C’est un joli mot, “prescrire”, plus avenant que son double, son jumeau d’une lettre, son sosie si répandu dans nos sociétés, le négatif “proscrire”. “Prescrire”, lui, revêt une apparence plus souriante. Il a l’air ferme, certes, mais engageant. « Le côté autoritaire de la prescription est positif, confirme le linguiste Alain Rey : il faut faire telle chose, prendre tel remède pour guérir. »(1) Le mot vient de loin, du latin præscribere, qui signifiait “écrire devant, en premier”.Il a endossé une connotation pharmaceutique au XVIe siècle et médicale au XVIIIe. Les infirmières, pour leur part, ne peuvent le conjuguer que depuis 2007. à peine une décennie. Ce verbe a son importance. Pour le patient, bien sûr, et pour sa prise en charge. Mais aussi pour l’infirmière. Pouvoir prescrire, et le faire, voilà une marque de compétence, de savoir. Prescrire implique une exigence ; prescrire indique une responsabilité. Et au final, l’exercice de ce droit affirme une autonomie, cette valeur si importante à l’épanouissement et à la reconnaissance au travail, au moins autant que les sous. Les IDE pouvaient déjà prescrire un certain nombre de dispositifs médicaux, présentés dans notre hors-série annuel que vous recevez ce mois-ci(2) ; elles pouvaient aussi renouveler les prescriptions de médicaments contraceptifs oraux sous certaines conditions ; la récente loi dite de modernisation de notre système de santé les autorise désormais à prescrire des substituts nicotiniques, auxquels nous consacrons pas moins de quatre pages dans ce numéro. Numéro dans lequel nous revenons aussi sur un bout de papier capital pour l’acte de prescrire : l’ordonnance, ce document qui suppose un ordre dont émane là encore, comme le note Alain Rey, une idée d’exigence… En prescrivant, l’infirmière remplit une feuille, elle tourne aussi une page. Celle d’un passé de pure exécutante. On ne peut que s’en féliciter : sur ce passé-là, il y a prescription…
(1) Alain Rey, Mots à maux. Recueil des Mots d’Alain Rey publiés dans le Bulletin de l’Ordre des médecins, 2010. Consultable via le lien raccourci bit.ly/1TsuJ61
(2) Le Mémento est offert aux abonnés et également en vente à l’unité, à 10 euros (service-clients@espaceinfirmier.fr). Lire aussi dans ce magazine, p. 12, l’article sur la baisse des tarifs de nombreux dispositifs médicaux, finalisée après le bouclage de notre Mémento.