L'infirmière Libérale Magazine n° 332 du 01/01/2017

 

Marion, infirmière militaire à l’Hexagone Balard (Paris)

La vie des autres

Laure Martin  

Lorsqu’il a fallu choisir une orientation après le bac, Marion s’est interrogée sur son attrait pour le monde militaire et l’univers paramédical. Il y a un peu plus de deux ans, elle est finalement devenue infirmière militaire.

Avec trois tantes infirmières, deux cousines aides-soignantes et deux autres secrétaires médicales, Marion a toujours été proche du milieu paramédical. Mais c’était sans compter l’armée, puisque ses grands-pères, tous deux mécaniciens dans l’armée de l’air, lui ont transmis le goût de la rigueur et de la droiture. En quête d’orientation, elle fait le choix d’un bac STT, rendant impossible, d’après son conseiller, toute carrière d’infirmière. Elle décide alors de faire un DUT technique de commercialisation et devient assistante communication dans une grande surface. « J’avais un bon poste avec des responsabilités, j’étais bien payée, mais je sentais au fond de moi que ce n’était pas ma vocation », se rappelle-t-elle.

L’armée de l’air

Son père lui conseille alors d’intégrer l’armée. « Je me suis rendue dans un centre de recrutement (Cirfa) pour expliquer mon projet et demander s’il m’était possible de devenir infirmière », raconte Marion. Sa candidature est acceptée. Après une visite de sélection et son concours d’infirmier en poche, Marion commence la formation. Elle part d’abord quatre mois faire ses classes à l’École de formation des sous-officiers de l’armée de l’air de Rochefort (Charente- Maritime) afin d’apprendre la partie “combattant” du métier. Puis elle poursuit en septembre 2010 sa formation d’infirmière à l’École du personnel paramédical des armées à Toulon (Var).

« J’ai été diplômée d’État de l’école d’infirmiers en juillet 2013 et j’ai poursuivi avec une formation de quatre mois spécifique au métier d’infirmier militaire. » En décembre 2013, elle obtient son rang de classement qui lui permet de faire un choix d’affection. Elle choisit l’état-major de l’armée de l’air à Balard, dans le 15e arrondissement de Paris. « Depuis juillet 2015, c’est devenu l’Hexagone Balard, regroupant les états-majors des forces armées françaises », ajoute Marion. Désormais, le site n’est plus spécifiquement dédié à l’armée de l’air.

Ce Centre médical des armées, le plus important de France, se compose de six médecins, dix infirmiers et seize auxiliaires sanitaires. Il y a également un masseur-kinésithérapeute, deux dentistes, et un gynécologue est amené à faire des vacations. Les infirmiers militaires sont polyvalents et gèrent une multitude de missions : secrétariat, soins, ravitaillement ou encore ressources humaines. « L’ensemble des personnes travaillant à Balard peuvent venir en consultation dans notre antenne », qui gère également les visites médicales des militaires, obligatoires tous les deux ans.

Avec les sapeurs-pompiers

Les consultations se font sur rendez-vous, sauf en cas d’urgences médicales qui peuvent se produire sur le site. D’ailleurs, « nous travaillons régulièrement avec la brigade des sapeurs-pompiers de Paris qui a une équipe sur place et nous amène des patients pour une première prise en charge ». Ensuite, les personnels sont orientés vers les hôpitaux à proximité en fonction du diagnostic et du statut civil ou militaire des personnels. « Nous travaillons en équipe au sein de l’antenne médicale, souligne Marion. Nous œuvrons constamment avec les médecins et les auxiliaires sanitaires tout en respectant la hiérarchie, élément clef dans l’armée, ce qui ne nous empêche pas d’avoir un esprit de cohésion et une très bonne ambiance dans le service. »

La médecine de guerre en Opex

En tant que militaire, l’infirmier peut partir en opération extérieur (Opex), généralement pour des périodes de quatre mois, afin d’accompagner les militaires français sur le terrain. Marion est d’ailleurs partie en novembre 2014 en Afrique avec l’armée de terre. Les personnels médicaux et paramédicaux sont tous formés à la médecine de guerre en milieu hostile. Ils apprennent notamment à gérer plusieurs blessés en même temps, réaliser un tri des victimes en fonction des pathologies, réaliser les gestes salvateurs, agir en cas d’exposition aux risques nucléaires, radiologiques, bactériologiques et chimiques (NRBC) ou encore évaluer et traiter les pathologies tropicales. Avant les départs en mission, les équipes médicales concernées suivent, pour cela, des stages et des formations très spécifiques comme la formation de mise en condition du blessé de guerre, de survie ou encore de sauvetage au combat. « En tant qu’infirmier militaire, nous avons des compétences et des connaissances très approfondies. Nous devons être formés pour dispenser des soins en situation isolée et avons l’autorisation de pratiquer des gestes, qui relèvent généralement de la compétence des médecins, afin de dispenser les premiers soins, tels que la coniotomie ou encore la suture. » Pour le moment, Marion ne prévoit pas de repartir en mission puisqu’à 30 ans, elle vient d’être mutée dans un hôpital d’instruction des armées. « Mon objectif est avant tout de diversifier ma formation et mon parcours professionnel en acquérant de nouvelles connaissances. Cette nouvelle affectation est un choix personnel. »

Il dit de vous !

« Autonomie, disponibilité, polyvalence des soins…. Voici ce qui caractérise, selon moi, l’infirmière libérale. Beaucoup d’infirmiers militaires aspirent, en reconversion, à devenir infirmier libéral. Je pense que cela s’explique par certaines similitudes qui existent entre ces deux spécialités. D’une part, la rigueur exigée pour l’organisation des soins en libéral se retrouve dans notre métier de militaire au quotidien. D’autre part, l’infirmière libérale travaille en toute autonomie, tout comme l’infirmier militaire en situation isolée. De plus, les contraintes horaires s’apparentent à nos obligations de militaires (astreinte, permanence, mission). À mes yeux, les seuls aspects négatifs de cette profession sont toutes les démarches administratives à accomplir afin d’ouvrir et de gérer son cabinet… »

CARRIÈRE

Devenir infirmier militaire

Deux voies sont possibles. Tout d’abord, les hôpitaux militaires recrutent des paramédicaux déjà formés sous statut civil ou sous statut militaire. L’infirmier suit alors une formation militaire initiale ayant pour objectif l’intégration dans la communauté militaire et l’acquisition des connaissances militaires et techniques nécessaires pour occuper un emploi au sein du Service de santé des armées (SSA). Sinon, pour les bacheliers, il est possible d’intégrer l’École du personnel paramédical des armées (EPPA) pour servir comme infirmier dans les centres médicaux des armées (terre, marine nationale, air), ce qu’a fait Marion. Cette école prépare au diplôme d’État d’infirmier. Mais les modalités de recrutement et de formation ont évolué. Le candidat présente un concours de recrutement comme élève infirmier du SSA. Il suit une scolarité académique externalisée en Ifsi civil, complétée par une formation adaptée à la pratique en milieu militaire. Et lorsque l’étudiant s’engage dans l’armée, sa formation est payée et il est rémunéré.