. Une infraction pénale (crime, délit ou contravention) justifie l’application par le tribunal judiciaire de la sanction pénale prévue par la loi (amende, prison, peines complémentaires éventuelles au titre desquelles peut notamment figurer l’interdiction d’exercer).

Les atteintes involontaires à l’intégrité de la personne

Une infirmière pourra être poursuivie et condamnée si par maladresse (manque d’habileté, de dextérité, de savoir-faire dans l’exercice de sa profession), imprudence, inattention, négligence (erreur de posologie, dans la technique d’administration d’une perfusion…), elle cause la mort d’autrui (homicide involontaire) encourant alors une peine de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende (article 221-6 du Code pénal). Si un patient est victime d’une incapacité totale de travail supérieure à trois mois, l’infraction est punie d’une peine de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende (article 222.19 du Code pénal).

Rappelons que, conformément à l’article R. 4311-7 du Code de la santé publique (CSP), l’infirmière doit appliquer les prescriptions du médecin. Certes, mais l’article R. 4312-29 du CSP prévoit également que « l’infirmière applique et respecte la prescription médicale écrite, datée et signée par le médecin prescripteur (…). Elle doit demander au médecin prescripteur un complément d’information chaque fois qu’elle le juge utile, notamment si elle estime être insuffisamment éclairée ». L’infirmière n’est pas tenue d’exercer un contrôle technique sur la prescription médicale. Elle doit cependant vérifier qu’elle ne présente pas un danger pour le patient. Si les prescriptions ou les dosages inscrits sur l’ordonnance ne lui semblent pas conformes, elle doit se renseigner auprès du praticien avant d’appliquer la prescription.

Manquement délibéré à une obligation de sécurité ou de prudence et mise en danger de la vie d’autrui

« Le fait d’exposer directement autrui à un risque immédiat de mort ou de blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente par la violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende » (article 223-1 du Code pénal). Le délit est constitué par le seul fait d’exposer autrui à un danger : la réalisation du dommage n’est pas nécessaire pour qu’il y ait poursuite.

→ Ainsi, une infirmière est chargée des soins de Mme Z., diabétique. Elle doit procéder à trois injections quotidiennes d’insuline, conformément à la prescription du médecin, après avoir contrôlé le taux de glycémie de la patiente. Or la patiente finit par présenter une rétinopathie de l’œil droit, constituant une séquelle imputable en partie, selon elle, à l’absence des trois injections. L’infirmière avouera n’avoir procédé qu’à une seule injection quotidienne d’insuline. Pour les juges, la professionnelle a directement exposé la patiente à un risque immédiat de mort ou de blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente, risque connu,lié à un traitement du diabète et notamment celui de la rétinopathie, cause possible de cécité (Cass. Crim. 06/09/2005 - 04-86-347).

→ Autre affaire : un infirmier libéral a été condamné à 18 mois d’interdiction d’exercer sa profession pour avoir commis de nombreuses fautes dans l’administration d’un médicament spécifique (surdosage, non-respect des conditions d’asepsie), s’affranchissantà cette occasion des obligations de prudence et de sécurité qui s’imposaient à lui. Les juges ont considéré que ces fautes étaient bien de nature à exposer le patient à un risque grave de mort ou de blessures pouvant entraîner une infirmité permanente.

Véronique Veillon

→ Juriste en droit pénal et droit de la santé

→ Formatrice en secteur libéral et hospitalier www.sokobel.com