L'infirmière Libérale Magazine n° 331 du 01/12/2016

 

SANTÉ PUBLIQUE

Actualité

Sandrine Lana  

EXPERTISE > Aujourd’hui, les formations diplômantes pour “patients-experts” ont le vent en poupe. Un ancien malade peut devenir patient-expert auprès d’associations et utiliser sa propre expérience pour un accompagnement au plus près des besoins des autres patients.

Chantal vient d’obtenir le Diplôme universitaire (DU) en addictologie générale dispensé par l’Université Paris-Sud. « La formation a formalisé ce que je faisais déjà sur le terrain. » Ancienne dépendante à l’alcool, elle est devenue présidente pour la région Sud-Est de l’association de La Croix Bleue(1) et y forme les nouveaux bénévoles. « À la suite du DU, j’ai changé ma pratique de l’accompagnement en tenant plus compte de l’environnement et des facteurs héréditaires des personnes. » Dix patients-experts viennent d’être diplômés aux côtés d’une quarantaine de soignants.

« La promotion des patients comme acteurs des soins est inscrite dans l’histoire. Des patients-experts diplômés existent déjà pour les maladies chroniques “nobles” ; nous voulions faire de même pour les addictions qui suscitent moins l’empathie », explique le Pr Michel Reynaud, président du Fonds actions addictions, porteur du projet. Avec 45 cours dispensés par des professeurs et soignants, le DU est accessible aux soignants et aux patients impliqués dans le monde associatif. « Nous leur offrons une reconnaissance de leur expérience », conclut le Pr Reynaud.

Chantal a bouclé le module en quatre mois. « Depuis, je travaille davantage sur l’addictologie et sur les différents choix qui s’offrent au malade. J’ai appris que le sevrage pur n’était pas la seule solution. » En e-learning, le cursus se compose de cours théoriques et d’analyses de cas cliniques. Pour la prochaine session, un stage sera organisé en partenariat avec l’Anpaa(2).

Universités des patients

Il existe en France trois Universités des patients (à Paris, première du genre, à Marseille et à Grenoble). La volonté de former des patients-experts est partie de Catherine Tourette-Turgis, professeur en science de l’éducation qui a créé le premier DU en éducation thérapeutique lié aux maladies chroniques en 2009. « L’Université Pierre-et-Marie-Curie (Paris VI) a vécu cela comme un projet innovant et m’a fait confiance. Cela permet d’intégrer 20 % de patients aux cursus dont je suis responsable », confie-t-elle. Entre 2009 et 2014, 90 patients se sont inscrits à l’un des DU proposés par l’Université des patients. Pour la seule année 2015, ils étaient 55.

En amont des formations, les équipes éducatives s’assurent de la capacité physique des patients à suivre un tel cursus (entre neuf mois et deux ans), vérifient le niveau d’études (bac minimum) ou se chargent d’établir une validation des acquis par l’expérience.

Mi-novembre, 22 patients ont assisté à la première session du DU en démocratie en santé à l’Université des patients de Paris. Durant neuf mois, les étudiants se formeront à la représentation des usagers auprès des établissements. « Le DU forme au plaidoyer ; il met en avant la capacité des patients à faire bouger les lignes lorsqu’ils sont impliqués dans le système de santé. Nous répondons au besoin de préserver un système de santé solidaire et inclusif », explique Éric Salat, ancien patient et codirecteur du DU. « Les étudiants s’initieront au droit des patients, à ses évolutions et seront confrontés à des cas pratiques, en matière de parcours de soins notamment. »

Comme le souligne le Pr?Catherine Turgis, la France est le premier pays à reconnaître l’expérience du patient par un diplôme et la demande d’une professionnalisation tend à se développer. « En cancérologie, des patients pourraient prochainement intégrer les services de soins. Nous recevons aussi des demandes pour former des patients au community management de forum, ce qui semble très pertinent ! »

(1) www.croixbleue.fr

(2) Anpaa : Association nationale de prévention en alcoologie et addictologie, reconnue d’utilité publique et agréée d’éducation populaire.