Un dossier de soins au bout du doigt - L'Infirmière Libérale Magazine n° 330 du 01/11/2016 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 330 du 01/11/2016

 

LOGICIEL MÉTIER

L’exercice au quotidien

Sophie Magadoux  

IDE depuis 1998 et libéral dans les Pyrénées-Atlantiques depuis 2008, Giovanni Silverii, 50 ans, a créé un dossier de soins sur tablette tactile, commercialisé en avril et 4e prix au salon Connected Health Monaco en juin.

L’idée a germé il y a quatre ans. Dans les cabinets où j’ai travaillé, le cahier ou le classeur du dossier de soins, lorsqu’il existait, était souvent mal rempli et son utilisation quotidienne fastidieuse. En 2012, j’ai pensé qu’une tablette tactile pourrait allier convivialité et prise en compte de la complexité de notre pratique de terrain. Sur le marché, je n’ai rien trouvé de probant en format numérique mobile. J’ai commencé à travailler dessus avec un informaticien et c’est devenu le Dossier de soins infirmiers informatisé (DSII) compatible iOS ou Androïd(1). À force de tests, par moi-même, mes remplaçants et trois autres cabinets, au bout de deux ans, l’application s’est organisée en quatorze fiches (pansement, nutrition, psychiatrie…). Elle facilite la gestion des soins : création d’alertes, de fréquences, prises de photos, archivage de protocoles ou encore édition d’étiquettes… La tablette stocke les données, donc pas besoin de connexion à Internet. Une fois le patient créé, il suffit de cocher les items. De retour au cabinet, les données sont transmises et archivées, en Wifi, à un serveur sécurisé, agréé par le ministère. L’infirmier accède au logiciel via son numéro de carte de professionnel de santé. Chacun sait ce qu’a fait la collègue et peut créer une transmission ciblée, également à l’intention du médecin. Les données sont aussi exploitables, sous forme de courbes. Il sera possible de fournir un état des lieux à un instant T du patient lors d’une hospitalisation et, lorsque le dossier médical partagé sera opérationnel, un accès au DSII pourra être créé, deux points que cite la loi de santé 2016. Enfin, grâce à des partenariats, le DSII intégrera bientôt les télétransmissions. Nous avons besoin d’un outil mettant en valeur notre professionnalisme : communication, traçabilité, qualité… Les logiciels métier définis par la HAS en 2013(2) sont l’avenir. De plus, face au développement de la télésanté et de la télémédecine, montrons que le système de santé ne peut pas se passer de nous. »

(1) dssi-infirmier.com

(2) Cf. le lien raccourci bit.ly/2dx9pNp

Relire nos articles sur les dossiers de soins infirmiers dans nos nos 322 de février et 325 de mai.

Avis de l’expert

E-santé : acceptabilité et responsabilité

Yann Ferrari, chargé de mission e-santé à Castres-Mazamet Technopôle (Tarn), enseignant-chercheur en droit de la santé à l’université Toulouse 1 Capitole

« La démarche de cet infirmier de développer son outil de A à Z est intéressante. Car la première difficulté rencontrée par les outils mis sur le marché est justement du domaine de l’acceptabilité : les professionnels de santé, ou les patients, commencent à utiliser une application et très vite l’abandonnent, alors que, sur le papier, les critères définis paraissent répondre aux besoins de l’utilisateur ciblé. Le modèle économique du produit constitue la deuxième difficulté freinant le développement de la e-santé en France. Qui va payer pour l’outil et combien est-il prêt à payer ? Enfin, reste la question de la responsabilité face à la sécurisation des données – sachant que plus le nombre d’utilisateurs augmente, plus il y a de “bugs” potentiels, donc plus de risques – ou face à l’utilisation même de l’application, dans le cas de logiciels d’aide à la décision, comme lors d’une modification de prescription. »