L’arthrose - L'Infirmière Libérale Magazine n° 328 du 01/09/2016 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 328 du 01/09/2016

 

Rhumatologie

Cahier de formation

Le point sur

Nathalie Belin*   Dr Laurent Grange**  

L’arthrose peut entraîner un handicap fonctionnel important, surtout lorsqu’elle touche le genou, la hanche ou les doigts. Sa prise en charge associe traitements à visée antalgique et mesures hygiéno-diététiques.

L’arthrose est une pathologie articulaire dégénérative faisant partie du groupe des maladies rhumatologiques. Toutes les articulations peuvent être atteintes mais certaines localisations peuvent être plus gênantes et handicapantes en limitant le périmètre de marche et les activités quotidiennes : le genou (gonarthrose), la hanche (coxarthrose) et les mains (arthrose digitale et rhizarthrose au niveau du pouce).

Rappel de physiopathologie

→ L’arthrose se caractérise par une dégradation progressive du cartilage puis peu à peu de toutes les structures de l’articulation. Du fait d’une inflammation chronique, la matrice cartilagineuse est modifiée en quantité et en qualité.

→ L’os sous-chondral (juste sous le cartilage) subit des remaniements avec apparition de lésions osseuses : les ostéophytes (excroissances osseuses) et les géodes (cavités au niveau de l’os, visibles à la radio).

→ La membrane synoviale s’enflamme et peut sécréter de grandes quantités de liquide articulaire. L’articulation augmente de volume, devient chaude et douloureuse : c’est l’épanchement de synovie ou hydarthrose correspondant à une poussée inflammatoire de l’arthrose au cours de laquelle la destruction du cartilage est plus rapide.

Facteurs de risque

C’est l’accumulation de plusieurs facteurs qui favorisent la survenue de l’arthrose.

→ Facteurs constitutionnels : âge, sexe féminin (l’arthrose des mains et des genoux est plus fréquente après 65 ans chez la femme que chez l’homme), facteurs génétiques dans l’arthrose des doigts et du genou.

→ Facteurs mécaniques : excès de poids (facteur de risque de gravité majeur de l’arthrose du genou), pathologies ou déformations articulaires (infections, rhumatismes inflammatoires, dysplasie de hanche, anomalie de l’axe des jambes…), microtraumatismes répétés, fractures, luxations…

→ Facteurs biologiques : le rôle des adipokines et des cytokines sécrétées par le tissu adipeux et produites en plus grande quantité chez les personnes obèses, est de plus en plus évoqué. Il explique que, chez les personnes obèses, l’arthrose est également plus fréquente au niveau des mains (pas seulement au niveau de la hanche ou du genou où s’exercent les contraintes de l’excès de poids). « On commence à parler de l’arthrose comme faisant partie du syndrome métabolique », explique le Dr Laurent Grange, président de l’Association française de lutte antirhumatismale.

Signes cliniques et diagnostic

→ Douleur. Elle est de type mécanique (apparaissant en fin de journée ou après un effort, calmée par le repos). Elle peut nécessiter un “dérouillage matinal”, mais pas plus de quelques minutes, contrairement aux arthrites. Lors des périodes de poussées inflammatoires, la douleur persiste même au repos.

→ Enraidissement et déformations. Petit à petit, l’articulation s’enraidit et des déformations articulaires (ostéophytes) peuvent survenir, surtout au niveau des doigts, limitant certains mouvements.

→ Évolution. L’évolution classique est lente et progressive, émaillée de poussées inflammatoires. Certaines formes d’arthrose sont toutefois d’évolution rapide, avec destruction complète du cartilage en quelques mois.

→ Radiographie. C’est l’élément clé pour poser le diagnostic. Le recours à d’autres examens (scanner, échographie, IRM…) n’est utile qu’en cas de doute pour rechercher une autre origine de la douleur.

Prise en charge

L’objectif est de soulager la douleur et d’aider à préserver l’amplitude articulaire et la qualité de vie. « Aucun traitement n’a une grande efficacité à lui seul mais la combinaison de mesures médicamenteuses et non médicamenteuses permet d’agir efficacement sur la douleur et de freiner l’impact de la maladie », souligne le Dr Grange.

Antalgiques par voie générale

Le paracétamol, même si son efficacité est modérée, est privilégié. En cas d’échec, les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) sont indiqués en cures courtes, à la dose minimale efficace au cours des poussées douloureuses. Au long cours, ils augmentent le risque cardiovasculaire et leur utilisation doit se faire avec prudence chez les patients ayant des comorbidités (hypertension artérielle, diabète, tabagisme, dyslipidémie…). Les opioïdes faibles sont utilisés de façon exceptionnelle (risque de chute chez les personnes âgées).

Antalgiques par voie locale

Les AINS topiques, bien tolérés, sont utiles dans l’arthrose des mains ou des genoux. Les injections intra-articulaires de corticoïdes sont indiquées lors de poussées douloureuses avec un épanchement articulaire, lorsque les AINS sont insuffisants. Leur action est rapide (24 à 48 heures) mais de courte durée (8 à 12 semaines en moyenne). Les injections intra-articulaires d’acide hyaluronique (ou “visco-supplémentation” ou “visco-induction”) sont prises en charge dans la gonarthrose, une fois par an et par genou. Leur action n’apparaît qu’après quelques semaines mais peut persister plusieurs mois ou années.

Anti-arthrosiques symptomatiques d’action lente (Aasal)

Chondroïtine (Chondrosulf, Structum…) ; insaponifiables d’avocat et de soja (Piasclédine…) ; glucosamine (Structoflex, Voltaflex, Dolenio, Flexea…) ; diacéréine (Art 50, Zondar…), dont le rapport bénéfice/risque est défavorable (diarrhées, allergies cutanées, cytolyse hépatique). D’action différée (après plusieurs mois de prise quotidienne), tous ces traitements ont été déremboursés du fait d’une efficacité jugée trop modeste. « Ils ne diminuent quasiment pas la vitesse de destruction du cartilage mais soulagent toutefois la douleur de certains patients et peuvent être essayés », précise le Dr Grange. Si aucune amélioration n’est constatée après trois mois, inutile de poursuivre les prises ; essayer plutôt une autre référence.

Mesures non pharmacologiques

Elles occupent une place prépondérante.

→ Perte de poids. C’est l’objectif principal chez le patient obèse ou en surpoids atteint d’arthrose et encore plus lorsqu’il s’agit du genou ou de la hanche.

→ Activité physique et rééducation (kinésithérapie). Action bénéfique à court terme sur la douleur et au long cours sur le renforcement musculaire, l’équilibre et la mobilité articulaire. Les exercices ne doivent être effectués qu’en dehors des poussées douloureuses.

→ Aides techniques. Canne ou béquille, orthèses de genou ou digitale (de repos ou d’activité) soulagent l’articulation et réduisent la douleur lors d’activités. Des semelles amortissantes sont utiles en cas d’arthrose de la hanche ou du genou.

→ Autres. Cures thermales et acupuncture peuvent avoir une efficacité. La pose d’une prothèse articulaire n’est envisagée qu’en dernier recours.

Conseils

→ Mettre en place précocement de bons réflexes (perte de poids, activité physique régulière…) afin de limiter l’évolution de la maladie.

→ En cas d’arthrose de la hanche ou du genou, prévoir des chaussures souples, confortables, à semelles épaisses (type tennis).

→ Attention aux plantes et compléments alimentaires : harpagophytum et saule blanc déconseillés en cas d’antécédents d’ulcère gastroduodénal ; reine des prés et saule blanc contre-indiqués en cas d’allergie aux salicylés et pouvant interférer avec les traitements anticoagulants, de même pour les oméga-3. Soufre organique, silicium, antioxydants, oméga-3 n’ont pas prouvé à ce jour leur efficacité dans l’arthrose.

L’auteur déclare ne pas avoir de lien d’intérêts.