Cahier de formation
Savoir faire
Lorsque le patient atopique vit une poussée très sévère, l’Idel peut être sollicitée pour continuer les soins. Si le patient souffre de corticophobie, il est nécessaire de savoir entendre, expliquer et rassurer. Pour les personnes âgées, l’hygiène douce et l’hydratation sont essentielles.
Mme S., 27 ans, est hospitalisée en raison d’une poussée d’eczéma sévère et généralisée (ou érythrodermie). À sa sortie, elle vous contacte pour la réalisation de soins locaux quotidiens par Wet Wrapping : Locapred sur le visage (un demi-tube par jour) et Locatop sur l’ensemble du corps (un tube par jour), pendant quinze jours. Elle vous dit que sa peau lui fait mal.
Vous rassurez la patiente en lui expliquant que les soins que vous allez lui prodiguer vontla soulager de la même manière qu’à l’hôpital, en agissant sur l’inflammation de sa peau.
Les crèmes prescrites pénètreront mieux en étant recouvertes de bandages, même si le résultat impressionne toujours un peu. Au fil des visites, il vous sera également possible de faire le point avec la patiente sur l’histoire de sa maladie et sur ce qui pourrait être changé au quotidien pour éviter une nouvelle hospitalisation. Enfin, Mme S. a été conviée à participer à des ateliers d’éducation thérapeutique à l’hôpital (lire p. 38) : vous l’encouragez à y aller, afin d’échanger avec les professionnels de santé et de rencontrer d’autres patients qui vivent la même chose qu’elle.
Dans le cas d’un épisode aigu et généralisé d’eczéma, les traitements locaux à base de dermocorticoïdes et d’émollients sont parfois insuffisants, même si les quantités appliquées sont impressionnantes. L’une des solutions proposées en milieu hospitalier est le Wet Wrapping, parfois appelé Wet Dressing ou Wet Wrap Dressing, littéralement “habillage”, “enveloppement” ou même “emballage humide”. C’est un concept principalement anglo-saxon, méconnu des patients et des professionnels de santé libéraux français.
Le Wet Wrapping consiste à recouvrir la peau de crème avec des dermocorticoïdes purs ou mélangés à des émollients, puis de bandages humides et enfin de bandages secs ou d’un pyjama en coton. Ainsi, le traitement médicamenteux de base ne change pas, par contre ses modalités d’application sont modifiées pour plus d’efficacité. Au CHU de Nantes (Loire-Atlantique), où la patiente, présentée au début de cet item, a été hospitalisée, cette technique est pratiquée au sein du service de dermatologie et présentée dans une vidéo (à découvrir via le lien raccourci bit.ly/2fniffo).
Les soins doivent parfois être poursuivis au domicile comme c’est le cas ici. « Nous leur montrons comment réaliser le soin, explique Virginie Verdu, IDE au Centre hospitalier Lyon-Sud (Rhône), mais certains patients, notamment les plus âgés, ou certains parents, ne se sentent pas de le faire seuls. Nous pouvons alors faire appel à une Idel. » Un médecin du service fait une prescription de soins infirmiers en ce sens.
L’ensemble de ce matériel peut être prescrit par l’Idel
→ Du jersey ou bandage tubulaire de maintien : celui-ci sera humidifié à l’eau chaude dans une bassine ou directement sous le robinet, avant d’être correctement essoré et enfilé sur la couche de crème.
→ Des compresses non tissées : sur certaines zones comme le tronc, les compresses humidifiées sont plus adaptées que la forme tubulaire.
→ Des bandes extensibles ou bandes de crêpe : pour recouvrir la couche humide.
→ Du sparadrap : pour maintenir les bandes sèches. Le bandage tubulaire, sec cette fois-ci, peut aussi être utilisé.
L’exemple présenté en ouverture de cet item de la patiente hospitalisée permet de présenter la technique du Wet Wrapping dans sa forme la plus poussée. Mais d’autres hôpitaux ont décidé d’adapter cette technique au sein de leur service de dermatologie. L’étape d’humidification est supprimée, sans doute pour des raisons de confort car, avec l’emballage humide, le patient peut se sentir gêné d’être “mouillé” et il peut avoir froid.
Les dermocorticoïdes sont appliqués purs, « avec un léger massage mais sans vouloir tout faire pénétrer », indique Isabelle Dalmazzone et Armelle Sirvent, IDE du service. Ensuite, des compresses non tissées et non mouillées sont déposées sur la couche de dermocorticoïde, puis des bandes et/ou un jersey tubulaire maintiennent le tout en place.
Les dermocorticoïdes sont mélangés à un cérat avant d’être appliqués sur la peau, mais la technique reste la même qu’à Marseille. Le patient apprend à se fabriquer différents vêtements avec le jersey tubulaire : « Un t-shirt pour recouvrir le torse, un boléro pour recouvrir les bras, cela devient une vraie leçon de couture ! », plaisante l’IDE Virginie Verdu.
Cette technique peut sembler contraignante et même impressionnante car le patient est quasiment “momifié”, mais les avantages sont nombreux.
L’occlusion et l’augmentation de la température locale favorisent la pénétration des principes actifs et aident à mieux hydrater la peau. L’emballage permet aussi de prévenir les lésions dues au grattage.
Les cas les plus sévères sont soulagés efficacement et rapidement. C’est un traitement mis en place la nuit et qui ne limite pas le patient dans ses activités quotidiennes. Les dermocorticoïdes sont en général déconseillés, voire contre-indiqués sous occlusion mais, sur une courte période, l’occlusion en augmente l’efficacité sans majorer les effets indésirables.
Ce soin peut être adapté à l’eczéma chronique des mains. La crème reste en place et pénètre tout au long de la nuit grâce à des gants en coton et/ou des gants en vinyle. Le soin peut concerner des zones plus réduites en présence de plaques rebelles et épaisses : poignet, cheville, coude…
Ne pas surchauffer les pièces et veiller à ce que l’air ne soit pas trop sec pour ne pas assécher la peau ou les muqueuses.
→ Aérer et passer l’aspirateur régulièrement pour faire la chasse aux allergènes domestiques : acariens, poils d’animaux, tabac…
→ Éviter autant que possible les “nids à poussières” tels que tapis, moquettes, peluches, ou bien prévoir de les dépoussiérer régulièrement (aspirateurs, lavage en machine).
→ Remplacer les couettes et oreillers en plumes par de la literie en matières synthétiques.
Ils ne sont pas interdits, sauf en cas d’allergie avérée.
En particulier, il ne faut pas priver un enfant de son animal, surtout s’il le connaît depuis sa naissance.
Préférer les matières naturelles comme le coton ou le lin. Éviter la laine, qui est trop irritante et, au besoin, porter un t-shirt en coton dessous, et les matières synthétiques qui favorisent la transpiration. Ne pas trop se couvrir et ne pas porter de tenues trop serrées, toujours pour éviter de trop transpirer. Couper les étiquettes des vêtements et sous-vêtements.
Le lavage en machine avec ajout d’une lessive et même d’un assouplissant est possible mais s’accompagne d’un rinçage soigneux. Éviter les références trop parfumées et utiliser la juste quantité de produit.
Elles sont autorisées du moment que le patient ne présente pas de plaques suintantes et/ou surinfectées, sinon l’eau risque de “piquer” la peau à cet endroit. Prévoir éventuellement une crème barrière isolante, à appliquer avant la crème solaire. Après le bain, bien rincer la peau, la sécher délicatement et l’hydrater. Conseil pratique : repérer au préalable les plages qui bénéficient de douches.
En cas d’allergies à divers pollens, éviter les activités en plein air et prévoir de laver cheveux et vêtements de retour à la maison. Ne pas faire sécher les vêtements en plein air en période de vent.
L’enfant peut participer à toutes les activités prévues par son école mais les parents doivent dès le départ prévenir les professeurs et les autres parents. Ces derniers manquent parfois d’informations sur le sujet ou peuvent avoir des idées reçues : maladie contagieuse ou due à un manque de soins…
Aucun sport n’est contre-indiqué mais prévoir de quoi se rincer, se sécher et se changer après la séance. Pour éviter les frottements et la transpiration excessive, porter des vêtements adaptés et augmenter progressivement l’intensité de l’effort.
Elles peuvent être réalisées de la même façon chez le patient atopique et chez le sujet normal, sauf en période de poussées durant lesquelles le vaccin sera décalé le temps de résoudre l’épisode inflammatoire.
L’éducation thérapeutique du patient (ETP) pour la dermatite atopique existe depuis plusieurs années dans les grands centres hospitaliers. Aux côtés de l’équipe pédagogique (médecin, psychologue, diététicien… et de nombreux IDE, lire plus loin), les patients et les familles apprennent à mieux vivre avec la maladie et à mieux gérer les traitements et la vie quotidienne. Les ateliers collectifs sont basés sur l’interactivité, l’échange et le jeu lorsque les patients sont des enfants, mais des séances individuelles sont également possibles. Dans tous les cas, ce n’est pas un cours, ni une psychothérapie. En fonction de ses besoins, le patient apprend comment se manifeste la maladie, quels sont les facteurs responsables, comment agissent les traitements, comment appliquer les crèmes ou trouver des alternatives au grattage. Ce service d’ETP (financé à hauteur de 250 euros par an) est intégralement pris en charge pour les patients.
→ Armelle Sirvent et Isabelle Dalmazzone, hôpital de la Timone, Marseille : « Nos ateliers sont centrés sur la personne et sur ce qu’elle vit. Les thématiques sont souvent récurrentes d’un patient à l’autre : hygiène, hydratation, alternatives au grattage, peur de la cortisone… »
→ Nathalie Bauduin, Centre hospitalier d’Arles (Bouches-du-Rhône) : « Les moments dédiés à l’ETP sont des temps forts où l’on instaure un climat de confiance, ce sont des moments propices à l’écoute et à l’empathie, c’est finalement tout ce que demandent les patients. »
→ Virginie Verdu, hôpital Lyon-Sud, Lyon (Rhône) : « Les patients en ont assez des discours divergents à propos de la maladie et des traitements, ils veulent des informations claires et validées. À l’issue du programme, ils se sentent moins seuls et mieux armés pour faire face à la maladie. »
D’après les différentes IDE interrogées à l’hôpital, « les aspects éducatifs et relationnels sont essentiels dans la profession infirmière, qu’elle s’exerce en milieu hospitalier ou libéral. Même si le format des ateliers est pour le moment propre à l’hôpital, les Idels connaissent beaucoup mieux les patients que nous et font déjà de “l’éducation thérapeutique” sans le savoir [même si l’ETP s’inscrit en théorie dans un cadre précis, NDLR]. L’important, c’est la répétition des mêmes messages et leur homogénéité tout au long du parcours de soins du patient. »
* Voir notre hors-série de novembre 2016, le Mémento de la prescription infirmière, 10e édition.
Témoignage de Mme S., patiente, 27 ans
« Atopique depuis l’enfance, j’ai déjà consulté de nombreux spécialistes dermatologues et allergologues. J’ai tenté plusieurs traitements. En début d’année, j’ai dû être hospitalisée pendant quatre jours au CHU de Nantes. Une infirmière est ensuite venue à mon domicile tousles soirs pendant deux semaines pour m’aider à continuer mes soins, notamment pour mes bras, mes jambes et mon ventre. J’étais contente de la voir, nous parlions d’autre chose que de ma peau qui me faisait souffrir. Cela me faisait le plus grand bien. Le service de dermatologie avait préalablement contacté cette infirmière pour lui expliquer comment faire les bandages, et ensuite tout s’est très bien passé. »
Avis de l’Idel Sandrine Caro, Saint-Nazaire (Loire-Atlantique)
« Nous avons peu de prises en charge concernant les dermatites atopiques ou l’eczéma en général parce que, la plupart du temps, il s’agit d’un public jeune donc autonome pour les soins. Mais lorsque de tels patients ont besoin de nous, notre prise en charge est très spécifique car elle dépend des protocoles établis et du profil psychologique des patients. Elle consiste également à évaluer le risque infectieux et l’observance des traitements, et à rappeler les mesures hygiéno-diététiques mais sans accabler le patient. L’intérêt de l’Idel, c’est qu’elle va évaluer la différence entre la prise en charge hospitalière et la réalité du domicile dans lequel elle se rend et donc adapter son discours et sa prise en charge, car les règles applicables à l’hôpital ne sont pas les mêmes au domicile… »