Florian Guy, éducateur-conseil en parentalité à Avallon (Yonne)
La vie des autres
D’abord éducateur sportif, puis éducateur dans un foyer d’accueil pour des jeunes, Florian Guy s’est lancé en libéral. éducateur-conseil, il aide les familles qui en éprouvent le besoin à retrouver un équilibre. Son but : redonner à chacun son rôle dans le foyer.
À l’origine, Florian Guy travaille à l’Office municipal des sports à Avallon. Son créneau ? Intervenir dans l’animation sportive auprès d’un public vaste et varié, allant des jeunes enfants aux personnes âgées. « L’objectif était de promouvoir le sport là où il n’y en avait pas. C’est dans ce cadre qu’est née ma fibre, car j’avais un panel d’activités sportives à réaliser auprès d’environ deux cents enfants et cent adultes par semaine et, parmi eux, je préférais m’occuper de ceux qui étaient “différents”. » À savoir les femmes en milieu carcéral, les personnes toxicomanes, les jeunes des quartiers réputés difficiles, les personnes âgées en perte d’autonomie.
Après cinq ans d’exercice dans ce domaine, il décide en mai 2006 d’entrer en contact avec un foyer d’accueil pour les jeunes, La Ferme Rousseau, qui reçoit, en internat, des jeunes placés par l’aide sociale à l’enfance. « Ce sont des enfants qui souffrent de problèmes d’ordre affectif, social ou comportemental en lien avec une cellule familiale elle-même en grande difficulté. Ces placements interviennent dans un souci de protection afin d’assurer la sécurité et le bon développement de ces enfants. » Par l’intermédiaire de l’école interne à l’institution, les éducateurs permettent à ces jeunes généralement déscolarisés de combler leur retard afin qu’ils réintègrent l’école en milieu ouvert. La structure accueille neuf enfants, ce qui garantit une individualisation des suivis et des parcours. Florian y effectue ses premiers pas d’éducateur. « Je n’avais pas de diplôme spécifique, mais la direction de l’association m’a observé dans mon travail et m’a fait confiance. » C’est alors qu’il ressent l’envie de se lancer en libéral afin d’intervenir auprès de familles en dehors de toute structure. « Le fait d’avoir rencontré des enfants, des parents, d’avoir travaillé avec des associations, des clubs, m’a donné une certaine connaissance de ce milieu. » Il constate que les difficultés éducatives ne sont pas réservées aux seules personnes en difficulté sociale. En revanche, les personnes bien insérées socialement n’ont pas l’habitude de se tourner vers des structures sociales, souvent par crainte. Florian prend alors le temps d’échanger avec ces parents en difficulté, « mais j’ai trouvé que ce n’était pas professionnel car je leur donnais des conseils sans avoir une analyse globale de leur situation et je ne savais pas quand j’allais les revoir ». Aussi pense-t-il à une prise en charge contractuelle afin qu’une vraie rencontre s’établisse entre eux et le jeune. En 2013, tout en poursuivant son activité salariée, il lance un site Internet et dépose son statut d’auto-entrepreneur pour devenir éducateur-conseil.
Florian s’occupe habituellement de deux à cinq familles. Les parents lui font part de leurs difficultés et il voit rapidement si cela fait partie ou non de son champ d’intervention. « Si c’est le cas, nous décidons d’un rendez-vous, au cours duquel nous nous rencontrons en présence du jeune, afin que chacun fasse état de ses difficultés. » Car son accompagnement se base sur l’adhésion de chacun et la volonté de toute la famille d’arranger la situation. Et, dans la majorité des cas, les enfants sont d’accord. Florian travaille avec chaque membre de la famille ainsi qu’avec l’ensemble de la cellule familiale. Il propose des techniques de communication (tableau, boîte aux lettres, jeux de rôles…). Il observe et écoute sans jamais juger. Il cherche à recréer du lien, tente de redonner à chacun son rôle et veille à ce que l’autorité parentale soit pleinement exercée. Dans le travail social, il y a généralement une obligation de moyens mais pas de résultat. « En fonction de l’évolution de la situation, on s’adapte, on construit ensemble un projet validé par tous, on essaie de l’appliquer puis on en reparle. » La rencontre avec la famille a lieu en moyenne une fois par semaine, voire tous les quinze jours. Mais, entre-temps, « on s’appelle, on s’envoie des SMS, il y a un vrai échange pour voir si le dispositif mis en place fonctionne. J’assure un vrai suivi et une régulation ». Et si cela ne fonctionne pas, Florian réoriente les familles vers d’autres professionnels comme les services sociaux ou la psychiatrie en cas de souffrances psychiques et de dépendance, ou lorsqu’il y a un danger avéré pour l’enfant. « Je suis en contact avec les psychologues, avec l’entité scolaire, pour faire un projet commun avec toutes les personnes qui ont une influence dans la sphère familiale. » Florian a décidé il y a deux ans de reprendre ses études, en parallèle de son activité d’auto-entrepreneur et de son travail à La Ferme Rousseau, pour obtenir son diplôme d’éducateur spécialisé. Il devrait être diplômé en juin. « Après dix ans d’exercice, j’étais arrivé au bout de mon auto-formation et j’ai ressenti le besoin de me former pour aiguiser mon regard. Car, dans les faits, j’avais des difficultés à m’appuyer sur des concepts théoriques pour des pratiques que je faisais intuitivement. Mais je reste convaincu que le terrain est la meilleure des formations. »
« Je vois un vrai parallèle entre mon travail et celui des Idels car elles interviennent auprès de personnes en souffrance à leur domicile. Cela me parle d’autant plus que j’habite en milieu rural. Elles viennent donner du soin ainsi que prendre soin du corps et de la tête. Il s’agit d’un métier de passionnés, de personnes qui aiment le contact. Je sais qu’il s’agit d’un travail exigeant, éprouvant psychologiquement, qui prend beaucoup de temps, qui implique beaucoup de déplacements et impose des sacrifices personnels. Je regrette que tout le monde n’en ait pas forcément conscience. Il est difficile d’être confronté à la douleur et à la maladie des patients, cela impose de prendre de la distance avec le travail. J’ose espérer que les Idels mesurent à leur juste valeur leurs interventions et qu’elles ressentent le soulagement qu’elles procurent à leurs patients au-delà du soin et de la rencontre. »
Florian Guy est membre d’AssoRis : ce réseau associatif a pour objectif de fédérer l’innovation sociale, qui vise à répondre à des demandes et besoins restés sans prise en charge institutionnelle. « Nous nous fédérons entre travailleurs sociaux indépendants pour réfléchir à un projet de reconnaissance de notre travail, explique Florian. Cette association facilite également la mise en relation entre les bénéficiaires et les professionnels. » Aujourd’hui, les éducateurs spécialisés indépendants ne sont pas très nombreux, une trentaine au maximum. La reconnaissance d’un exercice libéral permettrait de travailler à une prise en charge financière des familles « car, lorsqu’elles font appel à nous en libéral, elles ne bénéficient d’aucune aide », regrette Florian. Enfin, cette association permet également à ses membres de s’entraider lorsqu’ils sont confrontés à des difficultés dans leur prise en charge.