PARTENARIAT > La méfiance et les critiques des Idels s’accroissent à l’endroit de l’hospitalisation à domicile (HAD), l’accusant souvent de se comporter en concurrente plus qu’en partenaire. Le temps d’un débat, les acteurs se sont mis autour de la table.
« Une part importante des soins en ambulatoire est aujourd’hui réalisée par le secteur libéral, a rappelé Daniel Guillerm, vice-président de la Fédération nationale des infirmiers (FNI), lors du 63e congrès du syndicat, le 8 décembre à Bagnolet (Seine-Saint-Denis). Sauf que, dans les sphères de la technostructure et de la haute administration, les seuls mots qui ressortent lorsqu’il est question de soins, c’est le tout structure avec l’HAD, les Ssiad [services de soins infirmiers à domicile] et les maisons de santé pluriprofessionnelles. Les Idels ont l’impression d’être hors jeu et d’avoir un manque de reconnaissance. »
S’ajoute à cette situation un contexte réglementaire « inquiétant » pour les Idels, puisque deux réformes-“cadres” (structurant l’architecture sanitaire française), à savoir la loi Hôpital, patients, santé et territoires de 2009 et la récente loi de modernisation de notre système de santé, instaurent, d’après la FNI, un principe de « filiarisation » - par filière. « Les Idels ont donc parfois le sentiment d’être mises de côté face à ces structures avec lesquelles elles aspirent à travailler », rapporte Daniel Guillerm. « Le problème de reconnaissance des Idels est réel, reconnaît Zabouda Cretenet, directrice générale adjointe à l’HAD Soins et santé de Lyon (Rhône), qui représentait la Fédération nationale des établissements d’hospitalisation à domicile (Fnehad) lors de ce débat. Mais le souhait de la Fnehad est d’avoir les Idels à ses côtés. » Elle trouve d’ailleurs dommage que les acteurs ne se mettent pas tous autour d’une table pour en discuter car ils ont chacun un rôle à jouer vis-à-vis du patient.
Le respect du rôle de chaque professionnel est bien ce qui semble poser problème. « J’ai connu l’arrivée des Ssiad dans les années 1980, ils devaient être une alternative à l’hospitalisation, souligne Daniel Guillerm. Aujourd’hui, nous ne trouvons pas que ce soit le cas. De même avec l’HAD, ce qui peut créer des tensions. » Selon le dernier rapport d’activité de la Fnehad, les trois premières prises en charge en HAD à titre principal sont les pansements complexes et soins spécifiques (stomies compliquées), les soins palliatifs et les soins de nursing lourd. Et les structures privées (non lucratives et lucratives) progressent, tandis que le public perd du terrain.
Un autre reproche est adressé à l’hôpital : ne pas tenir compte du parcours de soins du patient. « J’ai l’impression que, pour l’hôpital, ce parcours débute au sein de l’établissement, et que les hospitaliers ne tiennent pas compte de sa prise en charge en ville », dénonce le Dr Michel Combier, ancien président de l’Union nationale des omnipraticiens français. Il s’étonne : « L’une de mes patientes m’a appelé pour me dire qu’elle rentrait en HAD. Je croyais que c’était au médecin traitant de valider cette prise en charge ? »
La conseillère paramédicale de la Fédération hospitalière de France, Cécile Kanitzer, a cependant affirmé que les libérales étaient inté-grées dans leur réflexion. « Lorsque nous préparons la sortie du patient, nous voulons assurer la continuité de la prise en charge. Il n’y a pas de volonté de filiariser le patient. » Une remarque qui n’a pas manqué de faire sourire les Idels présentes dans la salle, d’autant plus que ses propos ont été suivis du témoignage d’une de leurs consœurs évoquant sa mauvaise expérience avec l’HAD. Cette Idel a pris en charge une patiente pour des soins complexes, en coordination avec le médecin traitant. « Puis, à la suite de sa réhospitalisation, alors que les soins n’étaient plus complexes, le chirurgien l’a orientée vers l’HAD, la menaçant de ne pas la laisser sortir si elle ne choisissait pas cette option. » Pour la FNI, il est nécessaire de « rétablir la confiance mutuelle entre tous les acteurs afin d’aboutir à une homogénéisation des relations entre les structures au niveau national ». Car, en toile de fond, c’est bien un autre problème qui subsiste : la rémunération des Idels intervenant en HAD (lire aussi ci-contre). « Aujourd’hui, en fonction des territoires, les relations ne sont pas basées sur les mêmes contrats », souligne Daniel Guillerm. « Nous allons certainement entrer en négociations conventionnelles, peut être que cette année sera un peu plus positive et que nous allons réussir à travailler ensemble », conclut Philippe Tisserand, président de la FNI.
Sur le sujet des relations entre Idels et HAD, lire aussi p. 58 le témoignage d’un Idel… heureux de ce partenariat.
→ HAD sans restriction en Ehpad
La quinzaine de restrictions encadrant les indications de recours à l’HAD en Établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), comme la nutrition parentérale et entérale, les traitements intraveineux, la surveillance post-chimiothérapie, la prise en charge de la douleur, les pansements complexes ou encoreles soins de nursing lourds, seront levées le 1er mars 2017. À lire sur notre site, rubrique Actualités, à la date du 12 décembre.
→ Une réflexion sur les passages Ssiad-HAD
La réglementation, faute d’autoriser une prise en charge parallèle en Ssiad et en HAD, ne permet pas au patient de conserver à domicile le personnel soignant avec lequel « s’est installé un lien de confiance », a souligné la directrice générale de l’offre de soins lors du congrès de la Fnehad, le 7 décembre, rapporte l’APM. Elle a fait état du projet de « poursuivre la réflexion » sur les passages d’un patient d’un Ssiad vers une HAD, et vice-versa.