GUERRE > 500 000 personnes ont perdu la vie dans le pays depuis 2011. Les soignants sont devenus des cibles privilégiées des frappes aériennes. Selon Médecins du monde, le droit humanitaire n’existe plus.
Selon les ONG, il n’y aurait plus qu’une trentaine de médecins à Alep – sur le point de tomber aux mains du régime Assad à l’heure de notre bouclage – et les hôpitaux classiques sont quasiment tous par terre.
« Les équipes médicales investissent des lieux cachés car les infrastructures médicales sont ciblées par le régime de Bachar Al Assad », indique Samuel Hanryon, en charge de la communication à Médecins sans frontières (MSF), qui n’a plus de personnel sur place, faute d’un accord avec le régime. L’ONG internationale soutient cependant les équipes de soins syriennes.
En raison des bombardements, les équipes sont mouvantes et loin des standards de soins habituels. Dans la seule ville d’Alep, les hôpitaux ont été frappés par plus de trente attaques depuis le siège de la ville en juillet dernier. Aujourd’hui, les structures restantes sont souterraines.
Mi-novembre, le seul hôpital pédiatrique de la ville a été touché par les bombardements aériens, qui ont détruit ses trois étages et anéanti toute possibilité de soins, relate MSF. Deux autres hôpitaux de chirurgie ainsi que le plus grand hôpital généraliste sont également hors service en raison des frappes. MSF dénombre au moins six ambulances prises pour cible et parfois détruites.
Pour Médecins du Monde (MDM), qui dispose de cliniques mobiles et fixes à travers le pays, le droit humanitaire n’existe plus. « Le bombardement des zones de soins est devenu une arme de guerre, déplore Léa Gibert, responsable de la cellule d’urgence de MDM. On a franchi un seuil, le personnel soignant est considéré comme combattant et est donc une cible. » Faute de structures suffisantes, les blessés sont acheminés vers des centres médicaux à la frontière turque, lorsque cela est possible. Une cinquantaine d’infirmières, médecins, logisticiens et chauffeurs syriens sont toujours employés par MDM sur place.
Les techniques des forces aériennes laissent peu de chance de survie aux équipes de soins et à leurs patients. À Homs et à Alep notamment, la technique du “double tap” anéantit tout : « Il y a un premier bombardement, les secours arrivent, et là, un deuxième bombardement a lieu », explique le responsable MSF.
En l’absence de couloir humanitaire à Alep, de nombreux civils y restent bloqués. La nourriture, l’eau et les médicaments n’arrivent plus jusqu’aux soignants. Mais il faut continuer à soigner alors que la plupart des médecins ont déserté la ville. Il y a d’une part les blessés touchés par les bombardements qui nécessitent d’être stabilisés ; d’autre part, les malades chroniques, moins visibles mais très nombreux. « À présent, il n’y a plus de traitement contre les cancers, la tuberculose ou l’hépatite, et beaucoup d’autres médicaments seront bientôt épuisés », rapportent les médecins soutenus par MSF.
La pénurie touche également l’essence. Alors qu’Alep-Est est resté sans électricité pendant des mois, les hôpitaux s’alimentent grâce à des générateurs pour les machines de maintien en vie, les pompes respiratoires et l’éclairage notamment. Fonctionnant à l’essence, leur utilisation a été réduite à quelques heures par jour. « Pour économiser de l’essence, ils ne tournent qu’en cas d’opération », indique Patricia Garcia Peinado, de MSF. Une coalition de l’ONU de retour de Syrie demande la levée des sanctions internationales envers le pays, qui seraient également la cause de certaines pénuries.
L’ONG médicale UOSSM (Union des organisations de secours et soins médicaux) soutient également les équipes soignantes. Début décembre, elle estimait que 710 médecins, infirmières et personnels médicaux ont été tués lors d’au moins 545 attaques sur environ 250 structures médicales sur tout le territoire syrien. Depuis septembre, 185 attaques ont eu lieu, tuant au moins 115 travailleurs de la santé. Pour Léa Gibert, il est important que les soignants d’ici soient solidaires avec leurs confrères syriens : « Il faut continuer à en parler, à alerter. »