L'infirmière Libérale Magazine n° 329 du 01/10/2016

 

Neurologie

Cahier de formation

Le point sur

Marie Fuks*   Pr Philippe Coubes**   Éric Borgeais***  

Après la mise en place d’une stimulation cérébrale profonde, la présence de matériel implanté impose de délivrer aux patients certaines consignes afin de limiter les risques post-opératoires et d’optimiser l’usage du dispositif.

Traitement chirurgical de référence dans les maladies du mouvement (maladie de Parkinson, syndromes dystono-dyskinétiques incluant la maladie de Huntington), la stimulation cérébrale profonde (SCP), ou neuromodulation électrique continue (voir son principe en encadré), peut également traiter certaines maladies du comportement (troubles obsessionnels compulsifs, compulsions alimentaires, dépressions sévères et maladie de Gilles de la Tourette). Les Idels peuvent être sollicitées en post-opératoire pour réaliser les soins de cicatrisation, les pansements et l’ablation des fils. Il est donc important qu’elles connaissent les contraintes, les précautions et les modalités d’utilisation associées au dispositif pour pouvoir accompagner, conseiller et rassurer les patients.

Prévenir les infections

Dans les trois mois qui suivent le retour à domicile, les zones opérées ne doivent pas être immergées de manière prolongée, afin de prévenir le risque de désunion des cicatrices et les infections sur matériel, qui obligent à le retirer dans la grande majorité des cas. Le patient doit donc respecter les consignes suivantes :

→ douche à la Bétadine rouge pendant un mois en protégeant les cicatrices abdominales avec du film transparent ;

→ lavage délicat des cheveux (pas plus de deux par semaine) à la Bétadine rouge pendant deux semaines puis avec un shampoing bébé pendant trois mois ;

→ ne jamais gratter les cicatrices.

À noter : gonflement, rougeur et/ou fièvre sont des signes d’alerte qui imposent de consulter rapidement.

Rappeler les contre-indications formelles et relatives

Strictement contre-indiqué

→ Les traitements par diathermie (kinésithérapeutes, dentistes…) : utilisée en regard du système conducteur, la chaleur peut conduire à des lésions cérébrales.

→ La coagulation monopolaire (risque de lésion lors de l’électrocoagulation). Le chirurgien devra opter pour le système bipolaire.

→ Les chocs électroconvulsants (en cas d’arrêt cardiaque, en psychiatrie) : ils sont conducteurs et présentent un risque pour le cerveau.

→ La proximité avec des objets ou dispositifs utilisant des aimants puissants capables d’arrêter le stimulateur (enceintes de boîtes de nuit, portillons de résidences à électro-aimants, sacoche avec un aimant puissant, portiques d’aéroports).

À noter : lorsque le passage d’un portique de magasin est incontournable, avoir le réflexe de contrôler le fonctionnement du stimulateur à l’aide de la télécommande.

→ Les sports susceptibles d’endommager le dispositif (boxe, rugby, karaté, judo…) ou de mettre le patient en danger en cas d’arrêt du matériel (plongée, saut en parachute…).

Autorisé avec précaution

→ L’IRM : l’examen doit être réalisé sous le contrôle de l’équipe implanteuse. Elle nécessite de programmer le stimulateur sur les paramètres de sécurité et de l’arrêter à l’aide de la télécommande. Le simple arrêt du stimulateur ne suffit pas. Le radiologue doit préalablement contacter ou adresser le patient à son neurologue pour effectuer le réglage du dispositif. Des appareillages implantables compatibles avec l’IRM sont à l’étude.

→ L’électromyogramme, l’électrocardiogramme, l’électro-encéphalogramme : ils peuvent être réalisés après arrêt du stimulateur afin d’éviter les artefacts qui rendent la lecture des tracés inexploitable.

→ Les métiers nécessitant l’utilisation de moteurs électriques puissants susceptibles de générer un champ électromagnétique capable d’arrêter le stimulateur. Une grande vigilance est alors nécessaire pour contrôler régulièrement le fonctionnement du dispositif.

Rassurer sur l’usage

Le scanner, la radiographie, l’échographie, la mammographie, de même que l’usage quotidien du téléphone portable, de l’ordinateur, du Wi-fi, du four à micro-ondes et des plaques à induction, sont compatibles avec la SCP. Par ailleurs, en dehors des contre-indications évoquées, les patients peuvent reprendre leurs activités sportives (de préférence accompagnés) et professionnelles normalement.

Contrôler l’utilisation du matériel

Tous les patients pratiquant la SCP disposent d’une télécommande qui leur permet de vérifier que le stimulateur fonctionne (en cas de recrudescence des symptômes(1) par exemple), mais aussi de l’arrêter et de le redémarrer si nécessaire (examen, arrêt intempestif…). Une fois posée au contact du stimulateur, la télécommande se connecte au dispositif, affiche un écran et émet un “bip” confirmant la connexion. En fonction de l’indication qui apparaît, “on” ou “off”, le patient manœuvre le bouton marche/arrêt de la télécommande pour rallumer ou éteindre le dispositif. Les patients équipés d’une SCP rechargeable(2) doivent apprendre à réaliser l’opération de rechargement. Elle peut être effectuée tous les jours, ce qui limite le temps d’immobilisation (pour ne pas altérer le couplage chargeur/stimulateur et la durée du chargement) ou tous les deux ou trois jours. Comme la télécommande, le chargeur se connecte par contact au stimulateur.

Poursuivre certains traitements

Si l’intervention n’est pas douloureuse à distance, certaines dystonies-dyskinésies généralisées provoquent d’intenses douleurs qui nécessitent, tant que l’effet de la SCP n’est pas parfaitement opérationnel, de poursuivre les protocoles antalgiques utiles à leur soulagement. De même, il est impossible de savoir d’emblée quelles améliorations réelles va apporter la SCP au même titre que tous les symptômes de la maladie de Parkinson ne répondent pas à ce traitement. Il faut donc bien expliquer aux patients qu’ils doivent poursuivre les traitements prescrits par leur neurologue.

L’auteur déclarene pas avoir de lien d’intérêts

(1) Tremblements, dystonies, dyskinésies, triade dopaminergique (tremblement-akinésie-rigidité) caractéristique de la maladie de Parkinson.

(2) Les stimulateurs rechargeables ont une durée de vie moyenne de neuf ans, contre trois à quatre ans pour les stimulateurs non rechargeables.

Principe de l’intervention

Actuellement, deux techniques sont validées.

La plus courante se pratique en deux temps : le premier consiste à introduire des électrodes au niveau des cibles cérébrales repérées par stéréotaxie et à réaliser des tests de stimulation peropératoires sur patient éveillé afin de s’assurer de l’efficacité du dispositif sur les symptômes. Dans un deuxième temps, le stimulateur électrique relié aux électrodes par une extension tunnelisée est implanté sous anesthésie générale en sous-thoracique, abdominal ou sous-mammaire.

L’autre technique, spécifique au CHU de Montpellier, repose sur l’utilisation exclusive de l’IRM et est entièrement réalisée sous anesthésie générale. « C’est un facteur technique de précision qui expose le patient à moins de risques de complications hémorragiques, explique le Pr Philipe Coubes, neurochirurgien à l’origine de cette technique. En outre, elle est beaucoup plus confortable et précise pour le patient et pour l’équipe chirurgicale lorsque le malade présente des mouvements anormaux incessants ou s’il s’agit d’un enfant. »