L’infirmière et les tribunaux - L'Infirmière Libérale Magazine n° 327 du 01/07/2016 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 327 du 01/07/2016

 

JURIDICTIONS

Votre cabinet

Me Geneviève Beltran*   Véronique Veillon**  

Une infirmière libérale peut commettre des fautes, notamment dans l’application de la NGAP, qui relèveront, en fonction de leur nature et du montant du préjudice, de juridictions très différentes, un même fait pouvant être poursuivi devant plusieurs tribunaux. Présentations.

Le tribunal correctionnel

Le tribunal correctionnel est chargé de juger les délits (tels que le vol, l’escroquerie, l’abus de confiance, les coups et blessures graves, etc.) et de se prononcer sur les demandes d’indemnisation présentées par les victimes.

Pour quels types d’affaires une infirmière peut-elle se retrouver devant ce tribunal ?

En cas d’atteintes involontaires à l’intégrité de la personne, l’infirmière peut être poursuivie et condamnée pour avoir blessé ou causé la mort d’un patient par maladresse, imprudence, inattention ou négligence. Il peut lui être reproché un manquement délibéré à une obligation de sécurité ou de prudence et avoir mis ainsi en danger la vie d’autrui. Ces infractions et leurs conséquences ont été exposées dans notre dernier numéro. Mais, le plus fréquemment, les infirmières libérales qui sont jugées devant ce tribunal s’y retrouvent après une plainte déposée par la Sécurité sociale auprès du parquet qui a décidé de les poursuivre. Cette plainte fait le plus souvent suite à une enquête menée par l’Assurance maladie sur l’activité de la professionnelle : contrôle de ses demandes de paiement et auprès des patients. Sous le vocable de “fraude à l’Assurance maladie” que l’on lit dans la presse généraliste, sont regroupés les agissements suivants : le faux et usage de faux en écriture (le plus souvent falsification d’ordonnances), les actes fictifs (soins facturés mais n’ayant pas été exécutés), les déplacements facturés mais non réalisés, etc. Il peut également lui être reproché une complicité d’exercice illégal de la profession, lorsqu’elle se fait aider par un tiers (étudiante infirmière ou toute autre personne) de manière occulte tout en facturant elle-même les actes.

Quelles sanctions ?

Les sanctions prononcées par le tribunal peuvent être une condamnation à de la prison avec ou sans sursis, une amende et éventuellement une interdiction d’exercice de la profession à titre libéral pour une durée limitée ou définitive.

Dans ces affaires, la caisse primaire d’Assurance maladie se porte partie civile et l’infirmière est également condamnée à lui rembourser la totalité du préjudice subi, correspondant aux montants indûment versés.

Le tribunal de grande instance

Cette juridiction tranche les litiges entre personnes privées. S’agissant des Idels, ces différends peuvent porter sur des cessions de patientèle, des détournements de clientèle, des clauses de non-concurrence non respectées et, de manière générale, sur toute inexécution ou mauvaise exécution de contrats.

Les magistrats peuvent décider la nullité des contrats passés et/ou la condamnation au paiement de dommages et intérêts.

Ce tribunal est également compétent pour décider de la mise en redressement ou en liquidation judiciaire d’un praticien libéral qui ne peut plus faire face à ses dettes professionnelles et qui “dépose son bilan”.

Le tribunal administratif

Il s’agit d’une juridiction de première instance de l’ordre administratif, notamment chargée de résoudre les litiges opposant des personnes privées à des personnes publiques (administration, collectivité territoriale, établissement public…). Ainsi, toute mesure de mise hors convention prise par l’Assurance maladie contre une Idel est attaquable devant le tribunal administratif.

Le tribunal des affaires de Sécurité sociale

Le Tass juge notamment les litiges issus de « l’inobservation des règles de tarification ou facturation des actes, prestations, produits et frais de transport, donnant lieu à remboursement, ou en cas de facturation en vue de remboursement par les organismes d’Assurance maladie d’un acte non effectué ou de prestations ou produits non délivrés » (article L133-4 du Code de la Sécurité sociale). Une infirmière se tourne vers le Tass dès lors que l’Assurance maladie lui réclame le remboursement d’un indu, à savoir une somme qu’elle lui aurait indûment payée. Mais, au préalable, l’infirmière devra avoir saisi, sans succès, la Commission de recours amiable. Le Tass pourra également être saisi d’une opposition à une contrainte prise par la caisse d’Assurance maladie si la professionnelle n’a pas contesté la demande de remboursement de l’indu et ne l’a pas payé. La loi portant application des mesures relatives à la justice du XXIe siècle, actuellement en cours de discussion devant le parlement, devrait modifier les règles relatives à l’organisation judiciaire en matière de Sécurité sociale. Les contentieux traités par les Tass devraient être gérés par un pôle social créé au sein du tribunal de grande instance de chaque chef-lieu de département. Des ordonnances devront être prises pour préciser les contours de cette réforme qui interviendrait avant la fin de l’année 2018.

La section des assurances sociales des chambres disciplinaires des Ordres professionnels

Ce sont des juridictions administratives spécialisées, chargées du contentieux du contrôle technique, qui comprennent des représentants de la profession de santé concernée et des organismes d’Assurance maladie. Elles sont saisies directement et uniquement par l’Assurance maladie après enquête effectuée auprès des professionnels.

Avant le 1er janvier 2015, la section des assurances sociales de l’Ordre des médecins était compétente pour juger les infirmières. Depuis, celles-ci sont jugées par les sections des assurances sociales de l’Ordre des infirmiers.

Ces juridictions ont pour mission d’examiner les fautes, fraudes et abus relevés à l’encontre des professionnels de santé ainsi que tout fait intéressant l’exercice de la profession, à l’occasion des soins dispensés aux assurés sociaux. Ainsi, lors de facturation d’actes surcotés ou non réalisés (Conseil d’État du 30 décembre 2015, n° 384117).

Ces sections peuvent, aux termes de l’article L145-5-2 du Code de la Sécurité sociale, prononcer ces sanctions :

→ l’avertissement ;

→ le blâme, avec ou sans publication ;

→ l’interdiction temporaire ou permanente, avec ou sans sursis, du droit de donner des soins aux assurés sociaux ;

→ le reversement aux organismes de Sécurité sociale du trop-perçu.

Le conseil de l’Ordre infirmier

Le conseil de l’Ordre infirmier peut être contacté par les patients qui souhaitent que le comportement de leur infirmière, qu’ils estiment inapproprié, soit sanctionné par ses pairs. Mais, le plus souvent, les conseils départementaux sont actuellement destinataires de réclamations déposées par les collègues en vue d’une conciliation. Si aucune solution n’est possible, la plainte peut être transmise aux chambres disciplinaires des conseils régionaux de l’Ordre infirmier qui sont des juridictions administratives constituées de conseillers ordinaux élus et d’un magistrat qui les préside.

Si la chambre disciplinaire constate la réalité de l’infraction commise par l’infirmière, cette dernière peut encourir :

→ un avertissement ;

→ un blâme ;

→ une interdiction d’exercice, temporaire pour une durée maximum de trois ans, ou permanente, avec ou sans sursis.

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