Par l’expression « boulots de merde », les deux journalistes auteurs de cet ouvrage documenté et engagé désignent les métiers sous-payés qui confinent à l’exploitation, sinon l’humiliation, mais aussi les postes grassement rémunérés mais ennuyeux, absurdes, néfastes à la société. Sous cette appellation provocante se rangent aussi les métiers nécessaires à la collectivité mais devenus laborieux à cause du “délabrement” des conditions de travail. Dans cette catégorie des boulots qui « se “merdifient” en même temps qu’ils se raréfient », se range celui d’infirmière hospitalière, muée malgré elle en « opératrice de rentabilité ». Et pourtant : quand on prend le temps d’expliquer au patient ce qu’on va lui faire, par exemple, le recours aux drogues anesthésiques est moindre, souffle un Iade, qui regrette d’être au contraire poussé à « multiplier les actes codifiables ». Les auteurs se rendent au CHU de Toulouse (Haute-Garonne) pour y examiner – et y pourfendre – les effets de la toyotisation et du lean management, qui passe notamment par une chasse effrénée aux prétendus temps morts et gaspillages. Ils donnent la parole au personnel et asticotent la direction de la communication. Ils rendent finalement visite à des disciples du lean management en congrès à Paris. Ce chapitre entre horriblement en résonance avec l’actualité, puisque plusieurs professionnels de ce CHU se sont récemment suicidés, et les conditions de travail sont mises à l’index. « On se demande si les hôpitaux français ne seront pas les France Telecom de demain », commentent les auteurs.
Julien Brygo et Olivier Cyran, Boulots de merde ! Du cireur au trader, La Découverte, 240 p., 2016. 18,50 euros.