Les dyslipidémies - L'Infirmière Libérale Magazine n° 329 du 01/10/2016 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 329 du 01/10/2016

 

Endocrinologie

Cahier de formation

Le point sur

Nathalie Belin*   Pr Bruno Vergès**  

Les dyslipidémies constituent des facteurs de risque de maladies cardiovasculaires au même titre que le tabagisme, l’hypertension artérielle, le diabète et la sédentarité.

Rappels

Étant hydrophobes, les lipides sont transportés dans le sang sous la forme de macromolécules appelées lipoprotéines. On distingue :

→ les chylomicrons, qui transportent les lipides d’origine alimentaire vers le foie ;

→ les VLDL (Very Low Density Lipoprotein), riches en triglycérides, transformées en IDL (Intermediate Density Lipoprotein) et celles-ci en LDL (Low Density Lipoprotein) qui véhiculent essentiellement le cholestérol ; elles transportent les lipides produits par le foie vers les tissus périphériques ;

→ les HDL (High Density Lipoprotein), qui assurent le transport du cholestérol des tissus périphériques vers le foie et son excrétion biliaire. Cette fonction d’épuration du cholestérol explique leur rôle protecteur vis-à-vis de l’athérosclérose.

Différents types d’hyperlipidémies

→ Le profil de dyslipidémie fréquent dans les pays industrialisés est l’hypercholestérolémie pure. Vient ensuite l’hyperlipidémie mixte portant à la fois sur le cholestérol et les triglycérides (TG). L’hypertriglycéridémie pure est plus rare.

→ Les dyslipidémies peuvent être primitives, liées à des anomalies génétiques : il s’agit le plus souvent d’hypercholestérolémies, plus rarement d’hypertriglycéridémies.

→ Certaines pathologies (hypothyroïdie, insuffisance rénale chronique, diabète de type 2, syndrome métabolique…) ou traitements (diurétiques thiazidiques, ciclosporine, rétinoïdes, corticoïdes, œstroprogestatifs…) ou encore l’état de grossesse sont à l’origine de dyslipidémies secondaires.

→ L’alimentation joue un rôle important, notamment dans les hypertriglycéridémies qui sont favorisées par l’excès de sucres et d’alcool (à l’origine aussi d’une diminution du cholestérol HDL, HDL-c). Dans les hypercholéstérolémies, la composante génétique est importante ; toutefois, l’excès de cholestérol et de graisses saturées peut augmenter le cholestérol total et le cholestérol LDL, le LDL-c. À noter que le tabac diminue le HDL-c.

Évolution et complications

→ Les dyslipidémies sont associées à une augmentation du risque cardiovasculaire liée au risque d’apparition de plaques d’athérome. Il s’agit principalement de la maladie coronaire et de l’infarctus du myocarde, de l’accident vasculaire cérébral (AVC) et de l’artériopathie oblitérante des membres inférieurs. Ce risque est principalement associé à l’excès de LDL-c et à une diminution du HDL-c.

→ L’hypertriglycéridémie est également corrélée à une augmentation du risque vasculaire mais de manière moins forte que l’hypercholéstérolémie. Le risque de l’hypertriglycéridémie sévère (> 10 g/l) est une pancréatite aiguë.

Diagnostic

→ Chez un patient sans facteur de risque cardiovasculaire, un bilan lipidique est considéré normal si LDL-c < 1,6 g/l (4,1 mmol/l) et/ou TG < 1,5 g/l (1,7 mmol/l) et/ou HDL-c > 0,4 g/l (1 mmol/l).

→ En présence d’un ou plusieurs facteurs de risque cardiovasculaire (âge, diabète de type 2, hypertension artérielle, tabagisme… ; un HDL-c supérieur à 0,6 g/l étant un facteur protecteur qui permet de soustraire un point du score global), le bilan lipidique est interprété en fonction des valeurs cibles de LDL-c à atteindre (voir tableau). « Les dernières recommandations européennes sont plus strictes que les recommandations françaises et difficiles à appliquer pour de nombreux patients. En revanche, on est tous d’accord sur la prise en charge des patients à risque élevé (associant plusieurs facteurs de risque : hypertension artérielle, tabac, diabète…), qui repose sur un LDL-c cible inférieur à 1 g/l et inférieur à 0,7 g/l en prévention secondaire dès lors qu’il existe un antécédent personnel de maladie cardiovasculaire (prévention secondaire) », explique le professeur Vergès, membre de la Société française d’endocrinologie.

Prise en charge

Mesures hygiéno-diététiques

Que le patient prenne ou non un traitement, elles sont recommandées et constituent généralement le traitement de première intention évalué après trois mois chez les patients à risque faible ou modéré.

→ En cas d’hypercholestérolémie, il est recommandé de diminuer les acides gras saturés au profit des acides gras mono- ou poly-insaturés : graisses végétales, poissons. Il est aussi conseillé d’augmenter sa consommation de fibres (fruits, légumes, céréales) car ces dernières contribuent à réduire le LDL-c. Les études montrent que les mesures hygiénodiététiques bien suivies font diminuer en moyenne de 10 à 15 %, voire jusqu’à 30 % le taux de LDL-c.

→ En cas d’hypertriglycéridémie, les mesures les plus efficaces sont la perte de poids, la réduction de la consommation d’alcool et de sucres, ainsi que la lutte contre la sédentarité.

Traitement médicamenteux

→ Hypercholestérolémie : les statines constituent le traitement de première intention. Leur efficacité dans la diminution du risque cardiovasculaire en prévention secondaire est largement démontrée. La Haute Autorité de santé (HAS) recommande de choisir la statine adaptée à la baisse de LDL-c recherchée (l’atorvastatine et la rosuvastatine sont les plus puissantes). L’ézétimibe (Ezetrol) est indiqué notamment en association avec une statine lorsque la baisse du LDL-c est insuffisante sous statine seule, ou en monothérapie en cas d’intolérance aux statines. La colestyramine (Questran) peut aussi être employée, seule en cas de contre-indication des statines, ou en combinaison avec celles-ci, mais elle est moins bien tolérée sur le plan digestif.

Dans tous les cas, il n’est pas recommandé de s’acharner à atteindre les objectifs cibles si le traitement à mettre en œuvre est excessif et/ou mal toléré.

→ Hypertriglycéridémie pure : les règles d’hygiène de vie sont prépondérantes. Elles sont préconisées dès lors que les TG sont supérieurs ou égaux à 1,5 g/l. Si les TG dépassent 4 g/l, un traitement médicamenteux est instauré par fibrate.

→ Dyslipidémie mixte : une statine est indiquée en première intention pour réduire le risque cardiovasculaire.

Conseils aux patients

→ L’objectif est de prévenir la survenue ou l’aggravation du risque cardiovasculaire. Le contrôle du poids est l’objectif prioritaire quel que soit le type de dyslipidémie. On recommande classiquement de pratiquer une activité quotidienne modérée de trente minutes : marche rapide, ménage, jardinage, vélo… Le sevrage tabagique doit être recommandé le cas échéant.

→ Le traitement par statine est prescrit à vie. Toute douleur, faiblesse ou crampe musculaire importante ou inexpliquée doit être signalée au médecin (suspicion d’atteinte musculaire).

→ Le rôle de la diététique est majeur dans les hypertriglycéridémies avec la diminution du sucre sous toutes ses formes (sodas, fruits…) et de l’alcool.

→ La levure rouge de riz, présente dans certains compléments alimentaires, renferme de la lovastatine, qui possède les caractéristiques des statines. Elle ne doit pas être employée en alternative aux médicaments prescrit ni surtout en association aux hypocholestérolémiants (risque d’effets indésirables).

L’auteur déclarene pas avoirde lien d’intérêts