Encourager le dépistage et la vaccination - L'Infirmière Libérale Magazine n° 330 du 01/11/2016 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 330 du 01/11/2016

 

Cahier de formation

Savoir faire

Chloé, 13 ans, vient accompagnée de sa mère à votre cabinet pour sa deuxième injection contre le papillomavirus. Vous contrôlez ses vaccinations dans son carnet de santé et constatez qu’elle n’est pas vaccinée contre l’hépatite B. Sa mère vous explique qu’elle n’en voit pas l’utilité et qu’elle n’a pas “confiance” dans ce vaccin.

Vous expliquez à la mère que Chloé va entrer dans une période “à risque” pour le VHB, ce dernier se transmettant par voie sexuelle et par le sang (tatouages et piercings par exemple étant des pratiques à risque). C’est maintenant que la vaccination est importante pour elle ; de plus, elle confère une immunité très longue. N’hésitez pas à rappeler que le vaccin est utilisé dans le monde entier sans aucun problème. Aucun lien de causalité entre sclérose en plaques ou autres maladies auto-immunes et vaccination contre l’hépatite B n’a jamais été établi, ni en France ni dans le monde.

DÉPISTAGE

Le dépistage de l’hépatite B permet à la fois l’identification des personnes infectées et de celles non immunisées ayant une indication à la vaccination. L’identification des patients porteurs chroniques du VHB permet de prévenir la transmission de l’infection à l’entourage et d’instaurer une prise en charge précoce.

Par ailleurs, les professionnels de santé et les infirmières libérales doivent sensibiliser les personnes à risque d’exposition au virus et les inciter à se faire dépister puis vacciner si elles ne sont pas immunisées.

Qui en particulier ?

Il faut particulièrement sensibiliser certaines catégories de patients.

→ Entourage proche (famille du malade, vie commune avec un patient, etc.) : la vaccination doit être systématique.

→ Pratique de tatouages et/ou de piercings.

→ Partenaires sexuels multiples.

→ Personnes ayant séjourné ou voyagé en zone de forte ou moyenne endémie, notamment Afrique subsaharienne, Asie, Moyen-Orient.

→ Usagers de drogues parentérales ou à sniffer.

→ Patients atteints du VIH : la co-infection VIH-hépatite B est fréquente. 7 % environ des personnes atteintes par le VIH seraient porteuses chroniques de l’hépatite B.

Quand ?

En cas de prise d’un risque, le test de dépistage n’est pas tout de suite positif, car la période d’incubation de la maladie est assez longue. En présence de symptômes pouvant évoquer une hépatite B, le test de dépistage se justifie dans tous les cas. En l’absence de symptômes, le test est considéré comme négatif sans risque d’erreur trois mois après la date du risque (sans avoir pris de nouveaux risques d’exposition au VHB durant ce laps de temps).

Comment ?

Le test de dépistage du VHB se fait à partir d’une prise de sang. Il n’est pas nécessaire d’être à jeun. Les résultats sont obtenus au bout de huit jours. Des Tests rapides d’orientation diagnostique (Trod ; lire l’encadré ci-dessous) pour le VHB sont désormais disponibles dans des structures de soins spécifiques (type Caarud, Centres d’accueil et d’accompagnement à la réduction des risques pour usagers de drogue) ou dans des structures associatives.

Où ?

Le test de dépistage est remboursé à 60 % aux assurés sociaux sur prescription médicale. Il peut aussi se faire gratuitement et de manière anonyme dans un CeGIDD (Centre gratuit d’information, de dépistage et de diagnostic, www.cegidd.fr, lire Savoir plus p.45) qui réalise également les dépistages du VIH ainsi que des infections sexuellement transmissibles. Le patient peut aussi y rencontrer, s’il le désire, une assistante sociale ou un psychologue.

VACCINATION

La vaccination contre l’hépatite B est efficace et bien documentée. Les meilleurs taux de réponse sont obtenus chez les nourrissons (99 %) et les enfants (95 %). On estime que la durée de protection après vaccination dans l’enfance est au minimum de trente ans et peut s’étendre à la vie entière.

Elle permet à l’entourage d’un patient atteint de vivre en toute tranquillité vis-à-vis du risque de transmission de la maladie.

Expliquer et rassurer

Des effets indésirables classiques (comme avec tout vaccin) type douleur, rougeur, œdème au point d’injection, fièvre ne dépassant pas 38 °C, sont possibles. Plus rarement, sont décrits une fatigue, une arthralgie ou une myalgie. Toutes ces réactions sont bénignes et disparaissent en un à trois jours maximum.

Des contre-indications ?

Il n’y a aucune contre-indication formelle à la vaccination contre l’hépatite B hormis une infection fébrile sévère.

Clarifier la situation et combattre les idées fausses

→ « Les sels d’aluminium sont dangereux. » Les sels d’aluminium sont des adjuvants ajoutés aux vaccins inactivés dans le but d’induire une réponse immunitaire, c’est-à-dire une production d’anticorps, satisfaisante. Sans l’adjuvant, le vaccin est inefficace. Dans les années 1990, les sels d’aluminium ont été accusés d’être à l’origine de la myofasciite à macrophages, une maladie neurologique qui se manifeste par des douleurs musculaires, des douleurs articulaires, un épuisement chronique et des troubles cognitifs. Dans un rapport publié en 2013, le Haut Conseil de la santé publique a estimé « qu’au vu des données scientifiques disponibles, la sécurité des vaccins contenant des adjuvants aluminiques n’était pas remise en cause, au regard de leur balance bénéfices/risques ». Les vaccins renfermant de l’aluminium font toutefois toujours l’objet d’une surveillance.

→ « J’ai peur de la sclérose en plaques. » Dans les années 1990, des cas d’atteintes neurologiques démyélinisantes évoquant des poussées de sclérose en plaques chez des adultes vaccinés contre le VHB ont été notifiés. Depuis, ont été mis en place une surveillance et des suivis de pharmacovigilance reposant sur des notifications spontanées et des études internationales. À ce jour, aucune donnée scientifique ne confirme le lien entre cette vaccination et l’apparition d’affections neurologiques démyélinisantes.

Point de vue

« Sensibiliser au dépistage en cas de comportement “à risque” »

Sylvie Ehrhart, infirmière de recherche clinique et d’éducation thérapeutique au service hépato-gastro-entérologie du CHRU de Nancy (Meurthe-et-Moselle)

« L’infirmière libérale à un rôle important à jouer en cas de comportement à risque, pour les adeptes des piercings et tatouages, qui sont des pratiques à risque lorsqu’elles sont réalisées dans des lieux où l’hygiène est douteuse. De même, entre autres, pour les usagers de drogues parentérales. À ces derniers, il faut rappeler de toujours utiliser du matériel propre pour l’injection (type Steribox). Pour les “sniffeurs”, attention à la paille utilisée pour sniffer, elle ne doit pas être échangée car il y a un risque de gouttelettes de sang lors de lésions de la muqueuse nasale. »

Expertise

Les Trod permettent d’avoir un résultat en trente minutes

Sylvie Ehrhart, infirmière de recherche clinique et d’éducation thérapeutique au service hépato-gastro-entérologie du CHRU de Nancy (Meurthe-et-Moselle)

« Les tests rapides d’orientation diagnostique du VHB sont faciles et rapides à réaliser, juste par piqûre au bout du doigt : ils permettent d’obtenir un résultat (Ag HBs à partir du sang total) en trente minutes contre huit jours dans les centres de dépistage anonyme et gratuit actuellement. À cause de ce délai, 30 % des patients ne reviennent pas chercher leur résultat et ne bénéficient donc d’aucun conseil ni orientation en cas de résultat positif. À noter qu’un Trod positif doit être confirmé par un bilan sérologique complet. Un test négatif au moins trois mois après la date présumée de l’infection suggère l’absence d’infection. L’idéal serait d’avoir un seul Trod ciblant VIH, VHC et VHB. »

Expertise

On contrôle mieux l’infection si on la dépiste tôt

Dr Stéphane Chevaliez, Centre national de référence des hépatites B, C et delta de l’hôpital Henri-Mondor, Créteil (Val-de-Marne)

« Aujourd’hui, on ne sait pas guérir une hépatite B chronique. En revanche, les thérapies actuelles permettent de bien contrôler l’infection, d’obtenir des rémissions, voire, pour certains patients, de développer des anticorps anti-HBs. À condition de traiter tôt, pour enrayer l’évolution de la maladie. D’où l’intérêt de renforcer le dépistage chez certaines catégories de patients. Un tiers des porteurs chroniques du VHB ignorent leur statut sérologique, ce qui est une perte de chance pour contrôler la maladie et bien sûr expose à un risque de transmission. »

Où en est la vaccination contre l’hépatite B ?

Pr Daniel Floret, pédiatre et ancien président du Comité technique des vaccinations

« La couverture vaccinale des nourrissons se situe au-delà de 80 % : elle a fortement progressé avec le remboursement du vaccin hexavalent en 2008. En revanche, à peine la moitié des adolescents est vaccinée. Cette tranche d’âge correspond à une période pendant laquelle la peur de la vaccination contre l’hépatite?B était très présente. Cette crainte, qui n’existe qu’en France, est totalement infondée. Il faut rappeler que le vaccin est utilisé dans le monde entier avec, dans certains pays de haute incidence de l’hépatite B comme Taïwan, une vaccination massive des nourrissons depuis vingt-cinq ans, sans aucun problème particulier. Vis-à-vis de la crainte de la sclérose en plaques ou d’autres maladies auto-immunes, il faut être transparent : il est certain que toute vaccination (comme tout autre stimulus immunitaire) à l’âge adulte peut faire passer la maladie d’une phase asymptomatique à une phase symptomatique chez des personnes. Une étude récente montre d’ailleurs qu’il existe un risque d’augmentation des notifications des cas de sclérose en plaques dans le mois qui suit toute vaccination. En revanche, avec un recul de trois ans, on ne retrouve plus cette augmentation, ce qui signifie que la vaccination n’est pas responsable de la maladie mais simplement avance sa révélation. Par ailleurs, de telles notifications chez les nourrissons sont rarissimes. De plus, il faut rappeler que l’immunité conférée par le vaccin contre l’hépatite B est très longue, d’au moins vingt ans et probablement plus, donc qu’elle couvre la période la plus à risque de la vie : de l’adolescence à la trentaine. »