ÉTUDE > Dès ce mois de septembre, une expérimentation est menée dans une cinquantaine de supermarchés français afin de choisir, parmi quatre logos, le futur système d’étiquetage nutritionnel graphique le plus efficace pour faciliter le choix d’achat alimentaire du consommateur.
L’objectif affiché par le ministère de la Santé est à la fois d’améliorer la composition du panier alimentaire des Français, et plus spécifiquement celui des ménages défavorisés, par une information nutritionnelle simple à analyser, ainsi que d’apporter une réponse à l’augmentation du nombre de Français en surpoids et diabétiques.
Menée par le Fonds français pour l’alimentation et la santé (FFAS), une organisation professionnelle de l’industrie agroalimentaire, cette expérimentation a été officiellement définie dans un décret publié au Journal officiel le 21 juillet. C’est avec la loi de modernisation de notre système de santé (article 14) et le Plan national santé environnement (PNSE) que le gouvernement a affiché cette volonté d’un logo ; la règlementation européenne rend possible, mais non obligatoire, cet étiquetage.
Quatre logos sont testés : deux logos descriptifs qui renseignent sur la teneur des aliments en sel, gras, sucre, etc., et deux logos dits “synthétiques”, créés par les scientifiques et industriels français, basés sur des codes couleurs. La ministre de la Santé a décidé d’évaluer ces quatre systèmes, validés par l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses), en « conditions réelles d’achat » pour déterminer celui qui apparaîtra comme le plus adapté à l’information des consommateurs.
Le nouvel étiquetage doit en effet rendre plus compréhensibles les informations actuelles qui détaillent la quantité de glucides, protides ou encore lipides. L’étude, financée par les pouvoirs publics, se déroule sur dix semaines. Cinquante grandes surfaces sont tirées au sort, testent, par groupes de dix, l’une des quatre signalétiques, tandis que dix d’entre elles n’ont pas de logo. Dans chaque magasin, plus de 800 produits sont étiquetés et à chaque fois tous les produits d’une même gamme. Les résultats de l’étude sont attendus pour décembre. L’Anses devrait ensuite rendre un nouvel avis scientifique étayé qui sera suivi, début 2017, de la recommandation des pouvoirs publics pour une mise en place sur les emballages par les producteurs d’aliments au cours du premier semestre 2017.
Le Dr Brigitte Rochereau
Florence Lavandier
Quant à ceux qui ont des pathologies déclarées, « notre objectif est de les rendre autonomes, de leur apprendre à se repérer sur les choix alimentaires, et donc de comprendre l’étiquetage nutritionnel », explique-t-elle. Or, actuellement, l’étiquetage est complexe et davantage compréhensible par les professionnels de santé. « Pour l’instant, nous faisons de la “traduction” aux patients, rapporte-t-elle. Si les étiquettes mentionnent le sucre, le sel ou le gras, c’est plus compréhensible pour eux. » Selon la diététicienne, le modèle idéal devrait associer des codes couleurs afin d’avoir une information visuelle accessible à la population en général, et une information “écrite” telle qu’elle existe aujourd’hui, « notamment pour le patient qui souhaite “aller plus loin” ». Mais, au final, ce sont les industriels qui décideront réellement de l’application ou non de ce nouveau logo, et donc de son impact.
* Le Dr Brigitte Rochereau et Florence Lavandier déclarent n’avoir aucun lien d’intérêts avec l’industrie agroalimentaire.
L’expérimentation n’était pas encore lancée que la polémique faisait déjà rage : Le Monde du 8 juillet a mis en exergue « une accumulation [de] conflits d’intérêts » entre l’industrie agroalimentaire et les comités scientifique et de pilotage de l’étude. Yves Lévy, le PDG de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), a démissionné en juillet du comité de pilotage co-présidé par le directeur général de la santé, le Pr Benoît Vallet, et par le président du FFAS, sans s’exprimer davantage sur les raisons de son départ. Selon Le Monde du 12 juillet, le fait que les « réserves et critiques » du responsable sur « la rigueur méthodologique de l’étude » n’aient pas été prises en compte par le comité de pilotage serait à l’origine de cette démission. Le Pr Vallet a, quant à lui, révélé, dans un entretien au Quotidien du médecin le 18 juillet, qu’Yves Lévy aurait pris cette décision en raison du départ de deux chercheurs de l’Inserm du comité scientifique « qui estimaient que le concept même de ce travail risquait de ne pas aboutir ». Le Pr Lévy aurait alors considéré qu’il n’apporterait pas grand-chose au comité de pilotage dans ces conditions. Le ministère de la Santé a reconnu l’existence d’un lobbying autour du logo nutritionnel. Mais le Pr Vallet a affirmé, toujours dans le même entretien, que le financement du volet scientifique de l’étude reposait strictement sur des fonds publics. Il a par ailleurs fait savoir qu’un représentant de la Commission européenne intégrerait le comité de pilotage – dont font également partie des représentants d’associations de consommateurs – afin de s’assurer que le logo préconisé par l’Anses à l’issue de l’expérimentation répondra aux recommandations européennes.
→ SENS (proposé par la grande distribution, à gauche)
Un système à quatre couleurs, comportant en outre une indication sur la fréquence de consommation. Il est construit à partir d’une classification réalisée sur la base de la teneur du produit en nutriments majeurs.
→ Nutri-Score / 5-C (mis au point par l’Inserm, à droite)
Un système à cinq couleurs, répartissant les produits en cinq catégories élaborées sur la base d’un score caractérisant la qualité nutritionnelle du produit à partir des teneurs en nutriments majeurs. Ce système est approuvé par le HCSP.
→ Nutri-Repère (défendu par le FFAS)
Il améliore le système déjà utilisé des “RNJ” (repères nutritionnels journaliers) visualisant la contribution en pourcentage et valeur absolue d’une portion d’aliment aux apports nutritionnels de référence en énergie, matières grasses, acides gras saturés, sucres et sel.
→ Traffic Lights
Système mis en œuvre au Royaume-Uni depuis plusieurs années, il est fondé sur une échelle à trois couleurs fournissant la contribution en pourcentage et valeur absolue d’une portion d’aliment aux apports nutritionnels de référence en énergie, sucre, sel, matières grasses et acides gras saturés.