Le ministère de la Santé peinait à s’imposer face aux médecins et aux industriels. Alors l’État a multiplié les agences… Dans le système sanitaire à la française, les organismes sont nombreux mais tendent aujourd’hui à se rapprocher. Quel rôle jouent-ils dans le paysage et quelle place pour les IDE ?
Après vingt mois de travail, une nouvelle agence de sécurité sanitaire, Santé publique France, a vu le jour le 1er mai. Outre la volonté de suivre la tendance au regroupement, l’objectif de cette création est aussi de doter la France d’une grande agence de santé publique, à l’instar des autres pays industrialisés - Centers for disease control and prevention aux États-Unis, Public Health England en Angleterre, Institut national de santé publique au Québec. Prévue par la loi de modernisation de notre système de santé de janvier 2016, Santé publique France regroupe quatre organismes : l’Institut national de veille sanitaire (InVS), l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé (INPES), l’Établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires (Éprus) et Addictions drogues alcool info service (Adalis). Cette dernière-née des grandes agences permet désormais à la Direction générale de la santé (DGS), service du ministère de la Santé, d’avoir à ses côtés un dispositif d’agences complet et mieux identifié.
Cette appétence pour les agences n’est pas propre à la France. Les pays anglo-saxons, dont l’Angleterre, en sont friands également. Cependant, leur création ne revêt pas la même finalité. « En Angleterre, les agences ont fait exploser les institutions étatiques, souligne Frédéric Pierru, sociologue et politiste. L’objectif était de débureaucratiser l’administration de la santé héritée de l’après-guerre et alors considérée comme la représentation d’une forme d’immobilisme et d’une incapacité à s’adapter ». Dans ces pays, l’administration a ainsi été éclatée en petites agences supposées être plus flexibles, plus responsables et plus souples.
En France, la création des agences est née d’une autre réalité : s’affranchir du pouvoir des médecins. « Historiquement, le ministère de la Santé était un nain administratif face à un géant médical, lance Frédéric Pierru. L’administration n’a pas réussi à se doter de corps techniques et prestigieux pour contrebalancer les élites de la profession médicale et les intérêts industriels. Elle a donc longtemps été une administration fragile structurellement et politiquement, dotée d’une faible expertise avec peu de moyens humains et matériels. » Avec un ministère de la Santé mi-ignoré, mi-méprisé, il n’y avait pas d’État sanitaire. Les agences ont donc été créées pour le renforcer. « Alors que de nombreuses administrations se sont construites, comme l’Éducation nationale, dès le XIXe siècle, les administrations de la santé n’ont pas existé avant les années 1970-1980 », complète Didier Tabuteau, responsable de la chaire Santé à Science Po Paris et co-directeur de l’Institut droit et santé. La crise de la sécurité sanitaire a été l’élément clef car, au moment du sang contaminé, « un rapport de l’Inspection générale de affaires sociales (Igas) de 1992 a notamment souligné “la très grande faiblesse” de l’administration de la santé », précise-t-il. C’était sans compter le scandale des hormones de croissance. L’État s’est donc saisi du problème et, à partir de cette époque, chaque crise, chaque scandale sanitaire, a donné lieu à la naissance d’une agence dédiée. « Les dates de création [proches les unes des autres] des instances montrent leur montée en charge », ajoute Michelle Bressand, infirmière de formation, actuelle conseillère générale des établissements de santé à l’Igas et ancienne membre de la commission nationale de matériovigilance et du Comité consultatif national d’éthique.
« L’agence est donc devenue la nouvelle forme de la bonne gouvernance de l’État », rapporte Frédéric Pierru. Mais le système connaît des imperfections puisque les agences sont à la fois dépendantes et indépendantes de l’État. « Elles sont en réalité des pseudopodes [prolongements courts émis par certaines cellules, en biologie] d’une administration faible », complète-t-il. Ces structures sont des établissements publics administratifs, financés par l’État, qui ont des objectifs sanitaires à remplir via des contrats d’objectifs et de moyens. « C’est là tout le paradoxe des agences d’inspiration anglo-saxonne dans un état jacobin comme la France, pointe du doigt le sociologue-politiste. Elles sont très politiques et symboliques. Et dès qu’il y a un scandale, elles sont rebaptisées et le directeur change. Mais ce n’est qu’une réponse médiatique, ce changement n’a pas d’influence sur les politiques publiques mises en œuvre. »
La multiplication des agences permet cependant de garantir et d’assurer l’indépendance de l’expertise et des savoirs de l’État, afin d’éviter les conflits d’intérêts dans la prise de décision. Il faut comprendre les décideurs politiques : si par exemple l’évaluation du médicament se faisait directement au niveau de l’État, il risquerait d’y avoir immédiatement des suspicions de conflits d’intérêts. Il n’y a qu’à voir l’exemple du sang contaminé avec l’accusation de l’ancien Premier ministre socialiste, Laurent Fabius (finalement relaxé). « En donnant une image d’indépendance, on ne peut pas accuser le politique d’avoir manipulé la situation », estime Frédéric Pierru. Et si une situation tourne mal, s’il y a un scandale sanitaire, c’est l’agence qui est mise en cause, avant même le cabinet du ministre. C’est un moyen de mettre à distance la décision, même si les agences sont proches de l’État. C’est le cas dans l’affaire du Médiator avec la mise en accusation de la Haute Autorité de santé (HAS).
Malgré tout, à la tête des agences, les directeurs jouissent d’une forte légitimité car ils ont la confiance du gouvernement via une nomination publique. « Certes, il y a des réseaux politiques, mais il ne faut pas croire que cela cache une absence de compétences, signale Frédéric Pierru. Le processus de décision est long. » En revanche, ils se trouvent dans une position ambiguë. D’ailleurs, en début d’année, la démission de Thomas Dietrich, haut fonctionnaire de 25 ans, secrétaire général de la Conférence nationale de santé, a fait grand bruit. Parti en claquant la porte, il a laissé derrière lui un opus d’une trentaine de pages dans lesquelles il dénonce la mainmise du ministère de la Santé sur le travail de cette structure.
L’administration de la santé qui était “squelettique” s’est donc renforcée grâce à ces agences. Cependant, aujourd’hui, le système sanitaire français se trouve dans une logique de fusion et de “rationalisation”, même si la coordination entre les agences est encore difficile. D’ailleurs, le 6 juillet dernier, la ministre de la Santé, Marisol Touraine, a annoncé, lors de l’assemblée plénière de la Conférence nationale de santé, vouloir « travailler à une meilleure synergie des acteurs de la démocratie en santé » pour « davantage de transversalité entre les directions, mais aussi entre le national et le régional ».
Le regroupement est une « étape de maturité, mais le processus n’est pas forcément terminé », considère Didier Tabuteau. En santé publique, il existe selon lui cinq pôles importants : la santé publique avec Santé publique France, les produits de santé avec l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, le pôle alimentation et environnement avec l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses, elle-même issue d’une fusion entre les ex-Afssa et Afsset), la sureté nucléaire avec l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire et enfin la pratique médicale et professionnelle qui regroupe l’Institut national du cancer, l’agence de la biomédecine et la HAS. « Ce dernier pôle est celui qui doit, selon moi, encore le plus évoluer », rapporte cet ancien directeur de cabinet du ministre de la Santé (1992-93 et 2001-2002) et aussi, entre autres, directeur général de l’Agence du médicament (1993-97). À côté des agences, des instances de concertation sont également mises en place par l’État pour obtenir des avis, des expertises et produire des rapports. Mais elles ne disposent pas de la personnalité morale. « Leur existence est une façon, pour le décideur politique, de ne pas paraître au centre du jeu, soutient Frédéric Pierru. On crée des instances de concertation pour élaborer un diagnostic commun et éventuellement aller vers des réformes communes. Mais c’est du brassage politique, à la différence des agences qui sont dotées d’une personnalité morale. » « J’ai toujours regardé cela avec un sourire, ajoute Michelle Bressand. Il y a vingt, trente ans, avoir autant de conseils, de hauts conseils, d’institutions, était une façon de botter en touche pour les politiques. Peut-être que leur existence était nécessaire à un moment donné pour faire face à un vrai sujet pour lequel il était utile d’avoir une instance réunissant toutes les parties prenantes. Mais lorsque le sujet est rodé, que la décision est prise, pourquoi ces conseils sont-ils conservés ? »
Qu’en est-il de la présence des infirmières au sein de ces agences et institutions ? Sont-elles sollicitées à des fins décisionnelles, consultatives ou d’exécution ? Leur présence est très “structure-dépendante”. Pour Christophe Debout, ancien enseignant-chercheur à l’École des hautes études en santé publique et actuellement directeur de l’Institut de soins infirmiers supérieurs, « il y a vingt-cinq, trente ans, la représentation infirmière était marquée et positionnée dans les structures, mais elle s’est effritée ». Et de poursuivre : « Il y avait quelques grands noms de la profession qui ont notamment occupé les postes de conseillères techniques au ministère de la Santé et qui ont fait progresser la réflexion sur la qualité des soins, ont eu une influence et ont été entendues par les décideurs. » Il était évident, à l’époque, d’avoir un positionnement fort et des initiatives nationales portées par des infirmières. À quoi est lié cet effritement ? Jusqu’en 1995, la prédominance de la profession infirmière dans les instances décisionnelles s’expliquait par la présence des “infirmières générales”. Depuis, cette fonction a évolué : elle a perdu sa spécificité infirmière et s’est “paramédicalisée” avec l’avènement des directeurs de soins. Autre moment parfois vécu difficilement par les infirmières : le basculement des Directions régionales des affaires sanitaires et sociales vers les Agences régionales de santé (ARS). Les conseillères techniques régionales ont dû trouver leur place dans cette nouvelle organisation et montrer combien leur expertise est essentielle aux activités des ARS.
S’ajoute à cette situation, selon Christophe Debout, un manque d’investissement de la jeune génération dans les premières années qui suivent leur entrée dans la vie professionnelle. Si certains étudiants s’investissent dans les organisations étudiantes durant leur parcours de formation, on constate souvent, après l’obtention du diplôme, une baisse de cet engagement. « Un constat qui me frappe énormément, c’est qu’il existe dans d’autres pays un concept central développé dès la formation des infirmières, le leadership, c’est-à-dire une capacité à emmener un groupe pour atteindre des objectifs, souligne-t-il. Cela n’existe pas en France. » Et d’expliquer : « On déplore ce problème de représentativité et on a des difficultés à faire en sorte que la voix infirmière soit écoutée. Mais cela ne serait-il pas lié au fait que ni les infirmières, ni les cadres ne sont formées au leadership et qu’on le confonde souvent avec le management ? » De même, il estime que la dimension politique de l’exercice infirmier n’est pas suffisamment développé. « Pourtant, nous disposons d’informations essentielles en étant au contact direct des populations », signale-t-il.
Un point de vue partagé par Michelle Bressand. « Dans notre formation initiale, il faut enseigner aux futures infirmières qu’elles peuvent être de celles qui prennent les décisions et pas uniquement être dans la réaction. Il faut faire la promotion de la profession, il faut les aider, les former et les décomplexer. »
Néanmoins, Michelle Bressand est convaincue que, si la présence des infirmières reste rare dans ces instances, ce n’est pas parce qu’elles ne le veulent pas, mais plutôt « parce qu’elles n’osent pas demander ou qu’elles ne sont pas bien organisées alors qu’il s’agit pourtant de la profession la plus dotée en nombre ». Et d’ajouter : « Lorsqu’on les sollicite, elles viennent, mais il ne faut pas oublier que, si on n’est pas salarié d’une instance, on n’est pas rémunéré pour notre présence. » Il faut donc avoir de la disponibilité. Pour une infirmière libérale, une réunion par mois implique de prendre un jour de congé, sans parler du temps de travail en parallèle et du déplacement. Contrairement aux infirmières, les médecins participent depuis longtemps aux travaux de ces instances. Mais il ne faut pas oublier que leur cursus leur permet de se spécialiser en santé publique, ce qui n’est pas possible dans la formation initiale des infirmiers. Il est pourtant important, pour Michelle Bressand, que les infirmières qui s’investissent dans ce champ possèdent une “vision” de toutes ces questions. « Elles ne peuvent pas débarquer dans ces structures sans savoir, estime-t-elle. Cela demande un vrai engagement intellectuel et du temps. » Elle conseille d’avoir suivi une formation en santé publique par exemple, ce qui peut être un réel avantage, notamment lorsque l’objectif professionnel n’est plus une simple participation à des réflexions, mais une réelle envie de s’engager professionnellement au sein de ces structures. Néanmoins, « en tant qu’infirmières, nous ne sommes pas encore habituées à nous dire que c’est primordial, nous privilégions encore notre travail », conclut-elle.
→ Direction générale de la santé (DGS) : prépare la politique de santé publique et contribue à sa mise en œuvre. Elle informe les professionnels de santé par le service DGS-urgent.
→ Direction générale de l’offre de soins (DGOS) : pense et construit l’offre de soins en concertation avec les décideurs institutionnels, les interlocuteurs professionnels, les représentants des patients et des usagers de la santé. La DGOS contribue à la définition des orientations nationales prioritaires du DPC.
→ Direction générale de la cohésion sociale (DGCS) : chargée de concevoir, proposer et mettre en œuvre des politiques et des actions destinées à la prise en charge et à l’accompagnement des personnes fragiles ou vulnérables.
→ Établissement chargé de participer au financement de l’aide à l’autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées, et garantir l’égalité de traitement.
→ Organisme interministériel chargé de fixer les prix des médicaments et les tarifs des dispositifs médicaux à usage individuel pris en charge par l’Assurance maladie obligatoire, notamment les DM prescriptibles par les Idels (pansements…).
→ Créée en 2016, elle a notamment pour mission de donner des avis aux pouvoirs publics, d’animer un réseau associatif, d’agir en justice et de représenter les usagers auprès des pouvoirs publics.
→ Créé en janvier 2016, il contribue à une meilleure connaissance des conditions de la fin de vie et des soins palliatifs, des pratiques d’accompagnement et de leurs évolutions.
→ Sous sa forme actuelle, il date de 2008. Il a une fonction consultative, optionnelle ou obligatoire, dans le cadre du processus législatif.
→ Ce corps interministériel, né en 1967, contrôle, audite ou évalue des structures et des politiques, et conseille les pouvoirs publics.
→ Créé en 1964, cet établissement à caractère scientifique et technologique est le seul organisme public de recherche français entièrement dédié à la santé humaine.
→ Instance d’expertise créée en 2004, il contribue à la définition des objectifs pluriannuels de santé publique, évalue la réalisation des objectifs nationaux, participe au suivi annuel et fournit une expertise à la gestion des risques sanitaires. Le HCSP avait par exemple approuvé le projet de décret autorisant les infirmières à vacciner contre la grippe sans prescription médicale hors primo-injection.
→ Créé en 1996, cet organisme consultatif placé auprès du ministre de la Santé permet aux acteurs du système de santé d’exprimer leurs points de vue sur les politiques de santé et favorise le dialogue entre les acteurs.
→ Créé en mai 2015 par la Fédération hospitalière de France, l’École des hautes études en santé publique et le Collectif interassociatif sur la santé et soutenu par les pouvoirs publics, il œuvre en faveur d’une plus grande implication des citoyens dans la définition des politiques publiques.
→ Instituée en 2007, cette instance placée auprès du ministre de la Santé promeut une réflexion interprofessionnelle sur les conditions d’exercice des professions paramédicales, l’évolution de leurs métiers, la coopération, la répartition des compétences, la formation et les diplômes, et la place dans le système de santé. Elle a ainsi donné un avis favorable au projet de code de déontologie de l’Ordre national des infirmiers.
→ Créé en 2004, cet établissement à caractère administratif encadre, accompagne, évalue et informe dans les domaines thérapeutiques utilisant des éléments et des produits du corps humain, à l’exception du sang.
→ Créées en 2009, elles assurent un pilotage unifié de la santé en région et doivent répondre aux besoins. Entre autres relations avec les Idels, les ARS les autorisent ou non à ouvrir un second cabinet.
→ Créée en juillet 2016, elle succède à l’Organisme gestionnaire du DPC (OGDPC) pour la formation des professionnels. Les Idels notamment.
→ Créé en 2011, cet établissement a pour mission d’offrir un accès équitable à l’innovation pour tous les patients et de garantir la sécurité des produits de santé. C’est auprès de l’ANSM que l’Idel déclare un effet indésirable.
→ Créée en 2009 pour la transformation numérique du système de santé. Elle délivre les cartes des professionnels (CPS).
→ Établissement administratif, cette agence créée le 1er mai 2016 a pour mission de protéger la santé des populations. Elle regroupe l’InVS, l’INPES, l’Eprus et Adalis.
→ Créé en 2010, cet établissement à caractère administratif assure des missions de veille, d’expertise et de recherche sur un large champ couvrant la santé humaine, animale et végétale.
→ Créée en 2004, cette autorité publique indépendante, anciennement Agence nationale d’accréditation et d’évaluation en santé, contribue à la régulation du système de santé par la qualité. La HAS est notamment chargée de donner son avis sur les protocoles de coopération entre médecins et infirmières.
Rose Derenne, infirmière de formation, adjointe au chef de service et chef de projet “indicateurs de processus”, à la HAS
« J’ai travaillé dans les établissements de santé pendant vingt ans. Puis j’ai souhaité une autre orientation encore plus en lien avec la qualité. J’ai donc suivi des formations en sociologie, en santé publique et en management en qualité à la HAS, où je suis arrivée en 2001. J’ai participé, entre autres, à l’installation de la procédure de certification des établissements puis travaillé au service de formation des professionnels de santé. Aujourd’hui, je suis adjointe dans le service des indicateurs, ces derniers ayant pour objectif d’améliorer la qualité et la sécurité des soins dans les établissements de santé. Tous les travaux menés par la HAS reposent sur des groupes de travail avec une représentation des professionnels libéraux et salariés. Il est parfois difficile d’identifier les libéraux, on passe alors par les syndicats qui relaient nos appels à candidatures. La structuration nationale des infirmières libérales [avec l’Ordre] est récente mais elle est l’avenir, car il faut une instance nationale installée et visible. »
Ljiljana Jovic, infirmière de formation et directrice des soins-conseillère technique régionale à l’Agence régionale de santé (ARS) Île-de-France
« Quel que soit le milieu dans lequel on exerce, je pense qu’il est important de toujours s’intéresser aux soins car il s’agit du fondement de notre métier. Je me suis tournée vers l’encadrement car il y avait peu de possibilité d’évolution de carrière ou de pratique avec la clinique. Puis, il y a une dizaine d’années, j’ai pris le poste de conseillère technique à la Drass, devenue ARS. J’assure un travail d’appui technique pour l’exercice professionnel et la qualité des soins, du côté des professions paramédicales, ainsi que des activités de gestion de projets et de mise en œuvre de politiques publiques. Les infirmières s’intéressent à la santé publique et un certain nombre font d’ailleurs le choix de travailler dans les ARS ou au ministère. Des infirmières suivent des études universitaires et prennent des postes de chargées de mission dans les agences. La mise à disposition de compétences singulières dans le domaine du soin est intéressante pour les agences ainsi que pour les infirmières par l’offre de possibilités d’évolution et de diversification de carrières. Mais ces dernières ne sont pas encore suffisamment identifiées. »
Quel est le rôle de la HAS ? Elle aide les pouvoirs publics à prendre des décisions ainsi que les professionnels de santé à améliorer leur pratique, en définissant des parcours de soins personnalisés et par des recommandations de bonnes pratiques cliniques. Elle assure aussi la diffusion d’une information adaptée sur la qualité des prises en charge dans les établissements de santé.
Les Idels sont-elles présentes en interne ? Elles sont représentées au sein des commissions comme la Commission nationale d’évaluation des dispositifs médicaux et des technologies de santé. Par ailleurs, la HAS est chargée d’évaluer les actes professionnels inscrits à la NGAP, sur la base d’une analyse de la littérature, des recommandations, de groupes de travail, etc. Il est important que les Idels s’engagent dans ces travaux afin d’agir collectivement pour favoriser une ouverture sur la ville et réussir le virage ambulatoire avec tous les professionnels de santé.
Avez-vous des attentes vis-à-vis des Idels ? Parmi les experts visiteurs de la HAS qui assurent les visites de certification des établissements de santé, un peu plus d’un tiers sont des soignants et surtout des infirmiers. Les activités d’hospitalisation à domicile connaissent des évolutions majeures et nous voudrions que les Idels participent encore plus au dispositif de certification.
Anita Vigouroux-Villard, infirmière de formation, coordinatrice d’études et d’appui scientifique à la direction de l’évaluation des risques, dans l’unité de phytopharmacovigilance, à l’Anses
« J’ai exercé vingt-trois ans en milieu hospitalier. En 1996, j’ai suivi une licence de santé publique et communautaire par curiosité intellectuelle et pour avoir une perspective professionnelle qui n’est pas classiquement proposée aux infirmières. J’ai été séduite par l’aspect pluridisciplinaire de la santé publique et son large champ d’investigation. J’ai ensuite suivi une maîtrise en santé publique, découvrant la santé environnementale. J’ai alors obtenu un poste de chargée de mission en CDD à l’Ineris
* Institut national de l’environnement industriel et des risques.
Dans un rapport rendu public en mai, la Cour des comptes accuse l’État de se défausser sur l’Assurance maladie en vue de « favorise[r] artificiellement » la maîtrise de ses dépenses. Elle pointe du doigt des transferts de compétences à hauteur de 150 millions d’euros. Trois transferts de charges majeurs ont été mis en évidence, dont un qui concerne les agences : le financement de la HAS, de l’Agence technique de l’information sur l’hospitalisation (Atih) et du Centre national de gestion (CNG) à hauteur de 20 millions d’euros. Ce transfert ne fait l’objet d’aucune compensation, et « doit être considéré à cet égard comme une pure et simple débudgétisation », selon la Cour des comptes. « Il induit de surcroît un affaiblissement de la capacité de pilotage de l’État à l’égard d’opérateurs essentiels des politiques de santé, et en particulier de la HAS, dont l’indépendance vis-à-vis de l’Assurance maladie risque d’être affaiblie. » Les rapporteurs s’interrogent sur l’expertise scientifique indépendante qu’est censée incarner la HAS, dès lors qu’elle a vocation à encadrer la mise en œuvre des politiques de santé largement pilotée par l’Assurance maladie. Cette dotation faisait toutefois suite à la loi de financement de la Sécurité sociale 2014 qui souhaitait mettre fin au financement de l’institution par des taxes versées par le secteur pharmaceutique.
François Bourdillon est à la tête de Santé publique France, lancée en mai. Il présente les actions de cette structure de 625 agents et 200 millions d’euros de budget, sous tutelle du ministère de la Santé.
InVs, INPES, Eprus et Adalis fusionnent : comment l’appréhendez-vous ? Cette fusion est le fruit d’un long processus de réflexion pour réduire le “millefeuille” des agences sanitaires. À l’image des autres grands pays industrialisés, il est important de pouvoir disposer d’un établissement de santé publique pour créer plus de synergies, plus de cohérence pour une meilleure attention à la santé de la population.
L’objectif est de créer un continuum entre les connaissances épidémiologiques et les interventions en prévention à mettre en place. La complémentarité des métiers va nous permettre de déployer des stratégies d’intervention innovantes mais aussi de produire et de renforcer les connaissances en matière de santé publique.
Quelles seront les prochaines actions que vous allez mener ? “Moi(s) sans tabac”, en novembre, est la grande opération de 2016. Inscrite dans le programme national de réduction du tabagisme, elle s’appuie sur de nombreux savoir-faire de l’agence : faire du marketing social, se fonder sur des données probantes, articuler le national et le régional, développer la fonction de plaidoyer, mettre en cohérence les actions, etc. Inspirée par une expérience anglaise, cette opération a pour but de motiver les fumeurs à arrêter de fumer pendant un mois. Elle s’appuie sur un grand dispositif de communication, et sur l’implication de tous, notamment des professionnels de santé.
Avez-vous justement des objectifs précis concernant les professionnels de santé ? Notre rôle est de les accompagner dans leurs missions de prévention. Pour cela, nous créons des outils pour soutenir les pratiques ou pour faciliter le dialogue avec les patients sur différents thèmes de prévention : nutrition, tabagisme, vaccination. Nous voulons également être leur interlocuteur référent pour les grands enjeux de santé publique : veille, surveillance, gestion de crise… Nous nous inscrivons dans une logique de dialogue et de concertation, qui doit nous permettre de mieux identifier les besoins des acteurs relais, pour mieux les accompagner dans leurs pratiques professionnelles.
→ Agence nationale d’appui à la performance des établissements de santé et médico-sociaux (Anap)
→ Agence nationale de l’évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux (Anesm)
→ Agence technique de l’information sur l’hospitalisation (Atih)
→ Établissement français du sang (EFS)
→ Institut national de la transfusion sanguine (INTS)
→ Institut national du cancer (INCa)
→ Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN)
→ Comité consultatif national d’éthique (CCNE)
→ Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees)
→ Institut de recherche et de documentation en économie de la santé (Irdes)
→ École des hautes études en santé publique (EHESP)
→ Alliance nationale pour les sciences de la vie et de la santé (Aviesan)
Etc.